On ne peut pas épuiser pareil sujet!!!

On trouvera ici:

 

- Monnaie financière; Monétiser; Monnaies exotiques; Monnaie Marchandise; Monnaie de siège dite aussi obsidionale; Monnaie scripturale; Monnaie électronique

 

- Monnaie fiduciaire; Monnaie de la Libération; Monnaie de réserve; Monnaie "alternatives" ou "Monnaies morale"; Monnaie banque centrale; Monnaie Mondiale...


On n'hésitera pas à compléter l'information ci-dessus en allant lire celle qui concerne les "Billets de Banque". 

 

"M" comme "Monnaie"

Monnaies de gros et monnaies de détail

Cet article est paru dans le blog du patrimoine d'Arnaud Franel.

On peut le trouver en suivant ce lien

C’est une question vieille comme la monnaie. Lorsque les lydiens « inventent » la monnaie, c’est-à-dire lorsqu’ils mettent en place un vrai système monétaire qui implique la signature du Souverain (d’où l’expression de monnaie signée qui sera appliquée aux monnaies d’or, d’argent et de bronze frappé par les trésors officiellement agréés), ils ne résolvent pas toutes les questions relatives aux échanges et à leurs paiements. Au côté des monnaies d’or dont la valeur en biens produits ou récoltés était considérable, on trouvait des monnaies en métaux vulgaires, étain, plomb, cuivre qui servaient à apurer les petites transactions, le bol de soupe ou d’eau, le morceau de pain, le poulet etc.

Les pièces d’or ou d’argent avaient quant à elle pour objet le règlement d’échanges importants au sens de l’Etat et du souverain : payer un tribut, régler des opérations de commerce internationale, payer les mercenaires, recevoir les impôts.

« Plutarque indiquait qu’un mouton valait une drachme, c’est-à-dire une pièce en argent dont le poids est de plus ou moins 4.30 g. Aurait-on pu régler un morceau de mouton au moyen d’une pièce de monnaie lydienne en électrum, un alliage d’or et d’argent ? La plus petite pièce Lydienne pesait 0,15 gramme, valeur d’un tiers de mouton ! (Pour donner une idée de la taille de ces pièces de monnaie, il faut se souvenir que le Napoléon pèse 6,45g)... Que conclure de tous ces exemples : qu’ils soient pesés ou frappés, ces moyens de paiement ne s’appliquaient à toutes les transactions courantes.* »

Passons les siècles qui ne changeront pas grand-chose à cette dualité entre monnaie de gros et monnaie de détail et venons-en à l’époque moderne. Au début du XIXème siècle et pendant un long moment, jusqu’àprés la guerre de 1914,  le billet de banque, de même que l’or et l’argent, seront des monnaies de « gros ». Elles étaient réservées aux opérations de montants élevés, aux dépenses publiques et limitée, entreprises, commerce international, banquiers, et administration. Pour les autres, les remarques formulées plus haut s’appliqueront aussi avec une particularité : le numéraire de faible montant a souvent manqué. Il se présentait sous des formes quelque fois étonnantes : les timbres postes, les tickets de tram enchâssés sous forme de pièces ont servi de monnaies de détails. Jusque dans les années trente, en France, les Chambres de Commerce et d’Industrie étaient missionnées par les pouvoirs publics pour émettre la « menue monnaie », la monnaie divisionnaire.

Cette distinction « monnaie de gros et monnaie de détail » a-t-elle toujours un sens de nos jours, à l’ère de la monnaie électronique et des monnaies cryptées. On aurait presque envie de dire : plus que jamais !

Pour l’observateur de base, l’Euro est la monnaie des membres de l’Union Européenne (qui y ont adhéré). Les agents économiques utilisent l’euro pour payer leurs baguettes de pain, approvisionner leurs livrets d’épargne ou acheter un appartement, cela ne frappe personne que d’autres agents économiques, les banques, les fonds d’investissement, les très grandes entreprises utilisent le même euro, pour déplacer des milliards d’euro, pour monter des opérations de change portant sur des dizaines de milliards. Insistons : non seulement, c’est le même Euro, mais en plus il est de même nature puisqu’il s’agit d’un euro scriptural, c’est à dire d’une monnaie de banque. Cela fait beau temps que, dans la plupart des pays européens, l’utilisation du billet de banque s’est réduit à très peu de choses. On a entendu ici et là, lors de la crise de 2018, qu’il était choquant que des banques aient utilisé la monnaie de « tout le monde » pour spéculer frénétiquement.

S’esquissait ici l’idée que si les « gros » avaient leur « Euro de gros », ils ne mettraient pas en danger les « petits », utilisateur de l’euro de détail.

L’arrivée des monnaies cryptées souveraines est en passe de relancer la controverse !

 

* Extrait de Penser la Monnaie: Entre pesant d’or et pièces frappées. P.Ordonneau. Huffington post. 06/09/2016

 

 

Monnaie Financière

Pris de quelque crise de mysticisme aigu, les passionnés d’économie devraient se promener en procession, portant une image de billet de banque et une pièce d’or en avant du cortège et marmonnant « fiduciaire, fiduciaire, fiduciaire ». Ils nous diraient par ce mouvement étrange de la part de gens dont on pense qu’ils sont profondément ancrés dans la réalité que la monnaie n’est que croyance, conviction et confiance et cela, depuis la nuit des temps. On n’ira pas se plonger dans ces temps-là, c’est le job des ethnologues. Pourtant, cette entrée sur la monnaie financière permettra de montrer que l’invention de la monnaie est incessante, même si l’invention de la monnaie moderne, dite « fiduciaire », parait être datée de la fameuse initiative de Palmstruch . Veut-on dire ici que même l’initiative, non datée scientifiquement du roi de Lydie, Crésus, relève du « fiduciaire ». La réponse, n’en déplaise aux puristes de l’aventure monétaire, est positive. Tout le monde n’a pas cru tout le temps dans l’or pour monnaie. L’argent a longtemps prévalu dans certaines zones culturelles et économiques.  Multiforme et renouvelée sans cesse la monnaie n’est donc pas ni un instrument, ni un concept figé. Dire que la monnaie « nouvelle » émerge à tout moment, à tous les coins de rue, serait inexact. Il serait cependant tout aussi inexact de prétendre fixer la monnaie dans les fameuses trois catégories : divisionnaire, fiduciaire, scripturale. Il en est deux autres sur la naissance desquelles il est utile de se pencher : la monnaie électronique et la monnaie financière.  La première a fait l’objet d’une entrée.

La monnaie financière est une monnaie controversée. On ne la verrait pas émerger des comptes ni des bilans des banques centrales ou des banques secondaires. Elle serait confondue in fine avec la monnaie de banque (monnaie scripturale) car, au terme des processus financiers, elle se résoudrait en dépôts des agents non bancaires. On ferait, en effet, remarquer que, censée être produite par des banques, en tant qu’intermédiaire, elle ne peut pas être qualifiée de monnaie tant qu’elle n’a pas quitté leur réseau, pour s’imputer sur des comptes de dépôts…Donc, apparaissant, même fugitivement sur les comptes interbancaires, c'est-à-dire sur les comptes que les banques entretiennent les unes chez les autres, elle ne pourrait pas prétendre au qualificatif de « financière »…

C’est une conception classique de la monnaie. Plus exactement c’est une conception institutionnelle. La monnaie est le fruit des crédits selon la fameuse formule « les crédits font les dépôts ». Or les dépôts sont le fait des agents non bancaires…A cet instant, il faut essayer de revenir sur la création de monnaie. Pour faire bref, dans les économies modernes, la fonction de crédit est réservée à des institutions spécialement agrées : les Banques. Les banques qui se font crédit mutuellement, ne sont pas des demandeurs de crédit, ce sont des intermédiaires entre l’offreur de crédit primaire et l’utilisateur-demandeur final. Il se peut en effet, pour des raisons techniques ou institutionnelles que la banque qui ouvre le crédit ne soit pas celle où les fonds sont encaissés. Entre les deux banques existent donc des comptes « interbancaires » qui mouvementent et enregistrent débits et crédits pour que le crédit ouvert par l’une se traduise bien par un dépôt dans les livres de l’autre. Encore est-on allé au plus simple : on aurait pu imaginer une troisième banque, installée au milieu de cet ensemble, laquelle aurait reçu des fonds de l’apériteur de crédit qu’elle aurait transmis à la banque du demandeur de crédit.

Or celle-ci, recevant des fonds, ne les laisse pas inactifs, et, ne serait-ce qu’un jour, peut les placer sur le marché monétaire… Donc, entre banques, des comptes interbancaires et aussi des prêts et des crédits, courts le plus souvent. Ces prêts, ces dépôts constituent les mouvements interbancaires. Pour autant, cela ne fait pas de la monnaie financière. Et surtout, cela ne fait pas de la monnaie, tant que ces fonds n’ont pas été crédités sur les comptes des agents non bancaires.

La question à ce stade est la suivante : et si les Banques, n’assumaient pas simplement des missions bancaires ? Et si les banques avaient développés des activités qu’on trouverait aussi dans le secteur non bancaire. Pourquoi, ce dernier obtenant des crédits, provoquerait-il sous la responsabilité des banques, la création de dépôts, quand les banques, financées dans les mêmes conditions, pour les mêmes activités n’en créeraient pas ! Allons plus loin : les Banques d’investissement et d’affaires dont l’activité porte sur les marchés financiers, à l’achat et à la vente de titres et d’instruments, font le même métier que la plupart des Hedge funds. C’est vrai à ce point que, les Hedge funds utilisant massivement les effets de levier, donc le crédit, ont été souvent qualifiés de « Banques ». Certains observateurs ont même prétendu, et le font encore, qu’à ce titre ils devraient être soumis aux règles définis par les Accords de Bâle. La raison a prévalu : les Hedge funds sont financés par les Banques et ne sont pas créateurs de monnaie (ils le sont indirectement par leur demande de crédit comme les autres agents non-bancaires). Dans ce cas, pourquoi ce qui vaudrait pour les Hedge Funds ne vaudrait pas pour les Banques lorsque leur activité ressemble à s’y méprendre aux activités de Hedge funds ? Si c’était le cas, si on distinguait cette activité de l’activité de banque de dépôts et de crédit, alors, les banques, pour leur activité de « hedge funds », fabriqueraient une monnaie spécialisée, valable entre elles : une monnaie financière.

