Euro

On trouvera ici des remarques sur l'Euro, dont un élément de principe: le fameux modèle de Mundell, connu sous le nom de Triangle d'incompatibilité. La plupart de ces articles ont été publiés dans le journal en ligne: les Echos.fr. 

On lira des essais proches de la science-fiction, des uchronies mais aussi et surtout des idées pour aller au delà de ce qui est convenu dans le domaine de l'Euro.

Revenir aux origines de la monnaie pour penser l’Euro paru dans les Echos

- Euro unique ou Euro pluriel : penser l’Euro alternatif (2 Parties) 

- Triangle d'incompatibilité

- La crise des billets de banque. 1ère partie. Le cas grec.

- La crise des billets de Banque. 2ème partie. L’épidémie européenne.

- La Crise du Billet de Banque. 3ème partie. Sortir de la Crise en libérant les Billets.

- Qui veut la peau de l'Euro?

- L'Allemagne sortira-t-elle de l'euro?Monnaie unique, monnaie inique !  

- L’Euro et les monnaies de garage

 

Euro unique ou Euro pluriel : penser l’Euro alternatif (1 ère Partie)


Il y a trois ans, lors de la première crise grecque de liquidité, au moment où les Grecs se précipitaient vers leurs banques pour retirer leur argent, on avait proposé une sorte d’uchronie irrévérencieuse en trois parties. On décrivait un univers Européen de cauchemar où, monstruosité économique, la monnaie scripturale se dévalorisait contre la monnaie fiduciaire, où les spéculateurs « spielaient » les billets allemands contre les billets grecs! On avait même inventé une panique atroce qui avait saisi les pays de la Zone Euro à la suite d’une erreur de la Bundesbank.


Première partie : Un billet « X » vaut plus qu’un billet « Y »


Aujourd’hui, il parait utile de reprendre ces propos alors que la BCE a décidé une expansion monétaire sans précédent dans les annales de l’Europe et alors que la crise grecque qui n’en finit pas, vient de renouer avec la tragédie antique version « Bank run ». On se posera alors la question de l’émission par la BCE d’une monnaie alternative, une monnaie qui permettrait d’éviter le Grexit et qui enfin rassurerait les épargnants allemands (dont tout le monde sait qu’ils ne dorment plus que d’un œil depuis la grande inflation qui frappa l’Allemagne il y a près de 100 ans).


Quand les billets allemands sèment la panique


En quelques mots, rappelons cette histoire (farfelue : suivre ce lien) où l’Allemagne aurait provoqué une panique dans la zone Euro. Il y a trois ans comme aujourd’hui, les Grecs s’étaient précipités vers leurs banques pour en retirer leurs économies. Or, si la Banque de Grèce avait permis sur le plan de la liquidité que les banques grecques puissent faire face à ces retraits, elle n’en avait pas prévu l’ampleur. Et tout d’un coup, il manqua du papier pour fabriquer les billets : le fameux papier fiduciaire chargé de tous les éléments de sécurité possibles.


Une sorte de marché parallèle des changes se développa: les détenteurs de cash, firent monter le prix des billets contre monnaie scripturale. Les détenteurs de monnaie scripturale (la monnaie de compte en banque) qui ne voulaient pas attendre pour détenir de la monnaie fiduciaire (le billet de banque) acceptaient parfois une forte décote de leurs avoirs en monnaie de compte. Cette situation, on le comprend aisément, totalement insupportable sur le plan des principes, l’était davantage encore dans le contexte d’une zone Euro où la circulation de la monnaie pose que celle-ci soit une et entière, partout la même et valant toujours la même chose, qu’elle soit fiduciaire ou scripturale, qu’on soit en Grèce ou en Allemagne.


La Banque de Grèce fit le tour des banques centrales pour obtenir du papier fiduciaire disponible. Chacun sait que les banques centrales ont à leur disposition une réserve de papier pré-rempli pour les émissions futures de billets ou pour le cas où des «coups de feu» impliqueraient des émissions «spots» outrepassant le flot habituel. On devine que les Allemands, toujours précautionneux et prudents, avaient constitué de solides réserves. Emporté, pour une fois, par un esprit coopératif et altruiste, ils expédièrent des milliers de rames de papier fiduciaire pré-remplie. Il ne restait plus à ajouter que les noms et signatures des responsables de la banque centrale grecque. Tous les billets se ressemblent dans la zone Euro, parce qu’ils sont tous les mêmes où qu’ils soient émis. Ce bel exemple de coopération Européenne s’acheva dans les larmes et le sang : la Bundesbank s’aperçut qu’elle avait livré des billets marqués « X », la marque relative à l’origine du billet, en la circonstance la marque de l’Allemagne. Quelques personnes bien informées vendirent la mèche. Et ce fut la ruée. Les Grecs s’arrachèrent les billets « allemands ». Quoi de plus sûr en cas de sortie de la zone Euro que de détenir des billets allemands !!!! Du coup, le cours des billets « X » explosa. On découvrit une autre horreur économique, s’ajoutant à la différence de valeur entre Euro scripturaux et Euros fiduciaires, deux billets Euros pouvaient avoir des valeurs différentes !


De la plaisanterie à la réalité…


Tout ceci est du domaine de la plaisanterie. Bien sûr, l’histoire des billets « X » est fausse. On pourrait d’ailleurs soulever une objection : les Grecs auraient pu se procurer des billets « X » en se rendant tout simplement en Allemagne et en demandant du cash aux banques grecques installées localement. Mais enfin ce n’aurait pas été la même chose, il aurait fallu se déplacer et peut-être la liquidité des banques grecques, les besoins en cash des Grecs le montrant amplement, n’aurait pas été assurée !!!


Pourtant, il y a des moments où la plaisanterie tourne vinaigre et confine la réalité : pendant les moments de crise les plus intenses, au moment où la BCE a lancé son programme de prêts bancaires à cinq ans, pour stabiliser un système bancaire Européen qui partait en morceaux, on assista à un phénomène de fuite devant,  non pas la monnaie, mais certaines monnaies de banque. Les apports monétaires aux banques espagnoles, portugaises et italiennes se traduisirent disent les méchantes langues par des prêts aux Etats d’origine de ces banques mais aussi demeurèrent en cash dans leurs livres, plus exactement, ces apports se retrouvèrent en dépôts dans les banques allemandes. Hurlement de l’ineffable Jens Weidmann ! Le gardien du saint des saints allemands, la Bundesbank ! Les banques allemandes recevant des dépôts bancaires et privés des agents économiques des autres pays « Euro » s’en allaient déposer ces fonds à la BCE qui se trouvait débitrice à l’égard du système bancaire allemand son premier créancier. Jens Weidmann tonitruait : l’Allemagne devrait supporter tous les risques en cas de défaut de la BCE !


Au-delà de l’anecdote quelle leçon faut-il en tirer ? Dans le système monétaire de la zone Euro, il y a de la place pour des irrégularités, des décalages de valeurs, des « grumeaux » dans une soupe monétaire dont tout le monde était convaincu qu’elle était homogène comme l’eau! Car, si les banques espagnoles éprouvaient le besoin de déposer leurs fonds dans des banques allemandes, cela ne signifiait pas autre chose que leur préférence pour une monnaie de banque allemande par opposition aux autres à commencer par les monnaies de banques des pays du sud de la zone Euro.


On dira que ce sont des anomalies caractéristiques des périodes de crise! En temps ordinaire, il n’y a qu’une monnaie dans la zone Euro et cette monnaie à la même valeur partout que les billets portent telle ou telle lettre de l’alphabet, que la monnaie soit fiduciaire ou scripturale ou que la monnaie de banque soit détenue dans telle ou telle banque. D’ailleurs, pourrait-on sinistrement arguer: si une banque de la zone Euro faisait faillite, ses dettes à l’égard de ses déposants seraient bien des Euros purs et simples et non pas des Euros espagnols ou allemands!


A suivre : l’Euro pluriel contre l’Euro inique

Triangle d'incompatibilité


En économie, il y a des formules qui se retrouvent gravées dans le marbre, le béton ou l’or : « trop d’impôts, tue l’impôts », «  la monnaie est un voile » , « A long terme nous serons tous morts ». Il y a aussi « triangle d’incompatibilité ». 


Ce concept est né dans la foulée d’études menées sur les paiements internationaux, tels qu’ils avaient été configurés au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Elles conduisirent rechercher les conditions selon lesquelles les zones monétaires (espaces économiques qui utilisent une monnaie et une seule) peuvent être optimales. 


Le triangle d’incompatibilité, mesure la perte de la capacité d’un pays à formuler une politique économique en toute souveraineté. A l’époque où il est formulé, il n’y a dans le monde occidental aucune liberté de circulation des capitaux. Elle ne deviendra une réalité qu’à l’occasion du vaste mouvement de libéralisation économique et de déréglementation que connaîtra le monde à partir du début des années 90. 


