Soliloques sur l'art Juin 2015

- A l'image d'une conversation: Louis-Paul Ordonneau, Josselin Mahaut

- Patrick Faigenbaum, sait où poser les couleurs

- Cédric Delsaux, entre le brame des mégamachines et les fluorescences de la Guerre des Etoiles

Patrick Faigenbaum, sait où poser les couleurs

nota les couleurs pour la brodeuse et les pastèques sont très mal rendues

Patrick Faigenbaum

Kolkata/Calcutta

Fondation Cartier-Bresson jusqu’au 26 juillet


Belle exposition. Lumineuse. Inspirée. A la fois. Très classique aussi. Peu d’innovation ou de recherche. Beaucoup de belles photos. A mon sens, il faut commencer la visite de cette exposition par la fin. C’est d’ailleurs ce qu’on devrait toujours faire. Cela évite de chercher des évolutions, des soi-disant ruptures, ou l’enchaînement des apprentissages et des expériences. On reste plus près des œuvres, de leur propre histoire et des rythmes qui s’y inscrivent.


Il y a dans la photographie de Patrick Faigenbaum de la belle peinture ! Je commence mal ? Je devrais faire attention à ce que j’écris ? Ce ne peut pas être sympathique face à quelqu’un qu’on décrit comme un photographe passionné de la chose indienne, surtout du côté de Calcutta. Peu importe comme il se voit lui-même, la vérité est qu’il offre de belles images qui paraissent dans de nombreux exemples sortir tout droit d’une palette de peintre. Avec des « arrangements » à la hollandaise, des fruits mis en scène, pommes et autres fruits exotiques, pour leurs couleurs et leurs formes. A la hollandaise ? Doit-on lui en faire grief. Le nombre de gens qui ont peint des pommes n’entraîne pas nécessairement que la représentation des pommes soit vouée à l’échec. Il n’en demeure pas moins que lorsqu’on regarde les « Arrangements » Patrick Faigenbaum, on voit des tableaux « à la hollandaise » et que cela « dérange » parce qu’on se dit qu’il a voulu faire « joli », c’est-à-dire répéter des habitudes de voir et venir chatouiller les rétines.


Je sais que c’est dur. Mais, attention, le photographe est un primé d’une belle et noble institution « la Fondation Cartier Bresson ». Il a donc été choisi pour la qualité de son travail et, ayant probablement surperformé quelques compétiteurs, il a été élu et se trouve pour cette raison exposé. Quand on est exposé, on doit en supporter les risques, dont un qui est d’être regardé sous toutes les coutures. On a le droit à ce titre de dire ce qui n’est pas exceptionnel dans son travail.


Qu’on me comprenne bien : je ne dis pas un instant que ses photos ne sont pas belles. Je dis au contraire qu’il a cherché à faire de belles photos et qu’il a réussi. « Les champs proches du Village Santal de Gnosaldanga» dans une lumière de fin de journée où les jaunes paille et les ocres lumineux sont soulignés de verts clairs et sombres, est une très belle photo. Très bien construite. Avec les lignes de fuite et de force placée comme il faut pour évoquer : paix, douceur de vivre, richesse de la nature, et équilibre des nuances, tous exprimés avec délicatesse. Dans le même esprit, « la moisson de riz sur la route de Kokalta à Kaïna». «Savez-vous ce que c’est que faner?» lance cette photo en sautant les siècles et les continents comme pour faire écho à Madame de Sévigné. Belle composition de moissonneurs, hommes et femmes, robes vertes et roses faisant chanter le jaune sombre de la paille et en appelant à la lumière complice d’un soleil de rêve.

Ce goût de la couleur est superbement exalté dans une magnifique photo de pastèques, les unes ouvertes éclatantes de tout leur rouge, profond, chantant, comme autant d’appels à toutes les voluptés charnelles, les autres entières, formant le fond du tableau et le couvrant d’un vert profond, parfois tirant sur le noir, ou le bleu…ça y est, je me suis laissé prendre au piège. J’ai évoqué un tableau. C’est que tout ceci, en toute honnêteté de chroniqueur, c’est du pictorialisme à s’y méprendre.