Il ne faudrait pas la confondre avec la monnaie de règlement des transactions financières. Ce n’est pas parce que de la monnaie se trouve émise à l’occasion d’opérations de crédits immobiliers qu’elle est qualifiée de monnaie immobilière. Non plus que les effets de commerce escomptés par une mine d’or et représentatifs des créances contre les industriels à qui cet or a été vendu ne donnent lieu à émission d’une monnaie-or. Lorsqu’on considère les activités dites de high speed trading de sociétés de gestion financière, les opérations de règlements sont classiques même si l’élément de temps entre deux transactions a été la nanoseconde. En revanche, lorsqu’une banque s’endette auprès du système bancaire pour mener des opérations financières pour son propre compte, il y a lieu de s’interroger sur la création d’une monnaie financière, c'est-à-dire d’une monnaie qui  génère, des dépôts financiers.

Plus les investissements réalisés sur les marchés financiers portent sur des produits « dérivés » , « structurés », « conditionnels », « à terme », plus l’occurrence de cette création monétaire d’un nouveau type est concevable .De fait, tant que le marché n’a pas d’autres actifs à traiter que des actions et des obligations une forme de rareté des supports d’investissements limite le potentiel de la création. Au surplus, les émetteurs, sont les contreparties « finales » de ces opérations. En revanche, lorsque des couvertures sur variations de cours, sur risque, sur change etc sont émises, lorsque ces couvertures sont packagées en produits financiers et circulent entre banques… alors, les opérations se traduisent bien, in fine, par un ensemble de crédits et dépôts financiers, entre banque.

Et seraient à l’origine de la monnaie financière.

Monnaie-marchandise

Monnaie-marchandise ou monnaie gagée par des marchandises

La currency school est cette école de pensée qui estimait que la monnaie n’est pas un bien en soi et ne peut être que la stricte représentation d’un étalon dont elle est totalement dépendante. Les défenseurs de cette école considéraient naturellement que l’or était le bon étalon, éventuellement l’argent (bimétallisme or-argent). Dans son principe, réduit au strict minimum, la Currency School posait qu’il ne pouvait pas y avoir d’émission de monnaie qui ne soit strictement le reflet des stocks d’or disponibles. L’histoire, la vraie, celle qui fait que la monnaie, lorsqu’on veut l’enfermer dans des raisonnements imparables et définitifs, suit toutes les voies d’évitement possibles, a évidemment conduit les tenants de cette inflexible théorie à mettre beaucoup de nuances dans leurs propos et leurs recommandations.

L’or monnaie-marchandise est une marchandise-monnaie par excellence.

 

De prime abord, il faut admettre que la référence à l’or et le lien étroit et impérieux avec l’émission de billets de banque, renvoient directement à la monnaie « gagée par la marchandise ». L’or, quand il n’est pas monétisé, c'est-à-dire transformé en monnaie métallique n’est pas autre chose qu’une marchandise utilisée pour des tas d’autres usages. En revanche, il est un des rares métaux avec l’argent, qui ait servi à la justification de l’émission de papier-monnaie sous le nom de billets de Banque. Les autres métaux, bien avant lui, en ses lieux et place ou concurremment, étaient utilisés comme monnaies métalliques directement et échangés en tant que tel et non pas comme gage de l’émission d’une monnaie. Il s’agissait là de monnaie-marchandise au sens strict du terme et cela vaut pour tous les exemples d’objets pratiques ou magiques, périssables ou durables, naturels ou fabriqués qui sont utilisés comme monnaie. Une monnaie-coquillage n’est pas une monnaie-marchandise, le coquillage est un support monétaire, comme le billet de banque et au même titre. Il en est de même d’une hache rituelle ou des plumes d’oiseau sacré. A l’inverse, des documents attestant du dépôt d’un stock de marchandise dans un entrepôt peuvent initier une quasi-création monétaire. Les billets de banque remis à un déposant d’or par une banque ou un cambiste ou, pourquoi pas, un monastère valaient en tant que reçu du dépôt et en tant valeur de l’or déposé. Et dans ce dernier cas, le document valant l’or, il peut être utilisé comme moyen de règlement. Si cela avait pu être imaginable, les plumes sacrées possédées par un chef peau-rouge, remis en dépôts contre billets…

Si peu de métaux hormis l’or et l’argent ont servi de gage à l’émission monétaire, (sauf cas particulier de métaux « vulgaires » sous la Révolution française et l’Empire, pour émettre des billets de faibles montants, d’autres marchandises mais aussi, plus généralement, d’autres actifs ont joué ce rôle. Avant de les présenter, il faut revenir à une question de fond : quoiqu’on en pense, quelle que soit la vision que l’on a de la création monétaire, dans les temps historiques, le manque de numéraire fut une constante de la vie économique. Les premiers billets de banque, naissent en Chine, en raison de l’insuffisance de monnaie métallique dans deux sens : insuffisance de la quantité de monnaie pour faire face aux besoins du commerce et de l’industrie, insuffisance des pièces dites divisionnaires pour faciliter le déroulement des petites opérations.

Marchandises et émission de monnaie

Donc, l’économie a besoin de monnaie et qu’elle vienne à en manquer, la nature économique ayant comme l’autre, une horreur absolue du vide, il s’en crée, Currency School ou pas. C’est alors que l’imagination financière et bancaire vient au pouvoir. Allons droit au but : tout et n’importe quoi peut faire l’affaire…en principe. Pour éviter que les banques et les banquiers fassent n’importe quoi, le meilleur moyen était d’appliquer des règles de « currency school » en posant qu’on ne peut pas faire de la monnaie avec du vent et qui lui faut une assise solide sous forme d’actifs eux-mêmes bien valorisés et liquides. Donc tout ne sert pas à faire de la monnaie.

Le rôle de l’agriculture et des produits de l’agriculture dans les économies jusque dans les temps modernes a conduit à ce que des stocks de produits agricoles puissent servir à l’émission de monnaie, sous forme généralement de billets ou bien sous forme de reconnaissance de propriété destinées à être monétisées. On les disait « bancables ». Les formules se sont multipliées dans la plupart des pays du monde. En France, les producteurs de blé via des systèmes semi-publics, interprofessionnels, par lesquels remettant les céréales aux organismes agréés de stockage, recevaient une reconnaissance de ces dépôts sur la base desquelles ils pouvaient négocier des crédits. Si le crédit est à la base de la création monétaire, dans le cas précis, les dépôts de stocks de blé se trouvent à la base de la demande de crédit. En France, comme dans de nombreux autres pays, le Warrant « agricole » est un Billet à ordre endossable. Le dépôt de denrées agricoles dans un établissement agréé, donne lieu à remise de ce billet-marchandise, valant reconnaissance du dépôt et pouvant servir de moyen de paiement par simple endos. L’endossataire (la personne à qui le billet est remis en paiement d’une dette) devient ipso facto propriétaire de la marchandise dont le warrant est représentatif.

 

Matières premières internationales et création monétaire

La bancarisation généralisée des économies modernes a restreint à des domaines particuliers (cycles économiques, nature de la production etc) ces techniques de quasi-émission monétaire, toutefois, la question de principe est demeurée longtemps soulevée pour le financement des pays dits « en voie de développement ». Les grandes matières premières agricoles traitées sur les marchés internationaux : café, cacao, blé, riz, maïs etc., de même que les métaux, non ferreux pour la plupart, cuivre, étain ont été longtemps considérés comme les supports naturels d’une création monétaire destinée aux pays en faveur des pays producteurs. Il s’agissait de les protéger contre des périodes de baisse des prix, en leur évitant de vendre dans des conditions bradées tout en leur reconnaissant des droits à « mobiliser » monétairement leurs stocks remis à des organismes stockeurs. Ces droits de tirage en monnaies fortes devaient leur permettre d’assurer le financement des productions et des investissements. L’opération était censée se dénouer par un prélèvement sur les produits des ventes en périodes de hausse des prix. Les propositions émises ont été souvent concrétisées par des Accords internationaux, les plus célèbres étant les Accords sur l’Etain, le Cuivre, le Cacao et le Café. Le fonctionnement de ces accords supposait la mise en place de stocks-tampons gérés sous l’autorité d’une agence ou d’une organisation internationale.

 

Les matières premières, dont l’or et l’argent, n’ont pas été seules gages de l’émission monétaire. Il faut se rappeler qu’une des expériences monétaires dont le souvenir est resté longtemps brûlant dans l’esprit des français était assise sur la terre. L’assignat, puis un peu plus tard, son successeur, les mandats territoriaux, étaient garantis par les propriétés immobilières saisis sur le clergé et l’aristocratie. Une forme d’émission de monnaie de ce type a eu une courte heure de gloire en Grande-Bretagne et en Ecosse.

Monnaie Banque Centrale

Il n’y a pas si longtemps en fin de matinée, tous les sièges de la Banque de France, à Paris et en province, étaient animés d’une intense activité. Les banquiers du ressort d’un siège se rendaient dans les bâtiments de la Banque (avec un grand B), plus ou moins somptueux et imposants, pour se livrer à une sorte de rituel : la compensation. A cette occasion des monceaux de papiers changeaient de mains, des chèques et des virements, après des décomptes et des manipulations de la plus haute importance. Les banquiers établissaient leurs comptes les uns vis-à-vis des autres et procédaient à l’apurement de leurs positions respectives. Ceux qui étaient créditeurs vis-à-vis de certains de leurs confrères voyaient ces derniers reconnaître leurs dettes et l’apurer par un virement de leurs comptes banque de France. Un principe, les comptes banque de France ne pouvaient jamais être débiteurs. Que se passait-il alors lorsque le compte en banque de France de la banque débitrice n’était suffisamment provisionné ? On le verra un peu plus loin. Ces comptes ouverts par les banques d’une place à la Banque de France, étaient donc créditeurs en monnaie banque Centrale, exprimée sous l’espèce de la monnaie légale (le Franc avant l’Euro et maintenant, en France, l’euro). Les virements de compte à comptes qui réglaient les « dus » à l’issue des opérations de compensations des dettes et créances entre banques, mouvementaient de la monnaie banque Centrale.