Le triangle est en fait la combinaison de trois libertés dites fondamentales sur le plan économique : liberté du choix d’un taux de change, liberté dans la conduite d’une politique monétaire, liberté de circulation des capitaux. Selon Mundell, il n’est pas possible pour un gouvernement dans un pays de disposer de ces trois libertés en même temps. Pour pouvoir user de deux libertés au plus, il faut en sacrifier une.  Veut-on défendre un taux de change fixe, c'est-à-dire le niveau des revenus et des coûts d’un pays et mener une politique économique autonome. Alors, il ne faut pas penser à la libre circulation des capitaux. Celle-ci, à la moindre anicroche se traduira par une spéculation contre la monnaie avec tous les risques de dévaluation ou de réévaluation qui s’ensuivent.  On dira que c’est le cas actuel de la Chine, qui ne démord pas d’un taux de change, que les pays occidentaux disent trop bas, et qui, pour éviter qu’il soit attaqué, n’acceptent pas la libre circulation des capitaux. On a bien vu aussi, quand la livre sterling fût déboulonnée de son statut de monnaie de réserve,  qu’il ne fût pas possible au Gouvernement anglais de mener en même temps une défense de sa parité et de mener une politique économique autonome appuyée sur la liberté de circulation des capitaux. 


Selon les esprits positifs, les incompatibilités du triangle expliquent certaines politiques, c'est-à-dire, mettent en valeur la possibilité de politiques ciblées. On a évoqué la Chine. C’est aussi ce qui justifie, à l’inverse, que les Etats-Unis, aient choisi au début des années 70 de faire flotter leur monnaie, abandonnant un taux de change fixe en vigueur depuis les Accords de Bretton Woods. Dans le même ordre d’idée, l’Europe a choisi aussi, la fluctuation de l’Euro, contre les autres devises, privilégiant l’autonomie de la politique monétaire, illustrée en particulier par l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) tout en posant le principe de la coordination des politiques budgétaires.


Le triangle d’incompatibilité semblait, dans la pratique, n’offrir que le choix entre deux types de politiques: celles qui s’appuient sur les taux de change fixe, avec abandon de la liberté de circulation des capitaux) et celles fondées sur les taux de change flottants avec circulation des capitaux.


L’évolution de l’économie mondiale depuis les années 90, appuyée sur une libéralisation de plus en plus complète de la circulation (convertibilité généralisée des monnaies) des capitaux a rendu discutables les branches de l’alternative.


La crise des billets de banque. 1ère partie. Le cas grec.

 

Ceci est un essai de Science-fiction économique. Dans cette hypothèse un euro ne vaut plus un euro. On traite donc un d'un cas très rare de dévaluation intérieure à un pays de la Zone euro par dévalorisation de la monnaie scripturale contre la monnaie fiduciaire. Mais aussi, on verra les risques induits par les erreurs de la Bundesbank.

Ce texte est une pure fiction. Comme l'arrivée des Martiens vue par Orson Welles.

Le pire était craint. La Grèce sortirait-elle de l’euro ? Ou non ?
On avait entendu les appels à la raison et au calme. « Il n’y a pas de risques d’extension », « les marchés ont anticipé », « les banques, qui ne sont pas folles, ont provisionné l’intégralité de leurs engagements sur la Grèce ».  Le marché des changes avait été calme. Les messages d’apaisement habituels qui auraient dû passer en boucle n’avaient pas même été mis dans les machines. La scène monétaire était parfaitement calme. Tout était normal. Si tant est que la sortie de la Grèce ait pu passer pour normale !

Les retraits des déposants grecs avaient créé une pénurie de billets.


Et puis, tout d’un coup, un SMS a semé la panique. Une erreur de tir ou d’adressage ? Un esprit malintentionné ? En fait, un vrai raté, venant en direct de l’Allemagne. La découverte d’une gaffe monumentale a été l’étincelle. Pour bien saisir l’évènement et en comprendre le déroulement, il convient de faire un retour en arrière. 

Le gouverneur de la Banque de Grèce avait demandé à sa consœur la Bundesbank de lui envoyer du papier fiduciaire. Du papier pour faire des billets de banque. On l’avait plus ou moins appris. Ça circulait sur le net. Quelle importance en fait ? Tout le monde savait que les Grecs, de plus en plus convaincus qu’il y avait quelque chose à redouter du côté de leurs banques, retiraient leurs économies. Ils ne faisaient pas la queue devant les guichets. Ce n’était pas un bank run.

Les dépôts bancaires étaient tranquillement convertis en billets, la monnaie scripturale en monnaie fiduciaire. 1 ou 2 milliards, filaient ainsi, bons jours, mauvais jours. Parfois plus. Et puis, le mouvement se calmait pour repartir comme la mer va et vient, flux et reflux. Bien sûr, cela a créé des problèmes de liquidité pour les banques grecques. Elles se sont débrouillé . Vaille que vaille.

Au fil du temps, est survenu un problème technique: pas assez de billets disponibles! Les imprimeries de la Banque Nationale de Grèce ont été vite à court de papier fiduciaire.

C’est avec ce genre d’histoire un peu ridicule qu’on déclenche des émeutes. La loi des marchés, cette loi d’airain qui avait déjà eu pour effet de pousser la Grèce vers la sortie de l’Euro, la loi de l’offre et de la demande donc, annonçait au Gouverneur que des risques de dévaluations de la monnaie de banque, c'est-à-dire la monnaie scripturale, étaient à craindre.

Il faut revenir vers quelques bases en économie: lorsque les choses deviennent rares, elles deviennent chères. C’est un mécanisme économique que tout le monde comprend depuis la nuit des temps.

Une monstruosité économique : La monnaie scripturale se dévalorisait contre monnaie la fiduciaire !

Or, les billets de banque sont devenus rares. Ceux qui en avaient les stockaient jalousement. Ceux qui voulaient échanger leurs dépôts en banque, qui détenaient par conséquent de la monnaie scripturale, ont fait monter la pression. Désirant si fort convertir leurs dépôts en banque en billets de banque, c'est-à-dire en monnaie fiduciaire, certains ont accepté de payer les billets plus chers que leur valeur faciale. Par exemple, un billet de 50 euros était acheté 55 euros en monnaie scripturale! Ainsi, progressivement,  se mettait en place un processus de dévalorisation des dépôts en Banque ! Une dévaluation de la monnaie scripturale contre la monnaie fiduciaire ! 

Les autorités monétaires et politiques grecques se sont vite rendu compte que si le manque de papier peut avoir des effets néfastes sur la tranquillité publique, la perte de la parité entre billets de banque et dépôts bancaires allait déclencher une révolution. Les banquiers firent valoir que la sécurité de leurs employés était en jeu et, accessoirement, celle de leurs bâtiments.

Donc, les Grecs firent tout pour pallier la rupture d’approvisionnement en papier fiduciaire. Les Allemands sollicités avaient répondu positivement à l’appel des Grecs. L’hyperinflation des années 1920 leur avait appris qu’il faut toujours avoir du papier en réserve pour imprimer des billets de banque.  Et c’est justement là que le problème s’est noué. Le papier envoyé à leurs confrères était pré-imprimé. Prêt à l’emploi en quelque sorte. Il ne restait plus qu’à apposer la signature des responsables grecs de l’émission monétaire.  On ne pouvait pas faire plus accommodant. Le reste était un jeu d’enfant. Et la production de billets a commencé très vite pour des montants susceptibles de calmer le marché et, ainsi, empêcher que la dévaluation de la monnaie scripturale, cette monstruosité théorique et pratique, s’amplifie et crée la panique.

Les Allemands à la rescousse avaient commis une énorme bourde.
C’est là que le fameux SMS a provoqué un séisme économique, politique et social.

Le papier envoyé par les Allemands, était, on l’a indiqué plus haut, pré imprimé. Le montant, le numéro, les mentions obligatoires. Rien de bien remarquable là-dedans, tous les billets sont absolument les mêmes dans la Zone euro! Tout est venu du numéro ! Le numéro pré imprimé des billets transmis à la Banque nationale de Grèce comportait le fameux « X » qui dit que le billet est émis par la Bundesbank. Pour la Grèce, c’est « Y ».  Pour la France, « U ». Chaque membre de la Zone euro est identifié par une lettre de l’alphabet. Personne ne s’était aperçu de cette notation. A priori, il n’y avait là rien qui puisse déclencher des émeutes !

Sauf que les Allemands ont été pris de panique quand ils se sont aperçu de l’erreur. Leurs juristes firent comprendre que des billets marqués « X » étaient des billets allemands, reconnus à la Bundesbank. Donc des créances contre elle ! Les Grecs étaient donc en train de convertir toute leur monnaie scripturale, c'est-à-dire leurs créances contre les banques, en monnaie fiduciaire allemande. La Bundesbank, si on laissait faire, allait devenir débitrice à l’égard de Grecs fuyant leur système bancaire.

Un SMS absurde et envoyé à la mauvaise adresse a mis le feu aux poudres
Un SMS fut alors rédigé : « la Bundesbank ne reconnaîtra pas les billets marqués « X » à partir du numéro « a » jusqu’au numéro « z » ». Au lieu de se retrouver sur le portable du Président Grec, le SMS atterrit sur celui d’un obscur journaliste anglais qui déferla dans le bureau de son patron. Le reste est connu. Une panique folle en Grèce. Le cours des billets en question s'effondra. Au risque d'une dévaluation de la monnaie scripturale contre la monnaie fiduciaire, on avait ajouté le risque d'une dévaluation des billets libellés en euro entre eux!

Les porteurs de Billets « X » mirent le feu à l’Ambassade d’Allemagne. Un mouvement de destruction de tout ce qui était allemand directement ou indirectement se répandit dans toute la Grèce. Quelques citoyens allemands furent rudoyés. Certains échappèrent de peu au bûcher.

