Wool ou l'économie de l'offre

christopher wool
christopher wool

 

 

 

Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Jusqu'au 19 août.

 

 

 

 

Dans une livraison antérieure, je me montrai trop ambitieux, lançant :

 

« Parlons de Crumb, de Wool et, au fond, d’autres artistes ou expositions rencontrées un peu par hasard ou parce que c’est comme ça : quand on regarde, on  finit par voir. »


Je n’ai finalement disserté que sur Crumb ne laissant entrevoir de Wool que ces quelques lignes:


« Crumb et Wool, je les ai vus le même jour.  Je le dis pour ceux qui voudraient faire la même expérience : elle suppose une certaine souplesse intellectuelle, une plasticité du regard, pour tout dire, une absence de blocage des écoutilles visuelles »

 

Donc, avançons:

Wool.

 

Je renvoie à un dictionnaire quelconque ce qu’il faut savoir sur Monsieur Wool et la genèse de ses œuvres. C’est un américain. A la différence de Crumb, il n’habite pas encore le Sud de la France.


Donc, Wool ! Et non plus des digressions ou des chemins de traverses. Il faut oser. Dire l’exposition Wool au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Cette exposition où je suis allé seul. Pas d’enfant avec moi pour me prévenir. « Père garde-toi à droite ! Père… ». Je ne reprendrai pas pour Wool, ce mot, terrible de Tristan Bernard invitant un ami à la représentation d’une de ses pièces de théâtre : « venez armé, l’endroit est désert ». Ce serait trop facile et injuste. Je n’étais pas seul. Il y avait des gens. Sur les lieux même de l’exposition des œuvres de Wool. Les considérant, même. (Par discrétion, je n’ai pas cherché à vérifier s’ils étaient « regardant »). Etait-ce l’effet du « billet groupé » ? De même voit-on à l’œuvre les manifestations d’une économie de l’offre artistique qui a rencontré sa théorie, de même la création artistique est poussée vers nous, comme les bagnoles le sont par des publicités racoleuses (par exemple : le « caresse-moi » de Fiat, qui montre que la femme idéale c’est une bagnole qui réagit sans discuter quand on veut passer à la vitesse supérieure). Maintenant que les Musées sont gérés comme des supermarchés, fleurissent les formules « trois expo, une gratuite ».


Donc, Wool était exposé au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à l’endroit même où j’avais, quelques semaines auparavant, pu voir et revoir les sculptures de Baselitz. A l’endroit même où ces « femmes de Dresde », hurlaient en jaune criard leur anéantissement et, par leurs cris, malgré leurs visages coupés à la tronçonneuse, par leurs derniers sourires,  nous intimaient de demeurer des êtres humains, appelaient à regarder ce dévoilement brutal et à ne pas ciller pour lui échapper, ce que l’Art fait voir. Donc, Wool était là, accroché, à cet endroit où Baselitz avait parlé de violence avec la force d’un Allemand de l’après horreur et pourtant, horreur lui-même puisque qu’enfanté par les auteurs de l’horreur, pire encore, parlant leur langue. Wool n’avait peut-être pas été informé que Baselitz avait empli l’espace des cris et de la masse de ses sculptures. Qu’aurait-il fait si on le lui avait dit ? Rien probablement. Dans une économie de l’offre, l’une chasse l’autre aurait-il dit. Le marché ne peut pas suspendre ses transactions en permanence à coup de minutes de silence, de réflexion sur la pertinence et la légitimité des objets proposés ou de mise en place des règles d’une improbable gouvernance.


Wool est légitimement exposé au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Il ne l’a pas volé. On ne lui a pas demandé de payer. Il est là, comme tout artiste qui, par son œuvre, sa renommée, sa présence dans les Grandes Collections Privées (GPC) et ses accrochages dans les Grands Musées Publics (GMP), mérite la consécration parisienne. Une première étape est d’être accroché dans ce GMP-là, municipal certes mais GMP, avant probablement de penser à un Monumentia dans un GMP, national, cette fois-ci.


Wool est, en effet, un artiste américain reconnu. Ce qui est intéressant avec lui, est cette distance à l’acte de peindre, qui, si on ne le retenait pas, pourrait conduire à son abstention. « Il est plus facile de définir les choses par ce qu’elles ne sont pas que par ce qu’elles sont ». Quand un artiste prononce des paroles fortes comme celles-là, quand dans une autre citation, il nous dit « ôtez la couleur, enlevez le geste », on sent qu’il va directement contre l’ordre établi. On rit en pensant à ce farfelu qui osait cette idée : « … un tableau…est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ». Innocent barbouilleur ! De toute façon, Wool n’est pas un peintre. C’est un producteur d’art. C’est important cette notation. Les outils dont il use relève de ce qu’en Science économique on qualifierait de  « combinaison des facteurs ». (Rien à voir évidemment avec l’Art Postal ou un vulgaire happening un peu cru). Tout est dans la combinaison photo, gravure, impression, photo-gravure, photo-impression, encre, encreur, pistolet à encre, pistolet à barillet… Pourtant l’accumulation d’outils ne doit pas ici détourner notre regard de l’essentiel : l’output. (quand il y a input, dans la théorie de le firme, donc de l’offre, il y a output).


Quand un artiste s’engage tout entier dans l’austère chemin de la production sous contrainte de l’économie de l’offre, il ne peut pas ne pas penser à économiser, gestes, matières, temps, espace. La rencontre des deux courbes, celle qui décrit la trajectoire de la création woolienne et celle que suit le regardeur encore englué dans le chewing gum Duchampiste, n’est pas aussi naturelle qu’on le pense. C’est pourquoi, pour que la rencontre puisse se faire, sur une table d’opération si la nécessité s’en fait sentir, il faut un vrai dynamisme. C’est ce que l’œuvre de Wool toute entière nous offre.

 

Mais, comme il se fait que dans le GMP municipal, ne se trouvent que quelques œuvres,il ne peut, ici, par correction et esprit de vérité scientifique, être question que de celles-ci. De fait, le nombre des œuvres exposées ne pouvait pas être considérable. Ces œuvres occupent tant de place sur les murs du GMP, bien que conçues par un homme à la frontière de l’abstention, qu’elles révèlent autant l’esprit de dérision de l’auteur que son souci de réduction des coûts de production. (Le prix de la toile au m2 aurait tendance à décroître avec la taille, conformément aux lois écrites de la formation des prix sur les marchés de concurrence). Ce ne sont donc que 31 œuvres qui sont présentées (31 est un nombre premier, ce qui n’est pas sans importance). Ces œuvres sont toutes de la dernière décennie. Elles sont contemporaines de l’Euro. Sur le plan historique tout du moins.


Ce sont de grandes tâches noires, un peu comme des draps qui auraient été utilisés pour nettoyer puis recouvrir des presses à imprimer. Mais voilà qu’un salarié de maintenance aurait par mégarde appuyé sur le bouton… provoquant l’émergence de l’output. Se rapprocher de la toile permet de voir que si on ne voit rien quand on est éloigné, il est possible d’en trouver la confirmation quand on est prés.


Je crois que c’est à peu prés tout ce qu’il y a à dire.


Sauf peut-être un dernier mot : ce qui est impressionnant dans cette œuvre est la force de conviction de l’artiste. En ce sens, on voit bien qu’il y a une forte identité entre l’œuvre d’art et la monnaie. L’une et l’autre sont de nature fiduciaire.


La monnaie woolienne serait-elle de la fausse monnaie ?

 

 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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