Soliloques sur l'Art, une belle promenade

Mai 2016

 

 

 

- 1. Chefs d'oeuvre de Budapest

- 2. Chung Hyun. L'Homme debout

- 3. Oksana Shashko

- 4. Galerie Felli. Eric Roux Fontaine.

- 5. Galerie Duboys. Diers. Affirmation 

- 6. Galerie Gilles Naudin. Catherine Seher

- 7. Galerie l’œil du Prince

- 8. Fondation Taylor. Véronique Laurent-Denieuil.

 

 

Les parisiens devraient se mettre plus souvent dans la peau des étrangers ou des provinciaux qui viennent dans la « capitale » et qui se promènent, d’un pas précipité si le séjour est de courte durée ou d’un air nonchalant, s’ils sont des habitués des lieux ou heureux voyageurs sur une durée longue.

 

Si mes concitoyens s’adonnaient au tourisme domestique, ils marcheraient. Beaucoup. Il leur arriverait de prendre le métro. Mais essentiellement, ils marcheraient dans des univers de rêve, le Marais, la Bastille, le quartier Saint Paul, les quais, la rue de Seine, la rue Guénégaud. Ils regarderaient, les yeux happés par tant de boutiques, de la peinture, ancienne, contemporaine, de la sculpture, des objets amusants, des bijoux anciens et surtout des galeries, des antiquaires et même des musées….

 

J’ai essayé de suivre ce cheminement. Aller lentement. Comme si j’avais le temps (en fait, je l’avais !) et plonger mon regard dans les devantures, essayer de deviner ce qui est caché, pousser une porte, passer en revue des œuvres, des photos, des gravures, des dessins. Bavarder un moment avec les galeristes et puis repartir sans chercher une direction précise pour s’arrêter un peu plus loin. D’autres œuvres vont ont fait de l’œil, vous voulez en voir davantage, vous entrez…

 

J’ai donc fait une jolie promenade. Elle a commencé au Musée du Luxembourg et s’est achevée dans une charmante galerie, "L'oeil du Prince", rue Cardinet.

 

J’ai eu envie de livrer cette journée, ses plaisirs et ses découvertes, à quelques amis, amateurs d’arts ou de promenades. J’avais vu tant de choses que je ne savais par où commencer. J’ai aussi vu des choses étonnantes et que je n’ai pas aimées. Devais-je en dire un mot ? Je me suis décidé. C’était oui. Après tout, ai-je le droit de toujours prétendre détourner les regards pour le motif que « J’héme po » ?

 

J’ai pensé écrire cette relation comme fut composé ce merveilleux film : "La mariée était en noir" ou cet autre « Carnet de bal ». On débute avec ce qui n’est pas si important. On ne s’appesantit pas. Puis on continue par les expositions ou les lieux qui deviennent de plus en plus stimulants. C’est ainsi qu’au fur et à mesure où se découvrent des visions de plus en plus intéressantes, les commentaires se font de plus en plus longs. Ce n'est pas chronologique... qu'importe? On peut essayer. 

7- Galerie l’œil du Prince. L'art figuratif

 

Fin de la journée. Tout près de chez moi, une galerie qui, elle aussi, défend une « ligne ».

 

J’y avais trouvé une peintre (ou une peintresse ? ) : Zou, sur laquelle j’ai rédigé pas moins de trois chroniques.

 

Le thème suivi par la galerie est définitivement « peinture » figurative. Ringard ou retour aux origines ? Je pense que c’est une bonne idée. On peut comme GNG, avec Catherine Seher, opter pour une figuration suggérée où les formes ne s’imposent pas par elle-même mais par leur façon de parler de la vie intime et des sentiments. Dans le cas de l’Œil du Prince, les formes sont clairement celles de la représentation des personnes, des objets ou des lieux.

 

J’ai particulièrement aimé le travail de Gérald Engelvin. Un réalisme pur et dur. Et un mystère, car à représenter avec autant de précision, on finit par se heurter à la surface des choses et des êtres. On s’aperçoit que sous couvert de rendre compte d’attitudes, de poses et de de regards, l’artiste instaure un mystère au milieu d’une clarté, une intranquillité au sous couvert de quiétude.

 

La matière n’est pas lisse, un aspect granuleux écarte toute impression d’hyperréalisme. Les attitudes des personnages écartent toute complicité avec le regardeur. Ce sont souvent de jeunes enfants et, encore plus souvent, des « liseurs » plongés dans leur bouquin, absents au monde, insouciants des regardeurs.

