Soutine à l'Orangerie

 

 

 

 

A l’Orangerie

Chaïm Soutine (1893-1943)
l'ordre du chaos

3 octobre 2012 - 21 janvier 2013

 

Réunis par la passion du marchand Paul Guillaume pour ces « portraits où la mesure et la démence luttent et s’équilibrent », vingt-deux tableaux du peintre russe Chaïm Soutine (1893-1943) sont conservés par le musée de l’Orangerie.


C’est en ces termes que l’exposition nous est présentée.


D’autres peintures que les portraits sont accrochées. Des natures mortes, des bœufs écorchés, des paysages complètent les enfants de cœur, les mitrons et les matrones.


Quand j’étais méchant, quand j’avais envie de lancer une critique sans ménagement, voire même teintée d’un peu de partialité, une de ces critiques qui parlent moins des œuvres et des auteurs que du critique lui-même, je n’hésitais pas : Soutine, un enfant naturel de Van Gogh et de Cézanne, qui aurait été élevé par Daumier !


C’est un propos désagréable. Soutine a été un de ces nombreux peintres venus à Paris, l’honorer de leur présence et en faire la capitale mondiale de la Culture pendant prés plus d’un demi-siècle ? Pourtant, Soutine en tant que représentant, rare, d’une peinture violente, expressionniste venue de l’Est ne détonnait-il pas dans des ateliers parisiens. Sa peinture avait tout du caractère criard, virulent et acide des expressionnistes allemands, de toute cette école Berlinoise sortie des tranchés avec l’envie d’en découdre, avec la paix, avec ceux qui décident des guerres, avec les grandes idées.


Soutine a peint à grandes traces et pâte épaisse des tableaux tourmentés. « Ordre du Chaos » est le sous-titre de l’Exposition. Pour ce qui concerne les portraits ou les personnages en pieds, le style Soutine, se lit mieux ainsi : « la mesure et la démence s’équilibrent ».


Peinture épaisse à la Van Gogh, les paysages sont presque des sculptures « dans de la peinture à l’huile », tant la matière est dense et travaillée comme on modèle l’argile. Pas de « coulures », pas d’ « à plat », rien de « lisse ». Peinture à la brosse et au couteau, à coups saccadés, nerveux. Le peintre est là dans sa peinture, tout autant que le sujet ou le paysage qu’il dépeint. Il y est comme Van Gogh était lui aussi tout entier, esprit, corps, désirs, volonté, folie, dans ses couleurs sculptées en lanières, en coups de vent et en vibrations.  Mais aussi, et c’est pourquoi j’ai parlé de Cézanne, si les formes, les volumes, les maisons et les paysages sont tordus, ils le sont à partir de structures aussi marquées que celles qu’on trouve dans les tableaux du maître. Les couleurs maniées toujours avec force et violence dans le mouvement qui les étale, sont plus neutres, en verts, en bleus, en jaunes, en couleurs de terre, que dans les natures mortes et les portraits. Une palette si proche du maître de la Sainte Victoire ! Proche du cubisme académique qui suivra. Proche des tonalités terreuses qu’il privilégiera. Soutine est alors un cubiste qui soumet les grilles d’interprétation du Cubisme à la torture, il les ploie, les plie, les repousse et les retord. C’est du cubisme qui souffre ou de la souffrance qui déforme les cubes.


Tout Soutine, traditionnellement, réside dans ses portraits de rouge et de blancs des enfants de cœur et des mitrons. C’est là qu’on le regarde, qu’on l’admire, qu’on le reconnait. C’est là qu’on hésite. Le mitron, au costume blanc qui se déploie comme une figure géométrique sur la toile, surmonté d’une tête de mitron et du couvre-chef qui va avec. Il le faut bien, pour qu’on reconnaisse qu’il s’agit d’un mitron. L’enfant de cœur, rouge cru, violent, rubis, sang et aussi, blanc du surplis en dentelle. Ces deux-là, sont rassurants, c’est du vrai Soutine. Les couleurs, ne sont-elles pas de véritables hurlements ? Ces rouges ne parlent-ils pas du sang des bœufs qu’il a peints aussi, pendus aux crocs des boucheries ? Ces blancs sur les rouges ne sont-ils pas une forme de ricanement, la cruauté du rouge et l’absolution du blanc, qui fait le fond, classique, connu et reconnu du « vrai Soutine » ?


Ou bien, les enfants de cœur, comme les mitrons n’annoncent-ils pas par leurs formes pures, une sorte d’abstraction. Ce n’est pas « carré blanc sur fond noir », pas plus que les communiants ne sont pas « carré rouge sur fond blanc » bien sûr. Mais, en considérant les choses, en soulevant le voile de fiel qui caractérise la peinture de Soutine, ne peut pas discerner cette tendance vers la stridence de couleurs posées au-delà de toute signification apparente ?


C’est peut-être ce qui rassure chez Soutine. On se dit qu’il est sur une voie, qu’il trace, seul, dans un milieu français qui n’y est pas très propice, un expressionnisme qui va être bientôt abstrait. Ou qui va chavirer dans l’ «anartiste » ? De fait, il y a dans la peinture de Soutine un basculement qui n’est pas encore osé. Si on voulait prendre des comparaisons non raisonnables, on pourrait le mettre en face de Chaissac qui s’efforce de raccrocher ses oeuvres à quelque chose de familier, de vivant, à un sourire, un regard en les affublant de traits simples disant les yeux, le sourire, les oreilles d’une tête pour ne pas risquer de plonger dans quelque abîme inconnu. Cette comparaison parce que les visages tordus des enfants de cœur ou des mitrons, les visages des personnages en pieds, paraissent surajoutés. Leurs regards, leurs grimaces, les torsions dans leur forme sont surabondantes. N’y-a-t-il pas chez Soutine du « trop dit ».  De la violence dans les formes, dans leurs torsions, dans leur déconstruction qui en surajoute dans la démonstration. Ne reconnait-on pas Soutine au premier coup d’œil parce qu’il en « fait » tellement qu’il faudrait être aveugle pour passer à côté ou sourd pour ne pas entendre les cris et les grincements ?


Quel serait alors l’œuvre véritable, celles qui est derrière les grimaces et les torsions en tous sens. Les formes géométriques du tablier et du surplis ? La simplicité tournant à l’épure des lapins éviscérés ? la pureté formelle, des fleurs rouges, plus troublantes encore que les « carcasses de bœuf ». L’abstraction expressionniste n’est-elle pas là au bout du pinceau, au bout du couteau ? Inaboutie ?

 

 

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