Il fallait bien que les Allemands fassent un effort pour calmer les esprits. Ils expliquèrent que ce SMS n’était qu’une invention parmi les milliers que commettent les tabloïds anglais. Ils affirmèrent solennellement que les billets « X » Grecs seraient honorés comme les Billets « y » ou les billets « Z » etc. Du coup, la parité de change entre les billets « X » grecs et les autres billets de la Zone euro, dont les  « Y », fut restaurée. Un euro se mit à valoir un euro à nouveau. 

Cette affaire a évidemment laissé des traces. Les cendres de la catastrophe sont encore rougeoyantes. L’affaire des Billets continue son chemin souterrainement, sans bruit. Personne n’a intérêt à faire trop de publicité ou de communication sur ce qu’on devrait appeler des manipulations de monnaie.  C’est maintenant, un problème rampant dans toute l’Europe. L’affaire des billets n’est pas finie.

 

Qui veut la peau de l'Euro?

Moody’s vient de dégrader violemment la note de l’Irlande. Motif : c’est un pays malade, la cure qu’il a entreprise va le tuer. Il faut se rendre à l’évidence : l’Europe gène. Il y a de l’acharnement dans ces notes, dans ce spiel contre l’Euro. L’Euro n’est-il pas « l’homme à abattre » ?.


Qui veut la peau de l’Euro ?

Quand on regarde le champ de bataille alentour, il y a bien une méthode de combat, une sorte de battue à l’Euro.  Une stratégie mise en œuvre contre l’Euro. On peut hésiter entre Cantona et Staline.


L’échec de Cantona à secouer les colonnes du temple des banques Euro malgré les craintes de la Commission Européenne, malgré les craintes de Christine Lagarde, malgré toutes les craintes de tous les gens raisonnables, laisse penser que ce n’est pas lui, ni même ses amis, qui veulent la peau de l’Euro le plus ardemment.


Reste la stratégie « Staline ». On a dit de la stratégie déployée par Staline et Joukov à partir de 1943 que c’était une stratégie « en tiroir ». Idéalement, il faut commencer par la partie du front la plus faible, puis monter progressivement jusqu’à ce que l’ensemble du front se soit embrasé. Dans le cas de Staline, le résultat a été probant.


Les  agences de notation dans une stratégie stalinienne.


A quoi a-t-on assisté depuis 9 mois ? A une attaque en tiroir. Méthodique, commencée à la périphérie. La vraie périphérie de la Zone euro, c’était la Grèce. Tout le monde savait que pour entrer dans l’Euro, elle avait truqué ses comptes. Les banques américaines lui avait donné un coup de main pour sortir de son bilan ce qu’il fallait pour qu’il ait l’air joli. Donc la Grèce, c’était facile. Et hop ! On la dégrade d’un bon coup, comme jamais auparavant aucune agence de notation n’avait dégradé personne. La valse de l’euro à ce moment a été fabuleuse. Quand sur les marchés monétaires et boursiers, il y a valse, la question immédiate doit être : « qui gagne ? »


La stratégie en tiroir a continué. Avec quelques hésitations. Si on s’en prenait au Portugal ? Et l’Espagne, au fait ? Dans une stratégie en tiroir on n’est pas obligé d’être bœuf. On a le droit de tâter le terrain. Ne serait-ce que pour économiser ses forces en vue des attaques suivantes. Et puis, on peut aussi, prendre un peu de temps pour exploiter les premiers succès. Ramasser les dépouilles et récupérer les quelques goussets qui traînent.


Le second tiroir ? L’Irlande, bien sûr ! Grâce à l’Europe, les Irlandais étaient les plus riches des plus riches au monde! A ce point qu’ils avaient commencé à se demander si l’Europe c’était finalement le bon truc. Avec les Européens, les Commissions, les Barroso, les Trichet et tous les autres, on ne pouvait pas faire de la banque hyperchouette et sympa à l’américaine. En fait, si les Grecs avaient un peu triché, les Irlandais, n’avaient fait que raconter des carabistouilles sur leurs banques, leurs joyaux, leurs bijoux qui fonctionnaient comme les anglaises et les américaines. Donc, deuxième front : l’Irlande. Les chevaliers de la notation foncent et donnent l’estocade de la dégradation.  Ensuite c’est l’Euro qui plonge, les garanties données par les Etats membres de la Zone Euro, les allers et retours, les obligations qui montent et qui descendent, le jeu à somme nulle qui recommence avec ceux qui perdent et ceux qui gagnent et le petit jeu de la bouilloire qui fonctionne à une dimension cosmique. Merci à ceux qui ont allumé le gaz. A une autre fois les gars !


Eh bien ! La voilà l’autre fois ! C’est la Belgique. Une agence de notation vient de s’apercevoir, en regardant une vieille émission sur RTBF, que la Flandre venait de déclarer son indépendance. Les analystes se sont précipités sur leurs dossiers et ont découvert que la note de la Belgique était très bonne. Ils se sont mis fort en colère. Mais c’était une feinte. Les agences savaient bien que l’émission de RTBF était un canular. Dans la stratégie en tiroir, on peut jouer un peu malin. Faire croire qu’on a cru au canular, par exemple, et déclarer que c’était peut-être de l’anticipation, de la prévision en somme. Les Agences ont montré qu’elles prenaient tout ça au sérieux. Elles ont vigoureusement tancé les Belges. « Qu’est-ce que c’est ça pour un désordre ? ». « Attention, une fois, savez-vous, si vous continuez à faire des canulars à la télé, la notation, elle sera plus mauvaise encore ».  Comme d’habitude, l’Euro a été secoué. Il y a eu des montées et des descentes, beaucoup d’argent qui s’est mis à circuler. Et à nouveau des gens qui ont perdu de l’argent dans cette histoire et … des gens qui en ont gagné.


Quel est le prochain ? On attend un peu… on se tâte. Parce que la Belgique, sur le plan de ses finances publiques et de ses banques, c’était quand même moins pire que l’Irlande. Réussir à secouer le cocotier en prenant levier sur elle, c’était un beau coup. Le prochain tiroir, il faut que ce soit quelque chose qui décoiffe, un gros pays, un peu trop endetté. Pas très équilibré sur le plan mental, plein de grands principes et qui roule en regardant dans le rétroviseur.


La stratégie marcherait donc bien…


A qui profite le crime?


Quand l’euro fait des vagues, c’est le dollar qui, enfin, monte. Jusque là, les anglo-saxons étaient en déroute. Il y avait une justice dans le monde. Ces gens se croyaient tout permis parce que les uns étaient sur une île arrosée des Euros du « …my money back », les autres, parce qu’ils se prenaient pour le monde idéal. 

Le dollar peut être la monnaie d’un pays à bout de souffle, la monnaie d’un impérialiste inconséquent et versatile, qui s’imagine toujours qu’après avoir napalmisé à droite et à gauche on peut redevenir ami et faire des affaires ensemble. Le dollar est de toute évidence la monnaie, d’un pays où les collectivités locales et les Etats, depuis peu, peuvent se mettre sous la protection du chapitre « eleven ». Et ne pas payer leurs dettes. C’est aussi la première monnaie mondiale.


Le dollar qui s’écroule, ce sont des milliards de dollars qui partent en fumée, en Chine, à Taiwan, au Japon, à Singapour. Ce sont les transactions sur le pétrole et quelques pays producteurs qui sont plongés dans l’incertitude. Ce sont les producteurs de quelques matières premières commercialisées dans le monde qui ne trouvent plus leur devise traditionnelle. Inimaginable !


En économie, il y a les réalités. Les vraies ! À coté de celles qui se nomment épargne et investissement, se trouvent celles qui se nomment puissance, impérialisme, protection des méga-entreprises. Or, le dollar en perdition, le dollar soumis à compétition, le dollar en pleine déréliction, c’est ce monde des dollars stockés en masse, des dollars militaires et des dollars des super-entreprises financières qui s’écroulerait.


Et tout ça viendrait  d’une monnaie bidon qui n’est supportée que par un conglomérat bancal de vieilles nations aux idées confites et rétrogrades ?  Où est cette monnaie qui prétend se substituer au dollar? En Allemagne, en France, en Italie ? En Europe ? C’est où l’Europe  Quelle capitale, quel chef d’Etat, quelle armée, quelle capacité de décision? Alors, franchement, en faveur de qui penche la balance ?


L’Europe, c’est une belle idée.  L’Euro?  C’est une belle idée de la belle idée. Ils vont continuer combien de temps comme ça à empiler les idées comme les autres empilent les bouteilles de vodka, pardon… les poupées russes ? Qu’est-ce que ça sera la prochaine « belle idée de belle idée de belle idée »?


Les thuriféraires du dollar ont raison ! L’Euro n’existerait pas, tout le monde aurait la paix ! Au lieu de se demander ce que les Européens vont faire. Vont-ils le soutenir ? L’Allemagne va-t-elle recréer le DM ? Et la France, vaut-elle vraiment son AAA ? Au lieu d’occuper des colonnes de journaux entières, sur l’Euro, ses chances, ses risques, son avenir, sa défaite, sa réussite etc.… on pourrait vaquer à des choses intelligentes et disserter sur de l’utile. On avait le dollar et tout le monde était content. Depuis qu’il y a l’Euro, rien ne va plus ! Dégagez-le !