 

A les regarder justement, à ces images de Gérald Engelvin, d’autres images s’invitent et viennent apporter leurs lumières. Images photos d’Erwin Olaf dont la clarté et la simplicité ont du mal à dissimuler drames et interrogations intimes quand elles ne les mettent pas directement en scène (la Honte). Et inévitablement, Balthus, lui aussi peintre des filles. Gerald Engelvin ne laisse pourtant pas planer l’étrange, ni ne l’introduit dans les formes qu’il dispose.  Les dislocations de l’intime, du temps et du sexe de Balthus ne sont pas les siens : sa musique est plus classique. Elle est si proche d’une « ligne claire » qu’elle pousse le regardeur à hésiter entre représentation de la vie quotidienne et questionnement sur ce qui vit sous la surface des choses.

 

Le lecteur est-il absent au monde ou plus présent et plus sérieusement dans le monde que le regardeur ?

 

 

La galerie a aussi montré un peintre « figuratif » que j’ai trouvé étonnant. Bennett Vadnais et plus récemment, jusqu’au 26 juin, Nuchka.

5- Galerie Duboys. Diers. Affirmation bleue. Jusqu’au 18 juin

 

Encore une porte poussée sur une impulsion, un désir d’en savoir davantage, l’idée de découvrir un peintre méconnu… En vitrine, une belle composition abstraite toute de bleu entrelacé et derrière un accrochage qui attire l’œil.

 

Sont exposées des œuvres Diers, peintre originaire du Nord de la France. Je n’en avais jamais entendu parler (mais, rien de surprenant à cela, je ne suis pas du Nord !).

 

Thierry Diers est un peintre inscrit dans son temps avec talent et imagination. Ouvert sur le monde, il est tout autant dans la mouvance française des Cobra que dans l’univers inspiré des Allemands contemporains que sont Baselitz, Lüpertz et quelques autres.

 

Faux abstrait, sa peinture est d’ordre émotionnelle. Il a recours aux collages, au surcollages, pour renforcer le discours de la peinture. Les œuvres exposées, à dominante bleue, ne doivent pas faire oublier qu’il s’agit très généralement d’une peinture colorée, comme on en trouve chez les Cobra « classiques », comme on en trouve aussi chez des Français comme Arnal ou Wemaere.

 

Peinture sûre, main et pinceaux précis, Thierry Diers est un de ces artistes qui font passer les messages. Peinture qui rappelle et interpelle, l’abstraction n’est pas pour lui formelle ni lyrique, c’est un discours construit. L’expressionnisme n’y est jamais grinçant ou provocateur et si on veut y découvrir un sentiment c’est celui qui entoure le désir d’acuité et de vérité qu’il faut chercher.

 

Le travail de Thierry Diers est intéressant au sens où ses œuvres offrent au regardeur la chance de réfléchir, d’y lire des questions et de voir un artiste qui ne s’arrête pas en chemin, une fois la bonne idée, la bonne expression trouvée. Cette période bleue est intéressante. Elle est bien dans le droit fil du travail qui se déploie sur une bonne quarantaine d’années.

 

 

Un bon peintre à aller voir et à collectionner. 

 

1-Chefs d’œuvre de Budapest. Musée du Luxembourg. Jusqu’au 10 juillet.

 

On sera bref. J’ai cru me retrouver dans le musée un peu morne d’une ville de province. Très déçu après tant de commentaires enthousiastes. Impossible de ne pas maugréer : « si ce sont là les chefs d’œuvre…)! Ne pensez pas trouver de peinture hongroise, mais des italiens (quattrocento, what else ?), des Flamands, des Français…

 

Mais cessons d’être désagréable : au milieu de l’accrochage, deux magnifiques « Greco » et deux splendides « Goya ». S’ils manquent à votre « musée imaginaire intime » vous pouvez faire le déplacement.

 

2-L’Homme debout. Jardin du Palais Royal. Jusqu’au 18 septembre.

 

Celui qui ne connait pas les jardins du Palais Royal ne peut pas être un amoureux de Paris. Il faut y aller et, s’il fait beau surtout, s’asseoir sous une arcade, commander, je ne sais pas, une bière ou un thé, quelque chose comme ça et se contenter d’un rayon de soleil ou de quelques éclats de lumière de fin du jour.