Ceci pour dire que cette monnaie est une monnaie scripturale d’un genre un peu particulier : le total de la masse de « monnaie banque centrale » est la somme des soldes des comptes des banques ouverts sur ses livres et des billets (de banque centrale) déposés à la Banque. Il faut noter que ces comptes servaient aussi à la constitution des réserves obligatoires que les banques étaient obligées détenir sur les livres de la banque centrale, à l’achat ou à la vente de devises étrangères, lesquelles à terme se traduisaient par des mouvements entre banques centrales.

Aujourd’hui, ces déplacements de banquiers, solennels comme il se doit quand un banquier va rendre visite à sa banque Centrale, n’ont plus lieu d’être. Les ordinateurs ont remplacés les employés qui portaient leurs valises de chèques et de virements, les opérations de compensations sont réalisées automatiquement.

On a dit plus haut que les comptes des banques ouverts auprès de la Banque Centrale ne peuvent pas être à découvert. Une banque, en dette vis à vis de ses consœurs ne pouvait donc pas tirer sur son compte et le mettre dans le rouge. Pour régulariser sa position, elle disposait de deux moyens. Emprunter auprès des banques via le marché interbancaire, ou emprunter à la Banque Centrale.

Pour rester dans les formules imagées et historiques, cette dernière prêtait sous diverses formes qui étaient opérées dans des guichets. Quand la banque de France mettait en place une facilité nouvelle ou une nouvelle technique de financement à destination de ses « clients »on disait qu’elle ouvrait un « guichet » dont le rôle était de les mettre en œuvre.

Ce dernier cas caractérisait une situation qui dura en France jusqu’à la fin des années 80, celle où les banques étaient dites « dans la Banque ». Il fallait entendre par là que les banques française n’étaient pas liquides et qu’elles devaient compter sur les opérations de prêts et d’achats de titres de la Banque de France. Les interventions de celle-ci, comme celles de la plupart des Banques centrales, étaient (et sont toujours) « sécurisées », garanties. Les opérations dites « en blanc » y étaient rarissimes. En France, pour faire encore un peu d’histoire, l’essentiel du financement des banques par la Banque de France s’appuyait sur le réescompte d’effets de commerce portant trois signatures. On qualifiait ces effets de « bancables ». La banque centrale limitait ses interventions auprès des banques par un plafond d’escompte. Lorsque ce plafond était dépassé, il y avait un second plafond, nommé « l’enfer » en raison du taux appliqué, et un troisième, nommé le « super-enfer »…

Tout ceci est du passé, les techniques d’intervention des banquiers centraux ont radicalement changé. La bancarisation des économies modernes réduisant les fuites en billets de la banque centrale, le fonctionnement élargi d’un marché mondial des capitaux, joints à la libéralisation et à la déréglementation des systèmes bancaires ont sorti les banques françaises et d’autres pays de ce rapport « dans la Banque », elles sont maintenant « hors la banque » et vont sur les marchés interbancaires pour y trouver les liquidités nécessaires. Les banques centrales interviennent sur ces marchés, se portant acquéreur ou vendeur, de titres détenus par les banques, de créances garanties (securitized) et de tous supports de ce type. On pouvait presque dire que les banques étaient non seulement « hors la Banque », mais aussi que les Banques centrales n’avaient plus qu’un rôle mineur, à la marge.

Jusqu’à ce qu’un jour, la Banque américaine, Lehman Brothers eût déposé son bilan. On assista alors à un effondrement de la liquidité bancaire. Les banques ne se prêtant plus, les banques européennes se retrouvèrent aux guichets de la Banque Centrale Européenne. Celle-ci leur prête sur la base de créances « sécurisées », hypothèques et autres formes de garantie disponibles. Au fait quand  les banques usent de leurs comptes à la Banque Centrale Européenne….. elles usent d’une monnaie « banque centrale ».

 

Monnaies alternatives, monnaies "morales"

Voilà que les fantômes reviennent rôder ! Un rapport du FMI, (demandé par qui ?) envisage les « alternatives to the US dollar… » !  Rien que çà ! Et de développer pourquoi ce serait une meilleure idée d’avoir une monnaie internationale émise par un organisme indépendant plutôt que de se reposer sur une monnaie nationale internationalement acceptée émise par les Etats-Unis suivant leurs propres intérêts. Ce rapport dont l’audace n’a pas été assez applaudie, enfonce le clou et sort tous les cadavres de leurs placards en proposant qu’on nomme cette monnaie : « BANCOR in honor of Keynes». Les idées ne meurent jamais en économie. Les Etats-Unis croyaient pourtant avoir assassiné le Bancor, il y a plus de soixante ans !

A l’instant où le Fonds Monétaire International, institution réputée pour son absolu manque d’imagination, met un pied au bord de l’abîme et propose une monnaie internationale qui vaudrait pour tout le monde, des voix s’élèvent contre la tyrannie de l’Euro. « Pour les petits (pays), L’Euro est trop fort. Les obligations qu’il comporte, la rigueur budgétaire et salariale qu’il impose, la sagesse économique qu’il exige, sont trop lourds crient tous les petits pays. « Nous allons tous mourir guéris ». Nos bonnes monnaies locales n’étaient pas bien vaillantes sur le plan international, mais elles rendaient notre fardeau plus facile à porter. » Et, à voix basse, mystérieuse, on entend cette imprécation marmonnée entre les dents  « monnaie unique, monnaie inique ».

Quand la monnaie dérive

La monnaie, on l’oublie un peu, repose aussi sur des valeurs morales, très fortes. La vraie, la bonne monnaie n’est-elle pas ce que l’homme a inventé pour faciliter les échanges commerciaux ? Echanger, commercer, ce sont des mots forts. Le commerce des idées, les échanges entre les hommes, la main qu’on tend et dans laquelle on frappe pour dire son accord, ce sont des mots vrais. La monnaie qui doit être mis en circulation ne devrait-elle pas faciliter ce commerce là, bel et bon ?

N’oublions la vieille formule des économistes classiques : « La monnaie est un voile » parce qu’elle n’est pour rien dans la production et le commerce des choses. La vraie vie n’est pas une vie monétaire et la monnaie n’est tout au plus qu’huile dans les rouages mais parce que le veau d’or rôde en permanence sur la planète, la fonction « échange » de la monnaie s’est pervertie. La fonction « spéculation » s’y est substituée avec pour moyen la fonction « conservation de valeur », instrument de stockage du temps et de la sueur

 

Les monnaies morales à la contre-attaque !

Pour lutter contre le fléau de l’argent « roi » on a vu se multiplier les initiatives de monnaies morales. Des monnaies communautaires du genre SEL (systèmes d’échanges locaux) sont nées.  Ces initiatives, œuvres de gens et de groupes créatifs, sont parfois appelées « alternatives ». Leur objectif ? Mettre justement de l’huile dans les rouages, faciliter le passage de marchandises à marchandises, de services à marchandises etc. etc.  Les monnaies alternatives reposent sur l’idée que l’argent ne vaut que pour favoriser le commerce des gens, il doit « brûler les doigts ».

Mieux, des monnaies fondantes, tel les le Chiemgauer, le SOL, ont été inventées. Plus longtemps, on les conserve, moins elles valent en pouvoir d’achat. Les détenteurs de ces monnaies ont donc une responsabilité : les faire circuler. On ne peut pas les mettre de côté, les stocker avec l’intention  qu’ils feront des petits puisque leur perte de valeur est programmée. La valeur perdue sera affectée à ceux qui sont dans le besoin. Ainsi réhumaniserait-t-on l’économie et la fonction monétaire.

Cette idée n’est-elle pas fantastique ? Une monnaie qui se consume faute d’avoir servi à consommer ! Consomption de la monnaie faute de consommation des marchandises. Le socialisme dans toute sa portée marxienne originale est là, tout prés, à portée de bourse et de porte-monnaie. Comble du comble le Chiemgauer, cette monnaie fondante, vient du pays du vrai argent, le pays du Deutsch Mark, toujours vénéré, toujours pleuré dans les chaumières allemandes depuis que l’Euro a été imposé.

Ce système est à l’opposé d’un autre système de déperdition de la valeur de l’argent : l’inflation, , qui prélève sa dîme sur le pauvre et ruine ceux qui n’ont pour vivre que leurs salaires et une maigre épargne.

 

Retrouver la monnaie !

Les monnaies dites alternatives, ce que nous appelons ici, des monnaies de garage, se conformeraient aux préceptes d’Aristote et même de la Charia ! Elles ne pourraient servir à remplir les matelas et les bas de laine. Elles ne seraient pas là pour conserver de la valeur et, par voie de conséquence, ne permettraient pas au crédit de surgir. Quand le crédit nait, le peuple souffre. Et s’il faut parler de morale, n’en est-il pas dénué celui qui croit pouvoir stocker le temps et le travail sur un bout de papier trop coloré ? Et celui qui voudrait vivre sur le crédit qu’il ferait, sur les intérêts qu’il encaisserait ? Et celui, qui soutiendrait que la monnaie est installée dans l’éternité des chiffres et qu’elle prétend conserver la valeur et le temps quelque soient les intentions des hommes et les accidents du monde?

Mais au fait, que dit-on ici de l’Euro ? Ne parait-on pas  l’Euro de toutes les vertus lui aussi, les vertus morales incluses ? En appeler à l’Euro, c’était, il y a encore quelques mois, en appeler à l’universel contre le particulier. On croyait entendre les invocations de Michelet au nom de la liberté et de la modernité !  La vraie monnaie morale, n’était-ce pas justement l’Euro qui faisait litière des égoïsmes nationaux ? En fait de monnaie qui perd sa valeur dans le flux des temps tumultueux, le souvenir n’était-il pas cuisant de ces monnaies qui avaient fondu dans nos poches. Le franc qui permettait à peine de s’acheter une demi-pinte d’ale en Grande-Bretagne. La lire qui alourdissait les portemonnaies de ses multiples  pièces inutiles …pour que la valeur fonde comme crème glacée au soleil, il n’était pas besoin d’en appeler aux monnaies alternatives ! 

Monnaie fiduciaire

Les économies modernes connaissent trois sortes de monnaie, la monnaie divisionnaire qui en France est émise par le trésor, la monnaie fiduciaire essentiellement représentée par le billet de banque, la monnaie scripturale ou monnaie de compte. La monnaie électronique n’est pas encore considérée comme une monnaie à part entière, bien que pour certains auteurs elle en ait toutes les caractéristiques.