L’Euro : faites vos jeux, rien ne va plus !


C’est ce que se disent depuis un certain temps toutes les institutions qui doivent placer leurs fonds quelque part dans une quelconque monnaie avec l’idée qu’il serait préférable de ne pas perdre le capital et qu’il ne serait pas mauvais de gagner un peu d’argent.


La dette souveraine des pays européens, la dette des collectivités, régions, villes et des pays, sont détenues, in fine par les épargnants. Ils ne le savent pas nécessairement. Sauf ceux qui ont acheté directement des bons du trésor, de l’OAT en France et leurs équivalents, dans les autres pays européens. C’est la minorité de l’espèce. En général, on détient de la dette publique, souveraine ou non, indirectement, via des Sicav monétaires, obligataires, via des fonds spécialisés, via des contrats d’assurance-vie pour les fameuses poches euro.  Si l’Euro se cassait la figure et si les vieilles monnaies faisaient un come back dans le genre « le retour des retraitées du Lido ». Les épargnants auraient du stress en plus.


C’est ce qu’on devrait se dire. D’un autre coté, ces institutions sont parfois bien gérées… L’instabilité de l’Euro et des supports en Euro, c’est une source d’opportunité.  Les informations distillées de ci de là par les noteurs, leurs hésitations, leurs pudeurs, leurs « je ne dégrade pas aujourd’hui ! Mais attention… je vous observe et  je vous mets sous surveillance. Watch avec Warning ». C’est tout juste si on n’a pas inventé le WWW dans les notations. Wild, Watch, Warning. (Mise sous surveillance attentive et vacharde).


En tout cas, en se débrouillant bien, avec l’aide des banques et des produits financiers des banques, les porteurs de dettes souveraines en Euro et d’Euro sous toutes ses formes ont, non seulement la possibilité de protéger leurs avoirs, mais aussi d’améliorer une rentabilité devenue bien faible en ces temps d’abondance monétaire, de QE2 et de centaines de milliards de dollars hélicoptérisés par le bon Ben (Bernanke, maintenant surnommé BBB). Les taux sont bas. Très bon pour les emprunteurs, très mauvais pour les rentiers. Alors, on va de petits coups de spéculation en spiels bien conduits sur l’Euro contre tout, contre l’or, contre les matières premières, contre le dollar, le yen etc…  En mouvementant des titres en Euro, on peut incrémenter les maigres rendements officiels. Et tant pis, si ça met l’Euro dans la panade ! Il faut bien essayer de faire sa pelote. Après tout, le spectre de la troisième guerre mondiale s’est éloigné, n’est-ce pas. ?


Et les Hedge Funds ? On n’en a pas encore parlé de ceux-là ! Souvenirs, souvenirs ! A lui tout seul, G.Soros réussit, il y a maintenant prés de 20 ans, à faire dégringoler la Livre sterling, à lui faire quitter l’Europe monétaire en construction. Sans lui…la Livre… dans l’Euro ? Qui sait ? Alors, les Hedge funds ? Ils ne sont pas morts malgré la crise. Ce sont bien les seuls  à pouvoir emprunter de l’Euro pour le vendre contre d’autres actifs, à commencer par ceux qui sont libellés en dollars, en yen, livres etc. Leur puissance de feu financière est …. Stalinienne ! Ils s’en moquent un peu de la peau de l’Euro. Et même, quand il aura disparu l’euro, ils seront tristes, car ils auront perdu un bon support pour gagner de l’argent. Ils ne veulent pas la peau de l’Euro mais, à l’user comme ils le font, c’est tout comme !


Et si l’Euro avait le cuir épais ?


Le seul point rassurant dans tout ce bruit et cette fureur contre l’Euro, on le trouve en Islande, pays candidat au classement dans le livre Guinness des records au titre de l’impéritie publique. Autrefois, les Islandais attendaient les baleines. Quand un banc se manifestait, ils fonçaient sur leurs canots et revenaient comme il est dit dans le poème, en jetant « une baleine sur la table, une belle baleine aux yeux bleus, une belle comme on en voit peu… ». Il y a quelques dizaines d’années, ils se sont demandés ce qu’ils pourraient faire de moins fatiguant et de moins malodorant pour devenir riche. Alors ils ont fait comme les anglo-saxons. Ils ont acheté des ordinateurs. Ils les ont installés dans de grandes salles climatisées (pour le froid). Ils ont transformé toute une bande de dépeceurs de baleines en traders, pensant que, puisqu’ il y avait du gras à se faire, c’était la même chose. En avant toute ! Aujourd’hui, les traders font la pèche à la baleine, les banques ont sauté et le gouvernement avec.


Les Islandais avaient pensé à entrer dans l’Euro. Et puis, zut ! s’étaient-ils dits en islandais. Quand on voit que les Irlandais sont bombardés de règlements, de directives et des choses de ce genre qui entravent leurs banques et les empêchent de faire leurs affaires, comme leurs modèles, les banques américaines ou anglaises…. Non ! Décidément, non ! L’Euro, ce n’est pas pour nous ! Ayant dit cela, la crise arrive. Et voilà que « mais c’est bien sûr, il y a un truc qui manque, il nous faut l’euro, si on l’avait eu on ne serait pas dans la m…, ou moins ».


Eh bien ! Si on voulait avoir la preuve que quelqu’un veut la peau de l’euro,  les Islandais viennent de la fournir : l’Islande a annoncé qu’elle renonçait à entrer dans l’Euro car, a dit son président, « ce n’est pas une garantie de succès ».


Quand on entend tenir ce type de propos par ce type de pays, on se dit que l’Euro, il faut qu’il ait le cuir épais. Et plus il l’aura épais, plus ce sera difficile d’avoir sa peau.

L'Allemagne sortira-t-elle de l'euro?

Depuis quelques temps les Allemands se font un plaisir à soulever de nombreuses questions sur l’Euro. Et, ils ont raison. Ce n’est pas quand les choses vont bien que l’occasion est bonne pour tout revoir. En général quand tout va bien tout, le monde est convaincu que la bonne martingale a été trouvée. Donc on ne touche à rien. En revanche, quand la crise est là qui se répand partout, poisseuse et polluante comme une conduite de pétrole qui aurait pété, la pratique économique glisse, patauge et se casse la figure dans une fureur impuissante et des imprécations destructrices. Alors, tout le monde veut toucher à tout et du passé faire table rase.


« Un gouvernement économique européen doit s'aligner sur les Etats membres les plus rapides et les meilleurs, pas sur les plus faibles » a dit Angela Merkel dans des termes qui laissent quelque peu perplexes à un moment où le mot solidarité devrait être le maître mot de la pensée et de l’action politique et économique européenne.


Angela Merkel dit tout haut ce que beaucoup d’Allemands pensent tout bas. On l’a rappelé dans une précédent contribution (Reprise : L’Allemagne paiera ?) l’Allemagne a beaucoup donné. Ça va bien ! Cela suffit ! Ce qui fait que maintenant l’Allemagne veut voir avant de payer et même, si possible, ne plus payer pour les autres. 


L’Allemagne ne paiera plus !


Nous disions « L’Allemagne est un colosse aux pieds d’acier et de plomb. La capacité de la société allemande à lutter contre l’adversité, et d’abord contre elle-même, contre les miasmes du passé a été impressionnante. L’Allemagne de l’Ouest a aussi été capable de reprendre une entreprise délabrée, moralement effondrée, psychologiquement détériorée, qui se nommait Allemagne de l’Est. Elle l’a porté à bout de bras, en a assumé les conséquences sociales et culturelles, puis ensuite, a fait face aux conséquences inflationnistes et à une crise du chômage sans précédent. Grâce à sa capacité à vouloir, à agir et à s’adapter, l’Allemagne a conquis et maintenu, contre toutes les crises, sa place de premier exportateur mondial, de spécialiste de la haute qualité industrielle et de fournisseur de toutes les nations en voie d’industrialisation rapide ».

Se drapant dans la vertu du romain bâtisseur, les Allemands annoncent à l’Europe : « ce que nous avons fait dans les larmes et la douleur, vous devez pouvoir le faire. Nous avons sculpté à coups de scie et de marteau, par le feu et la force, cette Allemagne nouvelle que vous avez comme partenaire. Ne pensez surtout pas un instant que nous nous sommes faits mal et que nous avons souffert pour vous permettre à vous,  Européens, de vivre dans la facilité ! »


A ce titre et au service de cette belle et noble idée, les Allemands se déchainent dans la dénégation de l’Europe, de la monnaie Européenne et des idées.  C’est aussi que l’Europe a voulu passer d’une Communauté à une Union. Les Etats fondateurs de l’Union Européenne ont voulu une même maison avec un même toit, l’Euro. Auparavant, ils avaient, dans un grand mouvement de générosité européenne, voulu accueillir quelques ex-membres de l’Union Soviétique. Belle édifice brillant de mille feux d’enthousiasme et d’optimisme….mais personne l’entretien du bâtiment et la répartition des efforts ne fait pas l’unanimité. L’exemple de la Grèce est là pour montrer que lorsqu’on met les choses en commun, il faut qu’une même discipline inspire les actes, les projets et les ambitions des participants à cette communauté.


Sans discipline, pas de communauté qui tienne….