 

On peut aussi, c’est recommandé, se pencher sur l’art jeune, l’art qui frémit, qui fait trembler un peu les jardins et leurs haies de buis et qui vibre d’impétuosité. On trouve dans ces jardins, de temps à autre, des expositions de sculpture. Jeune ou moins jeune. C’est bien. Mais pas toujours. La preuve en est fournie aujourd’hui et jusqu’au 18 septembre.

 

Il se trouve que, je ne sais quelle autorité, a proposé qu’un artiste coréen du nom de Chung Hyun, vienne exposer ses œuvres. Ainsi, il pourra être dit que la France est le berceau des arts. Elle accueille un franco-chinois à Monumenta, pourquoi n’accueillerait-elle pas, dans l’univers policé et aimablement nostalgique du jardin du Palais Royal, les œuvres d’un sculpteur coréen. C’est bien le moment puisqu’on veut resserrer les liens avec ce beau pays de l’autre côté de la planète.

 

Le sculpteur coréen qui a compris que les Français aiment les grandes causes et les grandes idées, annonce qu’il veut évoquer « l’homme debout » et célébrer l’amitié des peuples français et coréens. On ne peut qu’adhérer. 

 

Mais, une fois l’enthousiasme de la culture interlope passée, une fois qu’on est redescendu d’une échelle qui ne menait pas très haut, on doit se dire que ces hommes debout ne valent pas grand-chose. Ils émeuvent les riverains ? Ils chatouillent les rétines des habitants du Palais Royal ? Ce sont de grands bouts de bois extrapolés de ceux que les enfants aiment assembler. Au grand-Palais, une maison de poupée, au Palais Royal, des jeux de construction pour grands enfants.

 

La principale qualité de cette exposition…. Réside dans le fait qu’elle est gratuite.

 

A oublier. Très vite.

8. Fondation Taylor

 

Belle journée n’est-ce pas ? que je devrais clore ici. Mais, un repentir me retient de le faire : il faut penser à se rendre à la fondation Taylor. Régulièrement, y sont exposés des artistes dans tous les registres et toutes les matières. Jusqu’au 4 juin, trois artistes sont présentés. Celle qui m’a le plus frappé : Véronique Laurent-Denieuil.

 

Son domaine : la gravure… au sucre ! Ne me demandez pas ce que c’est. On m’a expliqué. J’ai écouté. Je n’ai rien compris si ce n’est que cela oblige à se souvenir qu’une bonne partie des techniques de la gravure relève toujours d’un peu de chimie, d’un peu de minéralogie et de beaucoup de cuisine ! (On pourrait mettre ces considérations en relations avec la photo des premiers temps qui était un peu de l’optique, beaucoup du matériel de cuisine et énormément de chimie !). Retenez simplement qu’elle a réalisé des « gravures au sucre » très intéressantes, sévères, aux personnages massifs, aux formes lourdes et sombres. Vous avez encore un peu de temps ? N’hésitez pas.

 

 

Accessoirement (mais très accessoirement) : les prix sont plaisants. 

6- Catherine Seher. Galerie Gilles Naudin. Jusqu'au 18 juin

 

Pour le coup, ce jour-là, je n’étais pas dans la galerie Gilles Naudin par hasard ! J’ai chroniqué de nombreuses expositions que son animateur a organisées. Dans un précédent texte, je l’ai dit « Fidèle à une ligne éditoriale ». Les œuvres que présente Gilles Naudin sont le plus souvent des travaux à dominante figurative, pour autant que le travail d’introspection, d’auto-critique, d’auto-dérision ou de catharsis puissent trouver son illustration dans le réalisme de la représentation.

 

Pas d’abstraction chez Gilles Naudin, des travaux proches de l’expressionnisme, des œuvres au noir où les visages, esquissés le plus souvent, disent qu’il n’est pas facile vivre, évoquent des fardeaux pesant sur l’âme et l’esprit depuis de très longues années, décrivent des enfances errantes ou craintives.

 

Pas de violence, de sang répandu, de grimace mortelle ou de plaies sanguinolentes, les œuvres parlent de pensées, d’obsessions et de peurs intimes. Le portefeuille de la Galerie est riche d’un grand nombre d’artiste dont on pourrait dire qu’ils forment école.