 

Si on s’en tenait à de vastes considérations générales, on devrait dire de toutes les formes de monnaie qu’elles sont fiduciaires : essentiellement, la monnaie relève de la confiance, si ce n’est de la « foi », des agents de l’économie dans sa valeur faciale. Une monnaie ne « vaut » en tant que moyen de conservation de la valeur, en tant que moyen d’échange et en tant qu’unité de compte qu’à la condition que ses utilisateurs croient purement et simplement et sans l’ombre d’un doute dans le chiffre qui est reporté sur son support ou les supports qui sont ses moyens opérationnels.  Ce n’est pas l’or dont est fait un napoléon qui fait la valeur de la pièce, c’est la conviction des porteurs que la pièce est de bon aloi, (la qualité du métal telle que définie par la puissance publique), qu’elle a le poids réglementaire (il ne sera donc pas nécessaire de peser la pièce pour déterminer sa valeur) et qu’elle a cours légal (en général, ceci induit que la puissance publique l’accepte pour le paiement de ses créances, impôts, taxes etc.) Ce qui vient d’être dit de l’or est encore plus vrai des monnaies de très petits montants, qui, pendant longtemps, ont été de frappée sur du cuivre, de l’étain ou du plomb et dont la valeur n’avait absolument rien à voir avec le prix du métal dont elles étaient faites.

 

La monnaie fiduciaire relève de cette dernière catégorie : le coût de fabrication d’un billet de banque n’a aucun rapport avec sa valeur faciale. En revanche, la valeur du billet de banque, tant qu’il a n’a pas eu statut de  monnaie « banque  centrale » à cours légal (ou pire cours forcé), tenait à la confiance que les détenteurs de billets portaient à l’égard de son émetteur et de la convertibilité en or ou argent que cet émetteur promettait. Bien sûr, la force de la monnaie fiduciaire sur la monnaie métallique tenait au fait que, partageant avec cette dernière un usage par tradition, c'est-à-dire par remise de main en main sans autre forme de procès, elle était d’un emploi plus commode. La confiance dans le billet de banque portait ainsi ses détenteurs à une double attitude.

 

-                  Les agents économiques, confiants dans le billet de banque, l’utilisaient dans leurs transactions, stimulant ainsi une circulation sans conversion ou tout au moins la retardant. Ce processus était renforcé par le fait que toujours dans l’esprit de régler leurs dettes commerciales et leurs achats, ils constituaient des réserves des billets sous la forme d’une encaisse de transaction.

-                  En raison même de cette confiance dans l’émetteur les billets servaient à conserver de la valeur. Il est savoureux de noter que la Banque de France classe encore les billets Euro en deux catégories (thésaurisation et circulation. Voir plus loin.) Pour aider le porteur de billets à avoir confiance, il est arrivé que les billets fussent assortis d’un intérêt.

Ainsi, les billets émis ne se présentaient pas immédiatement au paiement. Cette attitude, au tout début de la banque moderne, fut la clef du développement du système de paiement et de circulation de la monnaie. L’intérêt de cette non-conversion résidait dans le fait que les banquiers n’étaient pas tenus de conserver des encaisses or ou argent de même montant que leurs émissions de billets. Ils pouvaient donc émettre des billets « en surnombre » et les employer à dans leurs opérations de crédits, escompter des effets de commerce par exemple.

La vie historique de la monnaie fiduciaire fut émaillée de nombreuses péripéties, illustrant que la confiance était bien le fondement, la pierre angulaire de son utilisation. On a dit que d’autres choses que l’or ou l’argent pouvaient être utilisées comme causer l’émission de monnaies fiduciaires.  De fait, toutes sortes de marchandises ou d’actifs ont pu être des contreparties à l’émission de billets de banque.  Le tabac, fut à l’origine d’une émission américaine dans les grands moments de l’indépendance et des mois qui suivirent. On imagine aisément que ce sont des Etats comme la Virginie qui y procédèrent. La terre fut aussi contrepartie d’émissions de billets, en Ecosse et …. en France. Dans ce dernier cas, les assignats furent gagés sur les « biens nationaux ».

Toutefois, la contrepartie la plus dynamique à l’émission de la monnaie fiduciaire, fut l’activité économique. On dit souvent que la banque moderne est née de l’initiative de Palmstruch, directeur de la banque d’Amsterdam, qui décida de procéder à des émissions de billets de banque contre remise d’effets de commerce. Au lieu de lier le sort du billet à un stock d’or dont l’évolution dépendait des découvertes de nouvelles mines ou de nouveaux continents, il proposa et mis en œuvre une création monétaire par le moyen de crédits gagés sur des créances commerciales. La théorie de la circulation de la monnaie était née, la masse des numéraires en circulation se calquant sur l’activité économique.

En France, ce processus trouva une application avec l’installation d’un comptoir d’escompte auprès de chaque guichet départemental de la Banque de France. En 1848, les émissions de billets de la Banque de France eurent non seulement cours légal mais aussi cours forcé.

L’initiative de Palmstuch tourna court car sa banque fit faillite, l’initiative des assignats tourna fort mal et il fallut toute l’énergie de Napoléon pour accréditer les billets émis par la banque de France. La monnaie fiduciaire, supposant la confiance des porteurs de billets, était par nature à la merci d’une crise …. de confiance qui se traduisait par une course aux guichets, les porteurs de billets s’efforçant de les convertir en or ou en argent. À défaut de confiance spontanée, les gouvernements mirent en place des méthodes coercitives en sorte que la confiance fut au moins convoquée ! C’est tout d’abord le cours légal du billet de banque reconnu comme un moyen de paiement alternatif crédible et permettant en particulier de s’acquitter des dettes publiques, impôts, taxes, contributions sans limitation concurremment avec l’or. Puis ce fut le cours forcé, par lequel les détenteurs de billets se virent refuser leur conversion en or ou toute autre valeur (billets étrangers par exemple).

Aujourd’hui la monnaie fiduciaire a cédé sa place dans les paiements publics ou privés, à la monnaie scripturale. Elle demeure toutefois bien présente et a force de démonstration : l’euro, a pris vraiment son sens lorsque des monnaies divisionnaires et fiduciaires ont été émises et ont circulé dans toute l’Europe. Néanmoins, la part de la monnaie fiduciaire dans les règlements intérieurs des pays de la zone euro varie considérablement, la France étant le pays d’Europe où le billet de banque est le moins utilisé.

 Pour en donner une idée : La France comptait en 2010 pour un peu moins de 10% de la valeur des émissions de monnaie fiduciaire en Europe. Plus symptomatiquement, en France les émissions en valeur de billets ont porté en 2010, à hauteur de 80% sur des coupures de 50 euros et moins (qualifiées de « monnaies de circulation ») contre 44% pour l’Eurozone. La part des billets de 500 euros (qualifiés de « monnaie de thésaurisation ») a été pour cette même année de  2,9% en France contre 34% pour l’Eurozone.

Monnaie de la Libération

du Franc de Philadephie aux Francs...

LE CERCLE. Ainsi, la France vit apparaître sur son territoire, trois monnaies dites « Franc »… Le Franc CFP (Colonies Françaises du Pacifique) et le Franc des colonies françaises d’Afrique (CFA) nés le même jour que le Franc métropolitain était dévalué par rapport au dollar et à la livre. S'y ajoutera dès 1949, le franc de Djibouti aligné sur le dollar

Un de mes amis, passionné de monnaie, a eu l’amabilité de me faire cadeau d’une pièce de monnaie à l’allure simplissime, laide comme un jeton de téléphone, mais historiquement passionnante : il s’agissait d’une pièce de 2 francs  dite « Philadelphie » pour la bonne et simple raison qu’elle avait été émise dans l’atelier de Philadelphie, aux Etats-Unis. On dit que le Général de Gaulle aurait donné son accord. Ce qui est sûr ce qu’il fit ce qu’il fallait pour qu’elle ne circule pas et soit sortie rapidement de la circulation.

La Libération de la France est intéressante sur le plan monétaire. A plusieurs titres. Pourquoi les Américains se sont-ils lancés dans l’aventure de la création d’une piéce de monnaie, alors qu’en Algérie des ateliers de frappe existaient qui auraient pu faire l’affaire ? Leur objectif était très clair : les troupes de débarquement devaient pouvoir réaliser des transactions « locales » et donc disposer de numéraire. C’est ce qui explique qu’elle ait surtout circulé Algérie et en Provence, suivant les débarquements des troupes alliées.

Là où les choses se compliquent, c’est que dans l’esprit des « libérateurs » cette monnaie devait être aussi utilisée en tant que monnaie d’un pays passant sous administration américaine.il était donc prévu qu’elle puisse être utilisée par les Forces Françaises Libres ainsi que des "billets du débarquement. C’est que la question de l’Administration de la France était au centre du débat. Ou bien, la France était souveraine et elle traitait la question monétaire par elle-même ou bien elle ne l’était pas et dans ce cas, les Alliés prévoyaient de dupliquer le système dit (l’A.M.G.O.T., Allied Military Government of Occupied Territories), qui avait déjà fait ses preuves en Italie.

Cette émission fut validée par un arrêté français du 25 juin 1945.

La question de la souveraineté de la France ayant été réglée auparavant.

Pourtant, il ne faudrait pas réduire la problématique monétaire française à une pièce de deux francs. A la Libération, des monnaies très diverses circulaient dans un pays dévasté. Monnaies de l’avant-guerre, monnaie de la France de Vichy et même monnaie émises par l’occupant Allemand. Il faut rappeler à cet égard que la France était coupée en plusieurs zones administratives d’occupation : les unes parce qu’elles avaient été rattachées au Reich Allemand, en particulier l’Alsace, les autres parce qu’il était prévu par l’Allemagne hitlérienne de les rassembler en unités territoriales « protégées », Nord et une partie du Nord-est...etc. Plusieurs monnaies circulaient donc.