Tant que l’Europe n’a été qu’une simple communauté, les choses pouvaient aller leur rythme et chacun pouvait dans de larges limites cuire son fricot de son coté. Du jour où, pour parfaire l’Union et l’engager dans la voie d’un fédéralisme politique qui pourrait suivre l’unité économique, on a créé l’Euro, une boîte de Pandore a été ouverte.  La monnaie commune supposait une communauté d’esprit encore plus stricte que lorsqu’il ne s’agissait que de frontières, de dispositions concurrentielles, ou de circulation des personnes et des valeurs mobilières. La monnaie « Euro » mise en commun, c’était un pari d’une très grande audace. 


Les Allemands sont en train de nous dire que ce pari a été perdu. Mettre des choses essentielles comme l’Euro en commun ne pouvait pas créer une espèce de droit de tirage qui, progressivement, se donne des airs de droit acquis. Et pourtant, beaucoup en Europe « Euro », ont eu tendance à prélever sur le « commun ». Or, là est le problème que voient les Allemands ! Lorsque ce qui est mis en commun est utilisé sans vergogne par une majorité, il y a un fort risque qu’une minorité paie pour tout le monde.  C’est bien cela qui conduit Angela Merkel à faire de grandes déclarations en faveur de la sélection naturelle, sur les pays qui sont faibles et qui devraient laisser les manettes aux pays qui sont forts….


Ne pas payer ! Ne pas laisser les tricheurs gagner ! Ne pas laisser le citoyen allemand payer une deuxième fois, lui qui a fait des efforts considérables pour absorber la partie orientale et toute la collectivité de retardataires qui la composait, et qui, surtout, l’a fait tout seul, sans demander rien à personne. Les autres retardataires, les grecs et peut-être un peu plus tard les portugais, et les espagnols….les français ?, n’ont qu’à se débrouiller.


Quelles solutions pour les plus faibles ?


Des prêts à la Grèce pour lui permettre de régler des problèmes de trésorerie ? bien sûr que ce serait une bonne solution. A chacun selon ses besoins. De chacun qui irait de sa poche selon ses capacités ou une clé de répartition prédéfinie. On créerait des sortes de droits de tirage au profit de la Grèce ouverts auprès de chaque institution monétaire de la zone euro. Voilà qui fleurerait bon l’Europe au sens communauté du terme ?


Si on veut pousser un peu plus loin, entre les prêts consentis par les états membres de l’Euroland et un Fonds Monétaire Européen, il n’y a qu’un pas. On peut esquisser même que les prêts consentis par les états individuellement annonceraient ce Fonds et en seraient la première étape historique.  La suivante résulterait de la simple remise au Fonds des droits de tirage déjà consentis. Leur gestion serait ainsi entourée d’une plus grande neutralité et même éthique. La garantie d’une entité indépendante serait un de ces pas symboliques et forts vers, non pas un plus, mais un mieux d’Europe.


La différence ? Le Fonds pourrait se voir autoriser par les membres de l’Euroland à aller chercher ses sources de financement ailleurs que dans l’Euro, c'est-à-dire en dollar, yuan et peut-être, en monnaie chinoise…. Il pourrait mener une politique de conseil, de soutien et de renflouement adressée aux pays de la zone. Les esprits chagrins diront qu’ indépendance et de financement et d’action du Fonds, s’il était laissé entre les mains des faibles, pourraient aussi servir à couvrir des politiques non vertueuses, qui ne mettraient pas l’accent, selon les standards allemands, sur l’effort, la sévérité fiscale et l’obligation religieuse de respecter les grands principes d’équilibre budgétaire.

Dans l’esprit et les réflexions de quelques hommes politiques allemands, il ya déjà, avec l’Euro et la mise en commun d’un droit de battre une monnaie payable par tout le monde, y compris les pays vertueux, beaucoup trop de laisser aller, beaucoup trop de laxisme et pas assez de bonne gouvernance de la monnaie et des budgets.  On y imagine bien dans ces conditions que les deux formules, droit de tirage ouverts par chacun des membres « Euro » de l’Union Européenne et Fonds Monétaire Européen sont inacceptables puisque rien ne garantirait que le laxisme du « bénéficiaire » serait puni. Rien ne garantirait non plus que soient imposées de vraies mesures d’austérité et de redressement. Des mesures qui ressembleraient à ce que l’Allemagne s’est infligée à elle-même pendant les dernières années pour redresser la barre.


Si ces formules là ne sont pas possibles, il faut trouver autre chose. La Grèce dans l’état où elle se trouve et après toutes les dégradations d’agences de notation, toutes les prises de position contradictoires sur l’aide qui pourrait ou ne devrait pas lui être apportée, risque d’avoir les plus grandes difficultés pour  refinancer sa dette publique et faire face à ses échéances prochaines.


Les Allemands, certains d’entre eux, qui ne manquent pas d’imagination en ce moment proclament qu’il faut tout bêtement que la Grèce sorte de l’Euro et revienne vers  une « nouvelle Drachme ». Un peu plus tard, mais vraiment un peu plus tard quand leur économie et leur budget se seront assainis, on pourra envisager de réintroduire les Grecs dans le concert de l’Euro. Cette version est souvent présentée comme le comble de l’absurdité. Les dettes de la Grèce et de la plupart des entreprises voire des particuliers étant exprimées en Euro, la sortie de la Grèce de l’Euro pour une drachme nouvelle et dévaluée par rapport à l’Euro conduirait à étrangler encore davantage ce pays.

L’autre version proposée par quelques créatifs allemands de la pensée monétaire européenne est que les Grecs devraient  se mettre en cessation de paiement! Ils n’ont qu’à ne plus payer et puis, ensuite, dieu reconnaitra les siens. C’est une autre formulation de la sortie de l’Euro. Si le trésor Grec annonce qu’il ne peut plus payer ses dettes, s’il ne trouve donc plus de préteurs, alors cela revient exactement à dire que la Grèce, ne pouvant assumer ses dettes en Euro, comme les autres dans les différentes devises mondiales,  est sortie de l’Euro.


Et si l’Allemagne sortait de l’Euro ?


Passons sur la formule FMI qui semble séduire quelques personnages politiques allemands. C’est la formule la plus anodine possible, si ce n’est qu’à ce rythme là, on verra bientôt intervenir le FMI pour aider la Sicile, la Wallonie, et toutes les zones qui ayant souffert de la sur présence d’un centre économique dominant ont du mal à trouver les sources de financement destinées à des programmes de redressement, de désenclavement et surtout d’autonomie.  Passons aussi sur les formules « rigolotes », quoiqu’à deux doigts de l’injurieux et de l’obscène : la Grèce n’a qu’à vendre quelques îles…on ne s’étendra pas.


Il reste une formule dont personne ne parle et qui, pourtant, devrait satisfaire tout le monde et permettre surtout de limiter les effets d’entraînement vers les autres pays malades de leurs finances publiques en Europe et qu’on a cité un peu plus haut : l’Allemagne décide de quitter l’Euro !


Çà c’est une idée qu’on n’a pas encore entendue et, on le comprend bien, c’est une idée explosive ! Pourtant, comme on l’a dit en exergue, c’est dans les moments difficiles que créativité et progrès se rencontrent afin qu’émergent les temps nouveaux. Reprenons ! L’Allemagne sortirait de l’Euro. L’absurdité qu’on avait décrite dans le cas d’une sortie de la Grèce ne se retrouverait pas ici. Tous les agents qui détenaient des balances en Euro réagiraient en les cédant contre DM car la devise européenne privée d’une partie majeure de son sous-jacent économique perdrait nécessairement de la valeur réduisant de ce fait le poids relatif des dettes en Euro. Dans le sens inverse, le DM reflétant un modèle économique vertueux et pur appuyé sur une balance commerciale largement excédentaire devrait voir sa valeur progresser considérablement. En conséquence, les entreprises allemandes, ainsi que les ménages et les collectivités publiques allemands endettées en Euro verraient le coût de leur endettement réduit et le poids du capital s’alléger. C’est exactement l’inverse d’un pays « faible » qui sortirait de l’Euro.


Dans ces conditions les problèmes de la Grèce seraient largement réglés aux dépens de détenteurs de créances en Euro ! Au surplus, la réévaluation du DM par rapport à l’Euro rendrait à nouveau beaucoup plus attrayant le prix des prestations de service touristiques grecques, les remettant, peut-être au même niveau que les turques…. Les esprits chagrins diront que ce serait quand même écraser une puce avec un marteau pilon ! Il est vrai, si les choses sont vues avec le mauvais bout de la lorgnette que c’est le prototype de la fausse bonne idée, et que s’il ne s’agissait que de la question grecque, ce serait une proposition bizarre ! Mais on a bien dit, et il semble que cela soit de plus en plus vrai, que le problème grec c’est le problème portugais dans quelques mois, peut-être même le problème de l’Irlande, celui de l’Espagne….n’a-t-on pas entendu l’Agence de Notation Fitch annoncer que, si on la retenait pas, ce mouvement de dégradation pourrait bien concerner aussi la France (avec la Grande Bretagne, il est vrai…mais on s’en moque car cette dernière n’est pas dans l’euro).