 

Catherine Seher est de ce nombre. Pas de plaintes dans son travail, pas de plaies de l’esprit, ni ombres noires et lourdes comme des ciels d’orage. Un travail figuratif où le visage et la silhouette de femmes, de jeunes filles, très jeunes ou un peu moins, dominent.

 

Formes esquissées, posées sur des décors tracés à grands coups de pinceaux. On pourrait y voir des traces à la « nymphéas » ou à la « Kirkeby », des couleurs d’automne et de printemps, des verts et des jaunes qui évoquent des paysages, esquissent des forêts ou des jardins.

 

Les personnages sont tracés à grands traits. L’artiste est avare de détails. Elle pose et présente ses sujets sans fioritures, sans afféteries, avec sévérité. Sévères, ils le sont ses personnages. On imagine bien que le sourire est absent et seulement leurs yeux, noirs, parlent plus qu’ils ne regardent.

Personnages suggérés, émotions sous-entendues, silences éloquents, une peinture à grands coups, vive et précise.

 

 

A voir absolument. A collectionner aussi. 

 

4- Galerie Felli. Eric Roux Fontaine. Jusqu’au 19 juin

 

Je passais par la rue de Turenne et je me suis souvenu que j’avais chroniqué une exposition des peintures de Chérel organisée dans cette galerie.

Aujourd’hui, elle expose un peintre de la mouvance « surréalisme poétique ». C’est un univers souvent étonnant et étrange dont une des variantes se retrouve dans la peinture fantastique, féerique ou de science-fiction.

 

La technique y est reine. Les artistes sont de véritables virtuoses de l’expression picturale ou graphique. Il faut penser à l’extraordinaire habileté de Dali, à ses retrouvailles avec la peinture hollandaise, où les natures mortes paraissent bien vivantes, présentes, tangibles. Courant de peinture qui fut aussi illustré par les peintres anglais dérivant des néo-raphaélites.  Courant qui ne cassait aucun code de la figuration mais qui, bien au contraire, mettait au service de la fantaisie la plus pure les techniques les plus éprouvées, les constructions picturales les plus admises et les représentations les plus classiques.

 

Ce qui n’est pas «classique», «habituel», «convenu» se trouve dans les thèmes et leur représentation. Eric Roux-Fontaine ne fait pas exception. Univers enchanteurs, tapis de fleurs « mille fiore », envols de chimères, sous-bois peuplés de peuples étranges, personnages planant très au-dessus des terres, vanités illustrées de têtes de mort ou de personnages méditatifs, Ophélie se perdant dans des eaux tranquilles…

 

 

Rêver dit-il. 

 

3-Iconoclaste. Galerie Mansart. Oksana Shashko. Jusqu’au 19 juin.

 

Je ne me souvenais plus très bien des techniques utilisées par les fabricants d’icônes. Je savais qu’il s’agissait d’un art bimillénaire pour ne pas dire plus. Je ne doutais pas que la ferveur religieuse orthodoxe, flamme jamais éteinte malgré les soviets, les Allemands et les oligarques, continuait à nourrir la foi et l’imaginaire des croyants ukrainiens et russes offrant de saints objets et de saintes images à leur dévotion. Je n’allais pas plus loin et ne m’intéressait pas plus que cela.

 

Avec cette exposition, j’ai découvert qu’il y a des écoles où on enseigne cet art et qu’il est vivant. Au surplus, les peintres d’icônes ne sont plus nécessairement des hommes. Des étudiantes se sont glissées dans cette filière de formation. C’est le cas d’Oksana Shachko qui expose à la Galerie Mansart. (pour la petite histoire, cette jeune femme est une ancienne « Femen »).

 

Elle n’y expose pas des icônes au sens traditionnel mais au sens technique du terme. Les thèmes de ces icônes modernes sont ceux du détournement et de la dérision. Madones en burka noires, anges qui ripaillent (mais sans débordement car l’art de l’icône n’est pas un art expressionniste), Christ qui ne tiennent pas bien en croix.

 

Les icônes sont de taille modeste en général. C’est le cas dans cette exposition surprenante. Pour être franc, je suis entré un peu par hasard (pas totalement vrai, car j’avais eu le plaisir de chroniquer une ou deux belles expositions organisées dans cette galerie), je n’y suis pas resté longtemps. Le temps de comprendre que les icônes n’étaient pas vraiment des icônes.

 

Mais si vous êtes accroc à la technique des icônes et si vous en voulez de résolument novatrices, allez-y. 


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