La masse monétaire étaient par ailleurs considérable et laissait planer un risque majeur d’explosion inflationniste. Eut lieu un débat crucial pour l’avenir de la France. Les partisans d’un réalisme austère (Mendes-France au Ministére des Finances) préconisaient, via une réforme monétaire, « d’éponger » une partie des liquidités en laissant entre les mains des détenteurs de monnaie fiduciaire et divisionnaire qu’une fraction de leurs avoirs (à cette époque, la monnaie de banque (dit scripturale) était peu répandue, les détenteurs de comptes en banque étant une minorité.) les partisans de la modération (René Pleven au Ministère de l’Economie) préféraient un changement monétaire dit du « un pour un » quitte à mettre en place des taxes élevées sur le capital, l’épargne etc…Ces derniers l’emportèrent. Mendes-France démissionna, René Pleven prit son portefeuille et enclencha la réforme monétaire « douce ». L’échange de billets se déroula entre le 4 et le 15 juin 1945 .Fin du premier acte…. Qui se termina en fait un peu plus tard par la première dévaluation de l’après-guerre. Le 25 décembre 1945, le taux de change du dollar était alors porté de 50 à 119 Francs.

En général, l’histoire s’arréte ici. La Libération monétaire est réalisée entre juin et décembre 1945. Il y a cependant une histoire dans l’histoire. Celle des francs dits CFA et CFP.

La situation économique dans les territoires d'outre-mer dont ceux du Pacifique n’avait été pas été touchée par la guerre. De mauvais esprits diront qu’à l’inverse… elle aurait été favorisée. Or, si le 25 décembre 1945, le mauvais état de l’économie métropolitaine était reflété par la dévaluation du Franc, le Franc ayant cours dans les colonies françaises du Pacifique maintenait la parité antérieure avec les monnaies anglo-saxonnes et se trouvait à la parité de 2.40 par rapport au Franc métropolitain ! Ailleurs, c'est-à-dire essentiellement en Afrique subsaharienne mais aussi à Saint-Pierre-et-Miquelon (en Amérique du Nord), le Franc CFA fut créé. La parité de cette monnaie est fixée à un taux intermédiaire de 85 francs CFA pour un dollar.

 

Ainsi, la France, pays souverain, vit apparaître sur son territoire, trois monnaies dites « Franc »… Le Franc CFP (Colonies Françaises du Pacifique) et le Franc des colonies françaises d’Afrique (CFA) nés le même jour que le Franc métropolitain était dévalué par rapport au dollar et à la livre.

 

Pour compliquer les choses, dès 1949, Djibouti (Côte Française des Somalis), qui était dans la zone du Franc CFA, la quitte pour le franc de Djibouti aligné sur le dollar !

Lors des dévaluations successives du Franc métropolitain la valeur des francs CFA et CFP, fut réévaluée dans la même proportion par rapport au Franc Français.  Ce n’est qu’en 1949 que cette procédure fut supprimée, les Francs CFA et CFP étant liés à partir de ce moment au Franc Français.

Il est intéressant de relever que ce différentiel, conduisait à rendre les importations de produits en provenance des territoires africains et de l’océan pacifique moins onéreux pour la mère patrie et inversement pour le prix d’achat des denrées et produits importés de France.

En 1973, le Franc français remplace le Franc CFA à Saint-Pierre-et-Miquelon.(qui usait de billet dont les images étaient ceux de l’Afrique…) ; en1975, le Franc français remplace le Franc CFA à La Réunion ; aujourd’hui ils appartiennent à la zone Euro.

Le Franc CFA est resté la monnaie d’un certain nombre de pays d’Afrique. Le Franc CFP, est devenu le Franc Pacifique a toujours cours dans les collectivités françaises de l’océan Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna.

Monétiser

 ou monétisation

Depuis le mois d’août, de façon fort active, la BCE a acheté pour prés de 150 milliards d’euros d’obligations publiques sur le marché secondaire. Elle a agi dans le cadre du programme qui l’autorise à soutenir les cours des obligations publiques italiennes et espagnoles et de les rendre plus liquides. Ces achats, très critiqués par les « nordistes » de son Conseil, correspondent à une facilité mise en place en 2010 pour soutenir les dettes publiques faisant l’objet d’attaques spéculatives sur les marchés.  Les critiques à l’encontre de ce type d’opérations sont fondées sur le fait qu’elles aboutissent à monétiser la dette publique, c'est-à-dire à créer de la monnaie. Dans toutes les têtes la création de monnaie par les Banques centrales, signifie inflation. Lorsqu’il s’agit de dettes publiques, cela signifie aussi, financement par des moyens monétaires des déficits budgétaires, ou bien recours à des « moyens non conventionnels ». En effet, Rien de plus facile, si rien ne s’y oppose pour un Etat peu scrupuleux des règles de l’orthodoxie financière d’imposer à la Banque Centrale des achats d’obligations ou de bons du trésor, à leur émission, pour financer ses dépenses quelles qu’elles soient. C’est dans des conditions de ce genre que les grands mouvements inflationnistes sont nés.

En économie comme dans bien d’autres domaines, il y a la façon élégante et la façon rustaude, pour ne pas dire « malséante » de dire les choses. Monétiser, c’est la façon élégante. Planche à billets est la façon malséante. Dire au Président de la FED, Ben Bernanke, « vous utilisez la planche à billets » au lieu de dire vous « monétisez la dette publique » relève de la mauvaise éducation. En fait, vous devriez utiliser la dénomination anglo-saxonne : aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, on ne monétise pas, on pratique le « Quantitative Easing ». Quand on le fait une deuxième fois, on dit que c’est un « QE2 »…notons cependant qu’aux Etats-Unis, le Quantitative Easing n’a pas uniquement porté sur des dettes publiques. Notons aussi que la technique dite de monétisation ne doit pas être confondue avec celle de refinancement, appuyé sur des valeurs en garantie, qui peuvent être des créances sur des débiteurs privés. Dans les deux cas, la création monétaire a déjà eu lieu !

Dans tous les cas, ne nous y trompons pas, c’est bien de planche à billets qu’on parle ! Toutefois, pour être précis et faire un sort définitif à l’expression Planche à billets : d’une part,  la monétisation des dettes, ne conduit pas à fabriquer des billets, mais à faire circuler de la monnaie scripturale, d’autre part, la fabrication des billets (et de la monnaie scripturale) a toujours une contrepartie : les billets ne sont pas distribués comme au Monopoly. Il y a un cas à part, qui est demeuré théorique : Ben Bernanke suggéra, il y a quelques années, pour stimuler le redémarrage de l’économie Japonaise que la banque centrale du Japon lançât des liasses de billets par hélicoptère sur les principales villes du pays !!! Il suggérait à la Banque Centrale du Japon un altruisme total puisqu’il n’y avait pas de contrepartie à son émission monétaire !  

L’idée de monétisation de la dette répond au souci de substituer, des actifs courts et liquides à des actifs longs et difficilement négociable dans une ambiance de marché détériorée. Pour injecter de la monnaie dans les circuits économiques, les Banques centrales n’ont pas des masses de solution : comme elles ne prêtent pas sur le marché primaire, aux particuliers et aux entreprises, cela leur est généralement interdit, et parce qu’elles n’agissent en principe qu’en tant que banquier de dernier ressort, il leur faut user d’un autre moyen : l’achat de dettes nouvelles émises par les pouvoirs publics ou l’achat de dettes publiques sur le marché secondaire, c'est-à-dire l’achat de dettes déjà émises qui se trouvent dans les portefeuilles des banques ou fonds de placements.

Monnaie exotiques

Le terme « exotique » dans la bouche d’un cambiste ou d’un intervenant sur les financiers est quelque peu teinté de condescendance ! Est exotique tout ce qui n’est pas habituellement échangé, comme est « vanilla » tout ce qui n’est pas original et sophistiqué. Dans l’univers du cambisme, c'est-à-dire sur les marchés des monnaies, l’exotisme se réfère aux monnaies (devises) qui ne sont pas « dominantes », c'est-à-dire les plus fréquemment échangées sur les marchés mondiaux des changes.

Le plus simple serait de dire que sont « exotiques » toutes les monnaies autres que le Dollar, l’Euro, le Yen, la Livre sterling, le Franc Suisse. Certains estiment que le Dollar australien devrait être inclus dans ces devises qu’on dira Majeures ou principales, ou premières. Pourtant cette définition, par l’absurde, (sont exotiques toutes les devises qui ne sont par premières ou majeures) rencontre quelques difficultés : Certaines devises sont considérées comme secondaires ou mineures mais pas exotiques. Ce serait le cas du dollar canadien (CAD) et du dollar néozélandais (NZD). Certains y ajoutent, le Rial Saoudien, la Couronne Danoise et la Couronne Tchèque.  A ce compte on se demande où se trouve la couronne Norvégienne qui n’est pas souvent citée et est apparue, au moment de la crise de 2008,  comme une monnaie refuge ? Quant au Rouble Russe, il n’est pas clair qu’il soit secondaire… en tout cas, il est coté sur tous les marchés des changes.

Donc les autres monnaies sont « exotiques ». On devrait dire « les autres monnaies convertibles » ! Car, ici, on ne parle que de monnaies susceptibles de s’échanger sur les marchés des changes et non pas les monnaies qu’on échange sous le manteau parce qu’elles sont inconvertibles.

Les cas n’est cependant pas aussi simple qu’on vient de le décrire ! le Yuan, ou renminbi est l’exemple le plus significatif de l’hésitation qu’on peut avoir pour dire d’une monnaie qu’elle est ou n’est pas exotique, qu’elle est ou n’est pas inconvertible. Cette devise n’est pas totalement inconvertible mais son accès est très restreint : la Chine a, pour le moment, opté pour un contrôle des changes stricts qui se traduit par l’interdiction de principe pour les non-résidents de détenir des balances dans sa monnaie. Le temps aidant et les échanges commerciaux de la Chine avec les autres pays du monde devenant colossaux, des fissures apparaissent dans ces principes, et … le Yuan peut être négocié sur les marchés des changes. En tant que « monnaie exotique » !

Pour essayer de conclure sur une définition « praticable », une monnaie est dite « exotique » à partir du moment où son rôle en tant que monnaies de facturation, de paiement et de réserves est très marginale,  tout en restant disponible sur les marchés internationaux. Il est donc possible de s’en procurer librement, des échanges peuvent être organisés entre offreurs et demandeurs et les prix qui se forment le sont dans des conditions « transparentes ». A l’inverse, telle monnaie inconvertible qu’on peut cependant se procurer sous forme de billets échangés dans une gargote douteuse au fin fonds d’une zone glauque ou d’une forêt tropicale impénétrable, n’est pas une monnaie « exotique », c’est définitivement une monnaie inconvertible ! L’opération décrite est assimilable à de la contrebande pure et simple….souvent passible de peines très lourdes dans le pays de cette monnaie.