Faire sortir l’Allemagne de l’Euro, permettrait donc de résoudre en un clin d’œil les problèmes que la puissance et la santé retrouvée de l’Allemagne commencent à poser à l’Union européenne. La mise en œuvre d’une politique de désinflation agressive, par diminution des salaires, augmentation de la durée du travail, allongement du nombre d’années de cotisation pour accéder à la retraite, quand les autres membres de l’Union ne procédait pas dans le même sens, a conduit à une dévaluation de fait en Allemagne. Cette dévaluation sous forme de salaires abaissés en pouvoir d’achat, d’entreprises subissant moins de prélèvement et contenant leurs prix, voire les baissant, a été protégée, par l’Euro contre les effets les plus néfastes de toute dévaluation…. en particulier, sur les importations allemandes et, plus spécialement, les importations d’énergie.


D’une certaine façon l’énoncé de cette solution présente une forte similarité avec celui de la situation chinoise.  Les deux pays ont pratiqué une politique de devise sous-évaluée (la Chine), de désinflation compétitive (l’Allemagne). Les deux pays sont massivement exportateurs et accumulent des réserves considérables (Chine), de plus en plus importantes (Allemagne). Ils sont tous les deux accusés de porter atteinte à l’équilibre monétaire et financier international….et mis sous pression pour rectifier leur position.


l’Euro sans les Allemands, ou les Allemands sans l’Euro ?


Que resterait-il dans ces conditions ? Une zone monétaire un peu vasouillarde mélange de petits pays au nord qui se disent efficaces et quasi allemands, et de pays moins petits, mais qui sont du Sud ou pas loin, tous aussi importateurs les uns que les autres, aucun n’osant pas mener des politiques d’austérité sévère. L’euro serait une monnaie de seconde zone, un dollar en pire comparé au DM et au Renminbi. Les pays de l’Euro se retrouveraient cependant avec un marché considérable, le marché allemand, ouvert dans des conditions beaucoup plus sympathiques. Les Allemands eux-mêmes enrichis d’un seul coup par la réévaluation du DM nouveau, pourraient se lancer dans une fringale de consommation. Le coup de fouet économique dont Christine Lagarde regrette tant qu’il soit retenu, claquerait haut et fort. La monnaie Euro, se dépréciant vis-à-vis du dollar, du Renminbi, voire de la livre sterling, les pays de l’Euroland pourraient rééquilibrer leurs balances commerciales et s’engager sereinement dans une politique de restructuration de leurs finances publiques….


Et l’Allemagne dans ces conditions ? L’effondrement de sa démographie ne serait plus un problème, l’écrasante population de retraités dont elle se peuple progressivement verrait ses régimes de retraite refinancés grâce à un DM boosté. L’importation massive de Kurdes et de Turcs payés pas cher compenserait la diminution dramatique de la population allemande en âge de travailler et contribuerait à maintenir la structure des coûts des entreprises  pour que continue à tourner la machine à exporter qu’est devenu ce beau pays.

CQFD .

 

Revenir aux origines de la monnaie pour penser l’Euro

 

 

On voit bien qu'il faut être à l'aise avec une monnaie faute de quoi, le commerce et l'industrie hésitent et le consommateur retient son billet dans sa poche. Les Irlandais, les Portugais... et les Grecs aussi, avaient vu dans l'euro un vrai monde d'opportunités. Maintenant, pour ces pays, l'euro n'est plus l'ouverture vers le vaste monde. C'est devenu une charge.

 

Comment peut-on vouloir être à la fois universel et particulier, être dans le monde et demeurer dans sa coquille, participer aux grands courants et rester à l'ancre dans les eaux tranquilles d'une baie, bien à l'écart ? C'est bien ici que le débat se noue.

 

Monnaies locales et monnaies globales

 

Et si on faisait preuve d’imagination ? Prenons un exemple : dans la région parisienne les prix de l'immobilier menacent d'exploser. Entre autres raisons, il y a le flux incessant d'investisseurs étrangers qui déversent leurs euros sur le marché.  Si la région parisienne avait sa monnaie, on va dire le Parisis, convertible en Euro et rien qu'en euro.  Et si les transactions dans l'immobilier n'étaient recevables qu'en Parisis, les étrangers seraient obligés d'acheter du Parisis contre Euro. Ils feraient monter les cours du Parisis et l'immobilier parisien leur serait plus coûteux. Mais les prix, exprimés en Parisis demeureraient inchangés. Pour les franciliens l'euro ne serait pas à l'origine de l'explosion des prix. Au surplus, leur pouvoir d'achat à l'égard des autres régions se renforcerait.

 

Imaginons la Catalogne dont le désir d'indépendance est actuellement si fort. Dotons-la d'une monnaie à elle, riche comme elle est, laissons cette monnaie monter contre euro. Les Catalans n'auraient plus à se plaindre d'être la poche profonde de l'Espagne puisqu'en s'appréciant, leur monnaie renforcerait leur pouvoir d'achat à l'extérieur de la Catalogne. Cerise sur le gâteau, ils seraient protégés contre l'inflation, payant moins cher leurs achats à l'extérieur du pays catalan.

 

Dans cette fable, qui se développe toute seule, en toute logique, remarquons que pas un instant n'a été évoquée l'idée que l'euro pourrait être abandonné !

 

Pourquoi rompre avec le concept même de l'Euro ? C'est inutile ! L'Euro, qui est fort, va bien avec les forts. Laissons-le-leur. Au surplus, cela fait bien longtemps que l'Euro est la monnaie dans laquelle les banques aiment se parler, échanger, spéculer.

 

En revanche, l'euro ne peut pas être pour les européens le risque d'être laminés et transformés en un Européen, conceptuel, abstrait et désincarné. La France sait ce que c'est que de transformer des provinciaux aux parlers nombreux et chaleureux en Français conceptuels au parler pointu.

 

Une monnaie pour la Catalogne ne veut pas dire que l'euro n'existe plus mais l'euro est-il nécessaire là où les transactions sont purement domestiques. Il est même arrivé qu'une monnaie, sous un même nom cache deux taux de conversion en une troisième. C'était le cas du dollar au milieu du XIXème siècle : émis par une banque de l'Ouest, il ne pesait pas le même poids d'or que lorsqu'il était émis par une banque de l'Est.

 

Aux sources de la monnaie : la liberté d'émission

 

Nous devrions sûrement essayer de penser la monnaie autrement que sous la forme surrationnelle, newtonienne et cartésienne qui nous a saisie depuis près de 200 ans. Notre vision de la monnaie fait penser à l'art de la tragédie à la Française ! Les fameuses trois unités deviennent, « une, garantie, intangible ». Ne la jetons pas au panier tout de suite cette forme mais retournons aux sources de la monnaie. Aux temps des Lydiens, des Grecs et des Perses par exemple, au temps d'Aristote, celui des inventeurs et de la monnaie et de la pensée sur la monnaie.

 

On insiste trop à mon avis sur les trois fonctions « aristotéliciennes » de la monnaie (encore trois !) et pas assez à ce qu'Aristote avait pensé des réformes de Solon. Celles-ci portaient dans le même temps et le même esprit, sur les poids, les mesures et la monnaie. Elles faisaient partie d'un ensemble relatif à l'organisation de la cité et de la manifestation de sa capacité à se penser : le nomos. Dans l'univers grec, « Autonomos » caractérisait l'aptitude d'une cité à décider pour elle-même quel que soit son statut vis-à-vis d'un grand ensemble politique. Ajoutons que Nomos, la loi, et Nomisma, la monnaie avaient la même racine. Qui plus est : drachme, nom de la principale et plus connue des unités monétaires en usage à Athènes, était aussi le nom d'une unité de mesure. (la confusion sémantique entre mesure de poids et monnaie est très fréquente au moins dans les sociétés occidentales).

 

La fonction monétaire selon les auteurs de cette époque est régalienne : il appartient au Roi, d'émettre la monnaie en fonction des besoins. Or, tant dans l'empire Perse que dans l'Empire Athénien (la ligue de Délos) le centre du pouvoir, (le grand Roi, Athènes) ne s'attribue en aucune façon le monopole de l'émission. Sous réserve du respect des caractéristiques de leurs propres émission : coins, poids, teneur en métal, représentations et symboles, les entités politiques « inférieures » (soumises, tributaires, alliées etc) se voient reconnaître une autonomie réelle d'émission et sont autorisées, en cas de besoin à émettre en or, argent ou électrum, voire en bronze.

Ce retour à l'antique est utile pour décaper quelques idées reçues sur la monnaie, son émission et son statut. Un des arguments relevés par les auteurs (grecs pour la plupart) en faveur de cette « autonomos » intérieure des cités, tenait à « la fierté », à la valeur de messages de l'émission monétaire, tout autant qu'à son utilité commerciale ou fiscale. Le message portait sur l'ordre physique et politique du monde. Poids, mesures, monnaies et sur ceux qui pouvaient, à leurs places, y contribuer.

 

Au centre l'Euro, à la périphérie...

 

L'Euro, en tant que monnaie unique et universelle pour tous et pour tout n'aurait pas été compris par nos grands anciens (dont il faut rappeler encore une fois qu'ils ont inventé la monnaie). Pour un Perse, la monnaie de Darius ne pouvait servir que dans un rapport royal : paiements des dépenses royales (armée, dieux, cocontractant impériaux) et des recettes royales (paiement des impôts, taxes, tributs de la part des entités politiques soumises). Le reste, relevait d'unités politiques décentralisées, voire de corporations religieuses ou civiles.