Dans un coin de la salle d’exposition du second étage on peut consulter l’ouvrage d’où viennent les tirages exposés sur les murs. Les images qu’on y trouve montrent à l’envie ce goût de la peinture qui saisit si fortement Patrick Faigenbaum. Portraits, scènes d’intérieur, rideaux roses qui illuminent un sari safran. Au premier étage, illustrant le propos, une magnifique « Mira Manna » au sari jaunes coquille d’œuf, se détache sur un fonds en triptyque jaune, rouge et sombre. Et aussi, l’image de cet homme couché pour une sieste : symphonie de verts, vert du vêtement, vert des murs, vert mi-obscurs, conférant calme et sérénité, subtilement mis en valeur par les rouges un peu violacés d’une couverture posée sur le lit.


Les couleurs de Laurence Leblanc se sont glissées à ce moment. Pour créer une correspondance ? Mais aussitôt les couleurs de Laurence, la différence m’a paru frappante : ces couleurs-là, étaient des pensées, des états de conscience, l’inscription d’âmes et d’esprits dans un univers ailleurs, émergeant, grâce au talent de l’artiste, fugitivement, légèrement et pourtant très intensément.


Les compositions de Patrick Faigenbaum sont très belles. Il pose ses couleurs là où il faut et les assemble pour leur faire donner tout ce qu’elles savent dire et décrire. Il est dommage qu’il s’efface devant le plaisir que lui procurent ces couleurs qui chantent et concertent. Elles sont dangereuses ces images trop belles : Ainsi de Schreyasi Chatterjee en train de broder. Une photo d’anthologie. Les Hollandais encore une fois, avec une petite nuance de Chardin.


Dommage, car les photos en noir et blanc sont vraiment bien inspirées. Elles sont classiques. Celles qui sont montrées sont le plus souvent prises la nuit, à la chance des contrastes forts, où les blancs éclaboussent la lumière comme des flashes et où les noirs sortent naturellement et rappellent que les choses et les gens tirées de la nuit lui appartiennent pour quelques heures. S’agit-il de photos purement documentaires ? S’agit-il de trouver derrière les sujets, des questions non répondues, des constructions qui annoncent de futures questions ?


La photo des hommes qui regardent la télévision, un peu comme s’ils faisaient la queue, est marquante, comme cette autre des deux joueurs d’échec. Patrick Faigenbaum réalise de belles scènes de rue ou de marché dans un style très classique. Photos un peu hésitantes, un peu floutées, dans la lignée des photographes américains ou scandinaves. Bien loin des traditions photographiques françaises. Rien de contestable ici. Du beau travail, « très inspiré » mais quand même plus photographique que lorsqu’il met la couleur dans ses images. 

A l'image d'une conversation

Exposition du 18 juin au 30 juin à la galerie Anne et Just Jaekin, 19 rue Guénégaud, 75006 Paris. 

 

 

Derrière cette grille étrange, derrière tous ces numéros, des photos. Celles que se sont envoyés Louis-Paul et Josselin. Comme deux amis, éloignés, auraient décidé que la lumière, la couleur, les formes, valent vocabulaire et syntaxe et parlent mieux que les mots et les phrases.

 

L'exposition montre 80 photos qui vont par paires, Josselin lance une idée, une humeur, une impression autant d'affirmations, de provocations et ou d'interrogations. A Louis-Paul de répondre quitte, s'il le décide à questionner, affirmer, provoquer. 


Il en ressort une belle exposition, intelligente et réussie où le temps de l'Art est en cause.


Travail intelligent bien mené par des artistes intelligents: Josselin et Louis-Paul se sont installés dans la durée pour faire mentir le dicton en vertu duquel la photographie comme la peinture figent le temps et le tuent, quand, à l’opposé, la musique, la littérature et le cinéma le magnifient.