Les monnaies « exotiques » ou « secondaires »  les plus couramment citées, outre le Yuan chinois, sont donc le Dollar Néo-zélandais, le Rial Saoudien, la Couronne Danoise et la Couronne Tchèque. Par ailleurs, il faut citer parmi les devises exotiques qui ne sont pas secondaires « mais qui le deviendront bientôt », les monnaies de pays émergents tels que le Réal Brésilien, la Roupie Indienne ou le Peso Mexicain, la Lire turque…. On a envie d’ajouter etc. car la liste n’est pas close.

Quel est finalement l’intérêt de cette notion ? On comprend bien que les monnaies « classiques » ou « premières » présentent un fort intérêt : elles sont les monnaies du commerce international, de la finance mondiale et surtout des principaux pays développés, c'est-à-dire les plus riches en Epargne, en Investissements et en actifs en tous genres….et en PNB. A quoi est-il utile que les devises exotiques soient « tradées » sur les marchés des changes.

 

La réponse à cette question est ambivalente : il y a malgré tout des opérations commerciales ou privées qui se déroulent dans ces monnaies. Des courants d’affaires existent parce que les commerçants locaux, les hôteliers, les artisans, voire les industriels ne veulent pas supporter les frais de change d’une monnaie internationale dans leur monnaie. Des exportateurs français qui reçoivent des Réal Brésiliens iront bien évidemment les convertir en Euro, peut-être en dollars, s’ils ont des opérations à traiter dans cette devise. Quant aux importateurs, s’ils reçoivent des factures en Rial Saoudiens, il faudra bien qu’ils s’exécutent et trouvent les montants utiles de cette monnaie « exotique ». On dira que c’est la réponse « vertueuse ». Elle a un coût : ces monnaies n’étant pas abondantes, les opérations qui les concernent entraînent des commissions de courtage, de change etc. qui sont beaucoup plus lourdes que dans les devises internationales.

La réponse qui l’est moins est celle qui est relative à la spéculation sur ces devises. De la même façon qu’on peut spéculer sur le dollar contre Euro, sur la Livre sterling contre Yen japonais etc.. Il est possible de le faire sur le Rial contre Euro, sur la Lire turque contre Yen japonais etc.…la seule différence réside dans les quantités échangées, les disponibilités présentes sur le marché et la profondeur de ce dernier. Pour dire les choses directement, ces monnaies ne sont pas aussi facilement accessibles que les grandes monnaies internationales car les montants disponibles sont très faibles. Il peut arriver qu’une demande de livraison dans une  monnaie « exotique » ne puisse être satisfaite : il n’y a pas de contrepartie « longue » dans cette monnaie. Les banques locales qui pourraient en fournir n’ont peut-être pas le droit de prêter à des non-résidents etc.…La conséquence en est une très volatilité des marchés. Or, une grande volatilité signifie des chances de gains très importantes (et inversement, les risques de pertes de même ampleur).

Un certain type de spéculateur est donc intéressé par le « trading » sur ces monnaies, malgré les risques de toutes natures qui l’assortissent : risque de ne pas pouvoir livrer la monnaie, de ne pas trouver de contrepartie à l’achat, risque de passer ses ordres par des courtiers qui ne sont pas habitués et expérimentés dans ces monnaies rares, risque de fluctuation violente de cours dans une même journée ou sur une période relativement courte. Les risques pris dans ces opérations de spéculations sont d’autant plus importants que l’effet de levier du « carry trade » est utilisé : il s’agit d’emprunter des fonds dans une devise dont le taux d’intérêt est très faible pour les replacer dans une monnaie exotique dont les taux d’intérêts sont très élevés. Les gains peuvent être considérables et certains opérateurs en ont largement profités. En revanche quand le vent ne tourne pas dans le bon sens, la technique du « carry trade » est dévastatrice !!!

Monnaie de réserve

                

La monnaie a, selon Aristote,  trois fonctions : unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire des échanges. Cette définition n’a pas changé d’un pouce. Une monnaie de réserve ajoute à ces fonctions un trait particulier : c’est une monnaie qui assume ces trois fonctions en dehors même de la puissance publique qui l’émet.

 

Il existe actuellement trois monnaies de réserve, le dollar qui est la plus importante et est détenue massivement dans les réserves de changes des différents pays et compte pour 62% du total des réserves mondiales. L’Euro suit de très loin, 27%. Le reste comprend les réserves en Yen et dans une faible mesure en Rouble. La part des Etats-Unis, qui était incontestable au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, est aujourd’hui critiquée. Les débats font rage pour savoir si elle est raisonnable compte tenu des problèmes qu’accumulent les Etats Unis, ne serait-ce que ceux des fameux déficits jumeaux (de la balance des paiements et du budget). Quant à l’euro, il a eu le vent en poupe, pendant quelques temps. La crise de 2008 et ses conséquences sur les dettes souveraines des pays de la zone Euro ont refroidi les enthousiasmes. Les Européens ne sont pas unanimement favorables au statut de monnaie de réserve de l’Euro. Nombreux sont ceux qui ne voudraient surtout pas que l’Euro se substitue au dollar en tant que principale monnaie de réserve.

Quel est donc l’intérêt pour un pays de voir sa monnaie se transformer en monnaie de réserve. Quand on sait  les affres économiques par lesquels la Grande Bretagne est passée à la fin des années 1960, quand elle défendait le statut de monnaie de réserve de la livre sterling, on comprend qu’il y ait des hésitants. Indéniablement, l’intérêt n’est pas négligeable : le pays qui émet la principale monnaie de réserve reçoit les avantages du seigneuriage. Les rois lydiens tiraient de substantiels bénéfices sur la frappe de pièces d’or, mises sur le marché à un prix nettement supérieur au prix de revient de la pièce. La mise en réserve de dollars par la Chine ou le Japon ou encore Taïwan revient à entretenir des dépôts en dollars dans des banques américaines , à souscrire et accumuler des bons du trésor Américainou toute autre valeur cotée en dollar. Le financement des déficits américains est ainsi assuré dans des conditions de coûts et de temps beaucoup plus agréables que si les Etats-Unis devaient recourir au marché financier international. A cela s’ajoutent des avantages liés à l’industrie financière dont la matière première est …internationale. Les banques, les organisations de marché, les entreprises même n’ont pas à se préoccuper de risque de change. Elles interviennent dans leur monnaie c’est aux autres de s’adapter.

Dans ces conditions, chaque pays devrait souhaiter pour sa monnaie un statut international ! En fait il y a très peu d’élus. Surtout les conditions pour devenir une monnaie de réserve ne sont pas toujours si simples et limpides qu’on pourrait l’imaginer. Premier élément, incontournable, car sans lui il n’est pas même imaginable de rêver : la monnaie dont s’agit doit être attractive. Elle est admise comme monnaie de règlement entre opérateurs étrangers parce qu’ils ont confiance dans sa valeur et elle est convertible librement. On dira pour utiliser des termes modernes qu’il est nécessaire que le sous-jacent de la monnaie, l’économie réelle, ses performances, son ampleur, sa puissance et la durée dans laquelle elle s’inscrit représente un gage sérieux. On a dit que le détenteur de réserves en dollars détient, ou des comptes en banques dans des banques américaines, ou des bons du trésor. La raison en est la confiance qu’inspirent l’économie et la finance américaine. L’euro est devenu une monnaie de réserve car l’Europe est la première puissance économique mondiale, aussi bien sous la mesure du PNB que sous celle du commerce extérieur et des flux financiers de l’investissement international. Et la livre sterling avait acquis son statut de monnaie de réserve en raison de la puissance économique de l’Angleterre et de son empire, en raison de sa part considérable dans le commerce mondial. Cette contrainte fait que le Franc Suisse tout solide qu’il est n’a aucune chance de devenir une monnaie de réserve !

S’il peut être désirable pour un pays que sa monnaie devienne monnaie de réserve, il arrive que les coûts en soit insupportables. Mais aussi, et c’est moins souvent relevé, il ne suffit pas d’être le bon élève de la classe pour que cela marche !

Lorsque la livre sterling a perdu son statut de monnaie de réserve, qu’elle détenait concurremment avec le dollar, l’économie anglaise était dans une situation économique dramatique. La perte de confiance dans cette monnaie, valut aux banques suisses accusées de torpiller la livre sterling le qualificatif de « gnomes de Zürich ! ». La Banque d’Angleterre fut obligée d’engager des sommes considérables, empruntées aux Etats-Unis, sur le marché international,  pour empêcher la livre de chuter et plus généralement pour « racheter » les créances en livre sterling. Puisque une monnaie de réserve est aussi un moyen de stockage de la valeur, celle-ci doit être défendue. En fait, la livre avait perdu la confiance des détenteurs des réserves de change qui se mirent à revendre les actifs qu’ils détenaient dans cette devise tirant partie de sa complète convertibilité. L’économie anglaise pesait de moins en moins lourd dans l’économie mondiale. Le fameux sous-jacent se réduisait comme peau de chagrin face à son concurrent américain. Cela a coûté fort cher à l’économie anglaise stricto sensu.

Dans ces conditions, ne pourrait-on pas inférer que la monnaie d’un pays riche et efficace sur le plan économique, un pays qui réussit sur le plan des échanges internationaux, un pays comme l’Allemagne, aurait dû, avant la mise en place de l’euro, acquérir ce statut de monnaie de réserve ? Dans la réalité, les Allemands s’y sont toujours opposés, ne souhaitant pas supporter les charges que représentait ce statut si envié. Mais surtout, une des conditions non seulement pour avoir le statut de monnaie de réserve, mais aussi pour que ce statut soit efficient, est que la monnaie soit disponible sur les marchés internationaux afin d’alimenter des stocks « de réserve ». Pour qu’il y ait réserve de monnaie, il faut qu’il y ait circulation de capitaux dans cette monnaie. Un pays qui est efficace, dynamique et performant sur le plan économique présente les éléments qui favoriseront l’acceptabilité de sa monnaie. Un pays structurellement exportateur de marchandises et qui n’est pas exportateur de capitaux a peu de chance de voir sa monnaie stockée en réserve dans les autres pays ! Les qualités dont il peut se prévaloir ne se traduisent que par une accumulation des devises des autres pays.  Il n’aura donc aucune chance de voir sa monnaie érigée en monnaie de réserve.