 

Il est temps de proposer : La liberté est à Europe ce que la beauté est à Venus.

 

Il y aurait ceux qui décideraient d'être « Euro », du haut en bas, petits et grands, entreprises et pouvoirs publics. A leurs risques et périls mais aussi à leurs bénéfices, car chez eux se trouveraient nécessairement les grandes banques, les grands marchés financiers, les grandes compagnies d'assurance, l'ouverture vers le vaste monde.... etc.

 

Il y aurait ceux, qui auraient envie, pour longtemps ou pour un petit bout de temps, d'être entre eux. Ceux qui veulent se protéger contre les grands vents qui balayent la planète. Ceux-là pourraient décider de prendre une monnaie pour eux, locale, uniquement convertible en Euro.

 

 

Pour éviter des gredineries ou des palinodies, il y aurait des critères et des tailles critiques ; des projets et des ambitions ; le souverain et ses grands serviteurs resteraient avec l'Euro. Ailleurs les monnaies locales protégeraient contre les dangers du Global. Il y aurait une prudence à toujours garder à l'esprit : « trop de monnaies, tue la monnaie ».

Euro unique ou Euro pluriel : penser l’Euro alternatif (deuxième Partie)


On trouve l’article initial en suivant ce lien.


On a montré que rien ne peut empêcher qu’une monnaie fiduciaire puisse ne pas être à parité avec une monnaie scripturale. On a montré que dans l’esprit de personnalités incontournables de la vie monétaire de la zone Euro, la monnaie produite dans une partie de cette zone pouvait n’avoir pas la même qualité, donc la même valeur que celle produite dans une autre partie.


Deuxième partie : l’Euro pluriel contre l’Euro inique


Admettre comme des évidences ces altérations au principe fondamental que l’Euro est un et unique, c’est admettre qu’il est concevable de faire vivre plusieurs sous-monnaies, ou « alter-monnaie » dans une même zone monétaire.


L’Euro, une valeur variable suivant les pays de la zone


Les raisons sont souvent raisonnables mais en économie le raisonnable ressemble fort aux bonnes intentions… on donnera pour dernier exemple de cette irrationalité apparente du « raisonnable » la question des réserves de change en Euro. Les banques centrales « hors Euro » disposent de réserves libellées en Euro pour approvisionner les circuits financiers et commerciaux entre leur pays et les pays de ladite Zone. Elles les détiennent sous formes d’actifs, obligations privées, dettes souveraines etc… or la zone Euro est composite  et les actifs, obligations, dettes souveraines ne sont pas considérées de la même façon d’un pays membre de la zone à un autre, ne serait-ce qu’en raison des opinions variables des agences de notation. On ne s’étonnera donc pas que les actifs « Allemands » soient plus recherchés du point de vue de la sécurité que les actifs espagnols ou portugais. Allons directement au résultat : les réserves de change des pays « hors zone » sont constituées majoritairement d’actifs « allemands », qu’il s’agisse de créances sur des entités publiques ou privées allemandes: il faut comprendre que dans ces conditions, une créance sur un Allemand vaut mieux qu’une créance sur un « sudiste ».


Donc, on retrouve bien « la plaisanterie » commentée plus haut : l’Euro vaut plus quand il est appuyé sur un sous-jacent allemand que portugais… la plaisanterie a une portée singulière : une créance émise ce sont des financements reçus par le débiteur. Donc, quantitativement, les Allemands sont mieux servis que les autres pays de la zone Euro. Il ne faut pas, dans ces conditions, s’étonner que les taux d’intérêts payés par les débiteurs allemands soient les plus faibles de la zone et deviennent parfois « négatifs ». Le sémillant Jens Weidmann ne disait pas autre chose lorsqu’il s’opposait à l’achat de créances espagnoles par la BCE dans le cadre d’un futur QE : en procédant de la sorte, elle se serait transformée en « bad bank » !


Les crédits font les dépôts c’est-à-dire la monnaie, les mauvaises créances sont de la mauvais monnaie : Jens Weidmann exhortait donc la BCE à ne pas fabriquer de la mauvaise monnaie en refinançant les mauvaises créances que sont par nature les créances sur des agents économiques privés ou publics espagnols, italiens, portugais… et peut-être français. On doit en conclure que la monnaie Euro n’a donc pas cette homogénéité, ni cette transparence (celle du voile ?) qu’on peut espérer d’une monnaie unique, il y aurait, comme dans l’espace, des irrégularités, des déformations et quelques anomalies gravitationnelles. Est-ce bien original ? Il faudrait se souvenir que le dollar, jusqu’au jour où la FED fût inventée et probablement quelques dizaines d’années après qu’elle fût installée, avait une valeur différente selon qu’il avait été émis par telle ou telle banque au sein des Etats-Unis !


Et si la BCE émettait des Euros de valeur différente…


Allons jusqu’au bout du raisonnement. Si les variations de valeur entre Euro de différentes nationalités, quelles qu’infimes qu’elles soient, sont dans la bouche du Président de la Bundesbank d’une aussi parfaite évidence  et si on voit bien que les agents économiques sont capables d’admettre la réalité d’incongruités telles que nous les avons montrées plus haut, ne faut-il pas alors accepter cette réalité « têtue » et, laissant de côté, les principes chers aux monétaristes et aux théoriciens des zones monétaires optimales en tirer un atout pour la politique monétaire de la BCE ?

Dans ces conditions, la façon d’intervenir de la BCE dans le contexte accepté d’un Quantitative easing à l’Européenne peut et doit être enrichie. On quitterait alors une version « géométrique » où les émissions d’argent frais, contrepartie du rachat de créances de bonne qualité, se feraient à raison de la participation de chaque Etat dans le capital de la BCE. L’injection d’argent dans cette version serait plus forte (en terme de quantité) pour la France que pour les Pays-Bas.

L’enrichissement apporté par l’Europe au QE Européen tiendrait à ce que les attributions de fonds seraient prioritaires en faveur des pays les plus à la peine. Deux façons de traiter la question seraient imaginables : on commencerait d’abord par ces derniers et les plus « riches » ne suivraient que quelques mois après ; les apports de la BCE n’auraient pas de rapport strict avec le taux de participation à son capital. Les Allemands redoutent par-dessus tout l’inflation ? Retarder l’accès aux financements des plus grands pays réduirait ce risque,  leurs économies seraient stimulées via celles de leurs partenaires.

Ou bien, l’inflation, cette hydre qu’il faut combattre serait cantonnée de façon encore plus stricte, mais aussi plus originale, en inventant des Euros à vocation nationale. Une version moderne et Européenne des « greenbacks » américains dont a vu que leurs valeurs d’échange, entre eux et avec des marchandises ne se faisait pas nécessairement au pair. D’aucuns y voient une hérésie supplémentaire toutes ayant pour origine une erreur conceptuelle sur le statut de la monnaie. D’autres, voudraient profiter de cette révolution de la pensée monétaire et en appelle à la création de monnaies alternatives en faveur des pays les plus menacés de la zone Euro.


Des monnaies alternatives pour assouplir l’Euro


Dans un article maintenant ancien j’avais proposé une réflexion sur le thème « monnaie unique, monnaie inique » : l’invention de l’Euro, magnifique projet politique, poussant les portes de l’économie au risque d’en casser les chambranles, avait fait l’impasse sur des considérations « d’économie de cuisine ». Celle qui appelle à mettre la main à la pâte et à casser les œufs de l’omelette. Quand l’Euros émerge le monde venait de voir triompher les idées libérales. La monnaie n’était plus définitivement qu’un voile, utile, mais il ne fallait pas en faire un alpha et un omega. Libéraliser était le maître-mot, les marchés en étaient le moyen, l’adaptation serait naturelle pourvu qu’on fasse tomber les barrières et qu’on n’en érige pas de nouvelles, les monnaies qu’on manipule par exemple. La monnaie unique ne pouvait pas être inique dans ces conditions-là : au contraire, l’unité aurait pour conséquence l’abandon des facilités qui se nommaient encore à cette époque, dévaluation, contrôle des changes, nationalisation des banques et de la création monétaire, centralisation des décisions économiques. Libéralisant le fonctionnement des marchés bancaires et financiers, il fut accepté comme allant de soi depuis toujours que la monnaie était une chose trop sérieuse pour la laisser entre les mains des Etats : les banques s’en chargeraient.


La crise de 2008 a remis de l’ordre dans la pensée économique et surtout dans la pratique. Aussi, puisqu’on remet de l’ordre partout, peut-on se sentir autorisé à réfléchir l’Euro sous de nouveaux angles. Les façons jusqu’ici évoquées sont plus des accommodements, comme les sauces qui varient sans qu’on touche à la nature du plat de viande.