 

S’agit-il de littérature que cet échange par image interposée entre les deux photographes bourrés de talent que sont Josselin et Louis-Paul? S’agit-il d’une sonate pour deux instruments? Chaque photo posant une note ou un accord sur la partition? Ou mieux encore, un film, qui s’annoncerait muet et débarrassé de tout son? Un film n’est-il pas le produit d’une succession de photo? Or, la conversation entre Josselin et Louis-Paul, est très précisément une succession d’arguments, de raisons et d’humeurs.


On a envie d’écrire le film des événements.

 

Car c’est une bande-image qui défile.


Josselin a placé la barre très haute et Louis-Paul menacé a dû répondre en la déplaçant plus haut encore. Bravo. Bien joué. Le plus étonnant réside dans une sorte de convergence. Le temps a fait son œuvre sur des œuvres qui auraient dû figer le temps : il les a fait bouger. Les photos de Josselin deviennent de plus en plus proches de celles de Louis-Paul. Les photos de Louis-Paul ont trouvé une résonance dans celles de Josselin.

 

Comme si la conversation, passée par des hauts et des bas, aboutissait à un accord apaisé, à une idée commune.  

Très beau travail.

CÉDRIC DELSAUX, entre le brame des mégamachines et les fluorescences de la Guerre des Etoiles

Galerie Patrick Gutknecht (Genève, Suisse) Mai 2015

Curieuses images que celles de Cédric Delsaux. Quittons la photo pour retrouver la bande dessinée. Non ce n’est pas cela : quittons la bande dessinée pour retrouver les histoires de science-fiction en image, en photos. Non plus. Décidément où peut-on ranger ce fabricant d’histoires, ce montreur d’ours électroniques ? Un peu marionnettiste à l’ancienne, un peu quête du Graal, avec chevaliers, table ronde et belles bêtes en fer qui se lancent des défis impossibles.

Metteur en scène de mondes impossibles, on lui reprocherait d’insister lourdement sur la Guerre des Etoiles ! Qu’aurait-on du reprocher aux peintres américains quand ils nous ont saoulé de Mickey, petits et grands, détournés en walking deads ou dotés des instruments nécessaires à leur transformation en bête de sexe ? Et quand je pense peintres américains, je devrais ajouter « et photographes »…

La guerre des Etoiles et ses personnages font maintenant partie de notre imaginaire collectif pour une bonne poignée de centaines d’années. On ne peut plus les cantonner dans une malle qu’on oublierait dans un grenier. Puisqu’ils sont là, langage imaginaire commun à une partie considérable de l’humanité, il faut les montrer. Cédric Delsaux a raison de détourner la saga. Il le fait avec humour (les droïdes épuisés, affalés sur des épaves de bagnoles, sont fabuleux) et dérision, (la course de robots gigantesques sur la highway)

Pourtant, ce ne sont pas ces montages qui montrent le mieux son talent. Je leur préfère, ces lieux où il est allé à la rencontre des monstres, les vrais, ceux que notre société utilise, un peu à l’écart, mais intensément, pour exploiter des richesses, les transporter, les usiner.

Les photos de transborders dans des mines, d’usines, les mers de pneus, les entassements de déchets, sont directes, brutes de fonderie, des coups de poing. Les points de passage avec star wars sont là aussi, parfois, pour faire émerger un doute. L’énormité des machines, l’inhumanité des entassements, la menace qui émane d’un train de tôles dans une aciérie, prennent une dimension qui semblerait n’appartenir qu’à l’imaginaire.

Il explore beaucoup dans des domaines surprenant : l’image, dans le brouillard de l’autoroute des Titans ne le cède en rien à celle d’un parc de loisir quelque part.

Et pourtant, Droïdes mis à part, tout ceci est vrai. Ce sont bien les bonnes images d’un monde qui jaillit devant lui. Qui submergent, pareilles à des vagues souvent mauvaises dans un univers de tempêtes.




 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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