Ainsi pour que la monnaie d’un pays ait une chance de devenir monnaie de réserve, il faut aussi, qu’il l’exporte abondamment. S’il est puissant d’un point de vue militaire, économique, technologique, si donc détenir des actifs dans sa monnaie, est un gage de valeur, si sa balance commerciale est positive, il faudra que sa balance des paiements soit fortement déficitaire : investissements massifs faits à l’étranger, achats d’actifs, actions, obligations, immobiliers étrangers etc. subvention octroyées à d’autres états et aides internationales en tous genres, et qu’elle le soit de façon récurrente. Il répondra de ce fait aux besoins du monde en liquidité comme les Etats-Unis fournissaient des dollars au monde occidental ! Si sa balance commerciale était déficitaire….ainsi que sa balance des paiements, on se trouverait dans le cas des Etats-Unis aujourd’hui. Dont on peut se demander s’il n’est pas trop proche de celle de l’Angleterre d’il y a 50 ans ! cette remarque trouve sa source dans le déclin du Dollar dans le montant total des réserves détenues par les pays « non-américains ». Il se traduit par une diminution lente et pas encore très sensible en termes de stocks, des dollars en réserve. De 72% du total des réserves de change, le dollar aujourd’hui ne représente plus que 67%.

Alors, le Yuan, peut-il devenir une monnaie de réserve ? On voit bien que les conditions sont encore loin d’être réunies. La convertibilité : les chinois n’en veulent pas, le risque étant la réévaluation violente et rapide du Yuan. Le déficit de la Balance des paiements ? Pour le moment la Chine en est surtout à l’accumulation de balances dollars et euros et n’éprouve pas le besoin de dépenser lesdites en dons, subventions, investissements à l’étranger. La Chine lancerait des emprunts en Yuan ? et par ailleurs achèterait de la dette souveraine européenne ? On voit bien que dans les deux cas, les Yuan ne sont rendus disponibles qu’à condition de payer ! On n’a jamais vu une monnaie de réserve se constituer sur la base d’emprunts massifs de demandeur de liquidités !

Et si on créait une monnaie de réserve internationale ? C’est bien une partie des questions que le G20 de 2011 doit aborder. La réticence des principales parties étant connue. Dans le cas des Etats-Unis, l’arrivée d’une monnaie de réserve internationale implique la fin de son seigneuriage et des profits qui vont avec, dont des ressources à faible coût pour financer les déficits colossaux du budget et de la balance commerciale. Pour la Chine, l’apparition d’une nouvelle monnaie de réserve serait un moyen de protéger la valeur des actifs de la Banque centrale chinoise libellés essentiellement en dollars. Ce serait aussi une réponse aimable à l’encontre de tous ceux qui souhaitent une réévaluation du Yuan : la Chine n’a pas clairement montré son désir d’approvisionner le monde en liquidités.

Débat qui va être animé. La monnaie de réserve internationale serait-elle émise par le Fonds Monétaire International ? Se posera alors la question de la circulation de cette monnaie, pour qu’elle puisse finalement se retrouver en les mains des pays qui cherchent à disposer de monnaie en réserve.

Monnaie scripturale

Le terme n’est pas très parlant, par opposition aux expressions anglo-saxonnes, deposit money, bank money. La monnaie scripturale nait lorsqu’un particulier, une entreprise ou tout autre agent économique effectue un dépôt sur son compte bancaire. Pour qu’il y ait monnaie scripturale, il faut qu’il y ait compte en banque et il faut qu’il y ait remise de valeur fongible pour être crédité sur ce compte. Le nom lui-même vient de ce que l’argent qu’on possède sur un compte bancaire résulte d’un jeu d’écriture par lequel la banque qui reçoit le dépôt se reconnait débitrice à l’égard du titulaire du compte sur lequel ce dépôt va être inscrit. Chose essentielle, la fongibilité : un peu abscons comme terme, il signifie purement et simplement que lorsque le titulaire d’un compte remet à la banque une ou des valeurs pour être créditée(s)sur son compte, la banque va créditer une somme et non pas la ou les valeurs. Concrètement, le dépôt de billets de banque pour 1000 euros sur un compte bancaire, va se traduire par une écriture de crédit de 1000 euros et non pas par le dépôt de billets de 10,20 50 euros, dont les numéros sont repris, X, Y, Z….en d’autres termes la banque n’aura pas, le jour où son client veut retirer « les mille euros qu’il a déposés », à lui restituer les éléments constitutifs de son dépôt. C’est très exactement l’opposé d’un compte titres, où toute valeur remise doit être restituée à l’identique au déposant qui en fait la demande.

Le développement des banques s’est donc accompagné du développement de la monnaie scripturale. Cela ne s’est pas toujours fait naturellement ! Si, pendant longtemps, la part des paiements en chèques a été plus importante en France que dans les pays européens, c’est que les pouvoirs publics ont tout fait pour que la monnaie scripturale se développe. Le coup d’envoi fut donné en 1967, lorsque coup sur coup, il fut interdit de payer en « liquide », c'est-à-dire en billets et pièces de monnaies, les salaires supérieurs à un certain montant et lorsque les salaires de l’essentiel de la population active furent mensualisés. Alors, la quasi-totalité des salariés se trouva dans l’obligation de détenir un compte en banque (pour les particuliers on dit compte de dépôts), sur lequel, encaisser les chèques, puis avec le développement des moyens de paiements informatisés, recevoir leurs virements de salaires. Cette politique était délibérée. L’objectif était de renforcer le système bancaire français, en renforçant ses ressources et de lui permettre aussi, collectant des dépôts en masse, de financer plus largement la croissance économique. Le résultat dépassa les espérances. Le système bancaire français est devenu en un demi-siècle un des plus puissants et solides du monde développé.

D’autres mesures ont rendu l’usage de la monnaie scripturale incontournable. En France, les paiements en « cash » c'est-à-dire en billets de banque sont interdits au-delà d’un certain montant. Il ne s’agit plus de salaires. Il s’agit d’achat de n’importe quoi. Le seuil que la loi définit varie selon que le débiteur ou l’acheteur, est un particulier traitant avec un commerçant ou  qu’il s’agit d’un commerçant traitant avec d’autres commerçants. Ici l’objectif n’est pas de renforcer l’industrie bancaire mais de lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment de l’argent douteux.

La monnaie scripturale a donné lieu à la création de toute une gamme de moyens de paiement. Le chèque en premier lieu qui est demeuré longtemps le moyen de paiement préféré des français, pour être ensuite supplanté par la Carte de paiements. S’y ajoutent, les virements, prélèvements, automatiques ou non. La monnaie électronique qui est apparue avec le développement de l’informatique et l’explosion du commerce en ligne est une des modalités de l’utilisation de la monnaie scripturale. Il en est de pour même les paiements issus du porte-monnaie électronique. Les uns et les autres s’appuient sur le fait que l’utilisateur de ces moyens de paiements dispose d’un compte en banque. Il s’agit donc toujours d’utiliser de la monnaie scripturale.

Monnaie Mondiale

Sous différentes entrées relatives à la monnaie, on l’a dit et on l’a répété, les crédits font les dépôts, c'est-à-dire in-fine…. La monnaie. On doit ajouter que pour que la monnaie joue bien son rôle, il faut qu’elle circule et que tout système qui stimule et facilite la circulation de la monnaie est un bon système dans le contexte de l’économie libérale. C’est, en effet, une des fonctions essentielles des banques que de faire circuler l’argent, c'est-à-dire assurer la compensation des dettes et des créances de l’ensemble des agents économiques. Ayant dit tout ceci, la conclusion devrait tomber d’elle-même : une monnaie globale, produit d’un crédit global via la création de dépôts globaux, devrait pousser naturellement sur le terreau de l’économie réelle tant il est vrai que ce qui est simple doit aller de soi et que compliquer les affaires monétaires ne peut être que des manœuvres d’esprits dérangés.

Donc, la monnaie globale, la monnaie mondiale si on veut lui donner un nom, la monnaie de l’homme et du citoyen, doit exister et si elle ne peut émerger dans notre monde économique, c’est qu’elle est en but à une chaine d’intérêts égoïstes et à la tentation qu’ont certains puissants de créer des dérivations aux dépens du grand fleuve pour aller irriguer de petits arpents de terre isolées.  Or, la monnaie globale, la monnaie mondiale, dans la réalité n’existe pas. Au lieu de cela, le monde connait les monnaies locales qui, multiples, reflètent des intérêts dispersés et antagonistes.

Cette sotie qui mériterait d’être agreste rend compte de la situation dans laquelle le monde est plongé : si les crédits font la monnaie, les crédits locaux ne peuvent pas faire la monnaie globale. Si les crédits sont mal faits, c'est-à-dire si les crédits sont distribués sans investigation attentive de la capacité des emprunteurs à rembourser, alors les dépôts sont fictifs, partiellement tout au moins. Dans ces conditions, le processus de création monétaire conduit à fabriquer de la monnaie qui ne vaut pas ce que ses émetteurs prétendent, ni en termes réels en tant que support de l’échange, ni en terme relatif en tant que conservateur de valeur. Et comme la monnaie est un étalon des valeurs qu’il s’agisse de l’échange dans l’économie marchande ou des actifs dans la sphère financière, la mauvaise monnaie donne une mauvaise indication de la valeur et l’économie dite réelle s’en trouve pervertie.

Ces considérations un peu moroses sont tout à fait de mise depuis que la crise de 2008 a éclaté et que se sont succédées deux crises de crédit, l’une, celle des subprime portant sur les crédits aux particuliers, ménages et consommateurs, l’autre, celle des pays européens, portant sur les crédits consentis directement ou indirectement aux pays de l’Union Européenne. Il est impressionnant de relever qu’ainsi ce sont deux types de bénéficiaires complètement aux deux bouts du spectre des emprunteurs possibles qui ont été touchés. D’un coté, les plus humbles, les Ninjna, de l’autre ceux qui devraient être des puissants, les Etats.

Tout ceci devrait-il nécessairement conduire à reposer la question d’une monnaie mondiale qui ferait fuir les crises, qui apaiserait les marchés financiers et monétaires et qui répondrait enfin à la vraie question : un monde économique libéré de toutes entraves dans ses échanges, une économie mondiale globalisée où les capitaux circulent à la vitesse de la lumière, peut-elle continuer à fonctionner sur le plan des valeurs et des supports monétaires tout en maintenant leur diversité ? Pire encore, qui peut croire que cette mondialisation sans monnaie mondiale, n’est pas accompagnée d’asymétrie, d’effet de pouvoir et d’infériorisations en tous genres. Les crédits font les dépôts ? Les banques d’Ouganda sont-elles simplement en mesure de dispenser des crédits de qualité ? Les crédits ne sont pas limités par la taille de l’économie dans laquelle les banques d’un pays sont enracinées ? Combien de fois faudra-t-il rappeler les exemples irlandais et islandais, où les banques prises de folie prêteuse, on quasiment ruiné les pays dont elles étaient originaires.

Pourtant, conférer tant de vertu à une monnaie mondiale laisse un peu rêveur. Si on s’en tenait à un darwinisme économique primaire, on devrait admettre qu’existe nécessairement une technique la plus appropriée pour que l’organisme économique s’adapte dans les meilleures conditions. Or, à aucun moment dans l’histoire de l’humanité, une monnaie unique et universelle n’a réussi à s’imposer. L’or ? Il n’a pas tenu ses promesses et s’est avéré trop rare pour satisfaire les besoins du commerce et de l’industrie. Le bancor ? Né de l’imagination de J.M.Keynes, il n’a pas dépassé les manifestations de puissance et d’autorité du vainqueur de la Seconde Guerre Mondiale, les Etats-Unis. Pourquoi pas le dollar ? Importe-t-il vraiment que la monnaie mondiale soit émise par un gouvernement mondial, si une banque centrale nationale se voit déléguer cette mission par un consensus de nations du monde  et qu’ainsi la dollarisation rabote les différences monétaires ? Mais le dollar a jeté l’éponge et, un jour, se détachant de l’or, s’est complu dans le rôle de « grand frère », pour peut-être, aujourd’hui, n’être plus qu’un « primus inter pares » assistant à la dé-dollarisation de certaines économies nationales. 

L’euro, alors pourrait-jouer se rôle ? N’es-il pas exemplaire en ce sens qu’il a permis de rassembler sous une même monnaie plusieurs pays qui furent longtemps antagonistes ? N’a-t-il pas joué à merveille le rôle de support de transactions permettant aux agents de l’économie de compenser commodément leurs dettes et leurs créances ? N’a-t-il pas joué un rôle essentiel d’étalon pour les pays de la Zone Euro? Pourtant, ce n’est pas à proprement parler une monnaie unique : c’est une monnaie commune qui ne nait pas d’une politique de crédit uniforme, mais qui sous une forme de génération spontanée.

 

Donc, aucun candidat pour une monnaie mondiale ? Cela n’est-il pas le signe qu’une monnaie mondiale n’a pas beaucoup de sens et qu’elle n’est peut-être pas désirable ? Si on considère de prés les requêtes en faveur d’une monnaie mondiale ? Quels sont les motifs qui militent en sa faveur ? Quels sont les mobiles qui conduisent à échafauder des plans sur cette comète là ? Sur un plan théorique bien sûr !

Les motifs en sa faveur : la multiplicité des monnaies àa un coût, celui du passage de l’une à l’autre, celui leur volatilité les unes par rapport aux autres, les pertes de valeur qu’elles occasionnent en tant qu’étalon fluctuant et, pire tare parmi les pires tares, les spéculateurs qui s’emparent d’une monnaie (G.Soros et la Livre sterling), qui en jouent et gagnent des milliards de dollars. En allant plus loin encore, l’épargne mondiale est fragmentée. Certains pays usent de leur monnaie pour détourner l’épargne des autres, pour faciliter les fraudes. Ainsi, certaines devises ne sont pas autre chose que de vastes trappes à liquidité qui empêchent le multiplicateur de crédit mondial de fonctionner. Quand il y a plusieurs monnaies, les inégalités explosent, les monnaies fortes attirent l’épargne et les bons emprunteurs, elles dictent leurs lois (c'est-à-dire les taux d’intérêts) aux autres etc.

Si on comprend bien les motifs, quels sont les mobiles, les vrais…d’un coté, les détenteurs de réserves de change colossales comme la Chine, le Japon, Taïwan, Hong-Kong et quelques autres qui dépendent beaucoup trop à leur goût du dollar et qui voudraient bien trouver un autre vecteur d’épargne ou de conservation de valeur de leurs réserves. De l’autre, les pays émergents et surtout les pays en voie de développement qui en appellent à une forme de démocratie économique mondiale et jugent que les monnaies des grandes zones économiques occidentales (dollar, euro, livre, yen) forment une oligarchie insupportable et de moins en moins crédible. Ne sont-ils pas responsables des crises récentes ?

Alors, on imagine que les DTS du Fonds Monétaire International pourraient jouer un rôle de super-monnaie de réserve…. Sauf qu’il faudrait en changer la nature. Les DTS, en effet, sont peut-être quelque chose de mondial mais ne sont en aucune façon une monnaie. Et encore moins une monnaie mondiale.

Monnaie Electronique

La monnaie électronique parait, dans quelques descriptions, aussi simple d’abord, aussi facile de compréhension, que la bonne monnaie divisionnaire. Il y a d’abord le simple du simple, le porte-monnaie électronique, cette puce dans laquelle on met un peu de sous pour acheter le pain et quelques timbres. Et comme c’est une puce, on peut la mettre partout où quelque chose peut servir de lecteur : une carte de crédit, une carte de paiement, un téléphone portable, et même un ordinateur…. C’est un porte-monnaie et, comme dans le porte-monnaie divisionnaire, on n’y met pas des fortunes. C’est très simple !

Pourtant cela ne l’est pas. La Banque Centrale Européenne a donné son opinion : la monnaie électronique n'est qu'un type de monnaie scripturale. Or, le test dit « de la perte » est contradictoire. Quand on perd une carte « porte-monnaie » électronique, que perd-on ? La même question pourrait être posée avec les cartes dites de prépaiement. La réponse est simple : on perd de l’argent ! Comme on en perdrait si on perdait des pièces de monnaie et des billets de banque. C’est pour cette raison que quelques auteurs estiment que la monnaie électronique est une nouvelle forme de monnaie divisionnaire et de monnaie fiduciaire en même temps. En tant que monnaie fiduciaire la carte ne vaudrait que pour autant que l’émetteur de la carte ait une surface et une réputation impeccable et qu’il soit investi de la confiance des agents économiques recevant paiement, problématique proprement « fiduciaire » au sens originel du terme.

 

Ce qui est certain est que tout le monde s’entend pour dire, comme l’a fait la commission Européenne dans une directive sur la monnaie électronique que les cartes de type, paiement de parking, clients préférentiels et toutes les cartes délivrées avec une valeur mais qui ne peuvent être utilisée que dans le cadre d’une entreprise, d’une administration ou d’une prestation déterminée ne peuvent pas être considérée comme de la monnaie électronique, ni comme de la monnaie, purement et simplement. La monnaie électronique telle qu’elle est stockée dans le porte-monnaie électronique partage donc cette caractéristique avec la monnaie tout court, elle est universelle, son pouvoir libératoire n’est pas limité.

 

Demeure la question des cartes de crédit ou des cartes de paiement, doivent-elles être considérées comme de simples commodités attachées à la monnaie scripturale ? En effet, le paiement au moyen d’une carte de paiement (l’essentiel des cartes bancaires, sont, en France, des cartes de paiement et non pas des cartes de crédit), ressemble à un paiement par chèque ou à un ordre de virement, ce dernier pouvant être ordonnancé à partir d’un ordinateur ou par téléphone etc.… ces cartes sont, au surplus, qualifiées d’accréditives lorsque sous la réputation de l’établissement bancaire qui les émet, elles permettent de se faire remettre de la monnaie fiduciaire dans des banques différentes. 

 

Sont-elles de la monnaie électronique au sens où il s’agirait d’une nouvelle catégorie monétaire, au coté des monnaies divisionnaire, fiduciaire et scripturale. Si on reprend le cas la perte d’une carte de paiement, le porteur de la carte est dans la même situation que le titulaire d’un carnet de chèques : il n’a pas perdu d’argent, il a perdu un moyen de paiement dont le risque est qu’il soit détourné. La carte, de même que le chèque, assure la transmission de monnaie scripturale d’une personne à une autre, c'est-à-dire mouvemente un compte par son débit au profit du crédit d’un autre compte. La carte de paiement ne constitue pas de la monnaie. En effet, ce n’est pas parce qu’on peut payer à partir de son compte au moyen de chèques, de virements ou de prélèvements qu’apparait pour chaque occurrence une nouvelle monnaie. La seule monnaie concernée ici est la monnaie scripturale. 

 

Il ne faudrait pas en conclure que la monnaie électronique se résume au porte-monnaie. En pleine expansion, ses modalités se développent très vite. Les moyens électroniques d’utilisation de cette monnaie peuvent aller du stockage sur une carte ou un appareil électronique à la gestion à distance d’un compte destinés aux paiements ce qui la rapproche de la carte de paiement. Au niveau européen, les caractéristiques d’une monnaie électronique et de ses émetteurs ont fait l’objet de longs développements dans la directive les concernant. Ainsi, dans l’hypothèse où un émetteur demanderait la constitution d’un dépôt préalable, les fonds déposés seraient affectés et ne pourraient pas être re-employés par l’émetteur, fut-il une banque dans des opérations de crédit. La directive insiste sur le fait que l’argent stockés dans un portefeuille électronique doit pouvoir être converti en monnaie scripturale ou fiduciaire à la valeur nominal, à tout moment sur simple demande des porteurs. Enfin, et surtout, Les émetteurs doivent avoir une surface suffisante pour rassurer les bénéficiaires des paiements, donc « Il convient d’établir un régime de capital initial, associé à un régime de capital permanent, afin d’assurer une protection adéquate des consommateurs et de garantir une gestion saine et prudente des établissements de monnaie électronique ».

La monnaie électronique émergera-t-elle comme moyen d’échange, mais aussi de conservation de valeur… vaste sujet qui devrait commencer par cette question : « quand des crédits électroniques feront-ils des dépôts électroniques ? »


 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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