Pourquoi ne pas penser que l’Euro unique est justement inique et impose les mêmes contraintes à ceux qui sont faibles comme à ceux qui sont forts ? Et s’il en est ainsi, de quelle nature serait l’ouverture de l’Euro ? Il faut sûrement être imaginatif et non conformiste pour penser la monnaie de l’Europe comme une « monnaie plurielle ». Peut-on imaginer un « Euro grec » ? Ce serait un Euro échangeable partout en Europe sans garantie de parité avec « l’Euro-Euro » ! Dans une économie à base de monnaie fiduciaire, c’est facile : il suffit de changer la couleur des billets, l’Euro « grec », gagé par conséquent sur des émetteurs grecs et l’économie grecque avec tous ses défauts et ses dettes, se verrait ipso facto dévalué…


Mais les temps modernes ne sont pas à la monnaie fiduciaire ! Peu importe ! Les systèmes informatiques sont maintenant capables de gérer des données complexes pour des millions d’opérations et des millions d’agents par minute, par seconde. Ainsi ne serait-il pas absurde que circulent monnaies de compte en « Euro-Euro » et des monnaies de compte en « Euro-grec ». Via la Banque Centrale Grecque, la BCE définirait les droits de tirages des banques grecs en « Euro-Euro », leur laissant toute liberté, en cas d’amélioration des données économiques grecques, de racheter la monnaie de compte en « Euro-grec » quitter à la rapprocher de la parité, et, dans ce cas, ménager un retour en douceur vers la monnaie «Euro-Euro ». Ou au contraire, elle laisserait les banques grecques créer des créances en « Euro-grec » au risque de détériorer la conversion « Euro-Euro » et « Euro-grec » et de provoquer une dévalorisation interne de cette dernière, c’est-à-dire une dévaluation « de facto ».


Rêveries, impossibilités ? On peut légitimement se demander pourquoi on accepte les propos du grand-prêtre Weidmann et les interdits qu’il lance sur les créances des pays « misérables du sud de la zone Euro » introduisant par là-même l’idée qu’il y a du bon Euro et du mauvais Euro ! On peut se demander pourquoi, si on accepte comme vérité d’évidence cette curieuse distinction, on s’interdirait de la retourner et d’en user au mieux des intérêts de l’Europe.


En matière d’économie, qui n’a rien d’une science comme chacun sait, on a vite fait de s’installer dans le dogmatisme, idéologie des conformistes passés par l’enseignement supérieure et les grandes universités. Il est temps de revisiter le concept « Euro », pour en faire un instrument au service des peuples Européens et non un bois de justice pour châtier les gouvernements non-conformes.

La crise des billets de Banque. 2ème partie. L’épidémie européenne.



Le cas Grec est riche d’enseignement car on a pu expérimenter. Pas de Science digne de ce Nom, sans expérimentation. En sciences économique, science humaine par excellence l’expérimentation est un évènement rarissime. Grâce aux Grecs, il a été possible de mettre en valeur des absurdités que la philosophie traditionnelle ne manquera pas de réprouver : une chose peut-être tout et son contraire en même temps : en effet, on a montré que l’Euro pouvait avoir une valeur différente selon qu’il était scriptural ou fiduciaire (on n’a pas voulu pousser l’expérience trop loin en introduisant l’euro divisionnaire dans l’expérience, soit sous sa forme d’usage courant, en métal vulgaire, soit sous sa forme métallique noble, or ou argent).


Absurde ? Vous avez dit absurde ?


Mais aussi, au sein des absurdités, on a glissé l’émergence de celle-ci : «  les billets « X » (allemands) émis par les Grecs perdirent une bonne partie de leur valeur contre les autres billets y compris contre  les billets « Y » (grecs) »! Donc, dans le système euro, des situations du type, « un euro fiduciaire ne vaut pas un euro fiduciaire », sont possibles ! Ce n’est pas une absurdité. C’est la conséquence d’un point technique qui est rarement mis en valeur : les billets en euro sont marqués d'une lettre identifiant la banque centrale émettrice....par conséquent, il est faux de dire qu’un billet « euro » vaut un billet « euro ». Il serait vrai de dire que, dans les conditions habituelles, un billet euro « X » vaut la même valeur faciale qu’un billet euro « Y ». Dans des conditions particulières, cela peut être inexact, ou dans des proportions infinitésimales, ou durant des laps de temps très courts (voir la précédente contribution sur la crise du billet de banque).


L’absurde en économie comme dans les Sciences exactes n’émerge pas pour le plaisir de tromper. C’est le signe que ce qui était habituel et normal vacille. C’est un moment où la pensée est challengée. Rappelons que pour Newton, la pomme qui tombe est la manifestation d’une vérité absolue : la force gravitationnelle. Pour Einstein, c’est un cas particulier d’un problème général. En d’autres termes, la pomme pourrait ne pas tomber vers la terre… et même en être expulsée. Il faut garder ce point en tête: l’émergence des situations absurdes est le signe qu’il faut changer la façon de penser la nature ou la société.

Pour revenir sur une situation absurde : Un euro « X » peut ne pas valoir un euro lorsqu’il est exprimé en « Y ».  Les marques « X » et « Y » peuvent conduire à des attitudes discriminatoires.


La Course au billet de Marque.

Imaginons qu'un "bank runner" distrait et peu au fait de l’actualité ait bourré son matelas de billets marqués "V" (Espagne) ou pire "Y"(Grèce), il est, si on prend au sérieux cette discrimination potentielle, en  risque de perdre plus de 30%. Imaginons maintenant que notre distrait ait pris connaissance des évolutions récentes et des absurdités de la Zone euro : il est évident qu’il va prendre les mesures qui s’imposent.


S’il convertit la monnaie scripturale dont il dispose en monnaie fiduciaire, c’est par peur des faillites bancaires. La dislocation redoutée de la Zone euro ce sont des banques qui risquent de ne pas pouvoir rendre les dépôts. Mais au stade de réflexion qui est le sien, notre « ancien distrait », a acquis une information précieuse : tous les euros fiduciaires ne se valent pas et, par exemple, les Euros « Y » pourraient bien ne rien valoir. Il doit donc déployer une stratégie précise : quittant la monnaie scripturale affaiblie, il doit atterrir dans une monnaie fiduciaire « solide ».


Faut-il qu’il se précipite sur les Billets "X" (allemands) ? Ce serait recommandé. Cependant, à se comporter ainsi, le risque n’est-il pas, si les distraits sont légions,  de faire monter leurs cours ? De fait, le volume de la demande de billets « X » se traduirait par une rareté (or « ce qui est rare est cher » voir la précédente contribution)  laquelle conduirait à une modification du niveau des prix. Ainsi, un billet "U" (français) ne s'échangerait plus à parité contre un Billet "X" mais avec une décote de 5% ou pire. Un euro ne vaudrait pas nécessairement un euro. Ce qu’on avait observé entre monnaie scripturale et monnaie fiduciaire en raison de l’insuffisance de papier-monnaie, on le retrouverait à l’intérieur même de la monnaie « fiduciaire ». C’est l’équivalent d’un tsunami ou de l’explosion d’une bombe atomique pour un système bancaire et monétaire européen !


Un euro ne vaut pas un euro


Continuons à imaginer. La conséquence immédiate de cette situation serait la suivante : les porteurs de billets menacés "V", "Y" et même "U" (France), se rueraient (Bank notes run) vers les billets "X", les poussant ainsi à la hausse.


Il faut s’interrompre un instant à cet endroit car les contradicteurs pourraient dénoncer une parodie de raisonnement économique ou un détournement abusif des mécanismes fondamentaux de la théorie des marchés.


Pourtant, si on fait le tour des mécanismes fondamentaux qui pataugent, il existe bien des taux d’intérêts négatifs ! Ça, c’est une absurdité pour la théorie économique classique ! Un taux négatif ne peut pas, en principe, survenir. Les courbes d’offre et de demande ne peuvent pas se croiser en territoire négatifs.  Ou bien, la situation est celle d’une hypothèse incroyable : les courbes d’offre et de demande de monnaie ne se rencontrent pas ! Les demandeurs ne demandent rien et même rendent la monnaie pendant que les offreurs n’offrent rien et conserve leur monnaie dans des bas de laine ou se moquent de savoir si leur argent sera rémunéré. Ils acceptent même l’idée de payer pour mettre leur argent quelque part.  On dira que « ce n’est pas possible. Cela n’existe pas ! » Et pourtant, le trésor allemand a négocié des intérêts négatifs pour quelques emprunts dans les derniers mois de 2011 et, plus récemment, des intérêts « Zéro » pour des emprunts à 5 ans !


Explosion ou révolution des idées.


On l’a signalé plus haut, l’absurde est possible en économie et les démonstrations sur la parité de conversion des billets en euros entre eux, tout en paraissant absurdes, sont de l’ordre de la réalité économique non augmentée : dans une période de trouble monétaire en zone Euro, la seule certitude résidant dans la force de la Bundesbank, la demande de créances sur cette dernière , les billets « X », pourrait exploser.

On devrait y voir tous les signes préludant à l’explosion de la Zone. Certains, les plus fortunés, se précipiteraient sur les emprunts du trésor allemand, faisant plonger les taux d’intérêts dans le rouge.  Il y aurait aussi tous ceux qui empliraient leurs portefeuilles de titres de sociétés allemandes poussant la bourse allemande vers des valeurs sans commune mesure avec le potentiel des entreprises. Ils se précipiteraient vers les obligations privées allemandes, les taux deviendraient progressivement négatifs. Il y aurait ceux moins confiants dans les valeurs mobilières ou ne disposant pas d’une épargne suffisante pour se porter en Bourse, qui achèteraient des billets « X », convaincus que  ceux-là,  et seulement eux, seront échangés contre un nouveau « Mark ».


On dessine ici les contours d’une sorte de cataclysme où tout ce qui se ressemblait se brise en morceaux multiples, où tout ce qui paraissait unique et commun est renvoyé au rang de pièces détachées et éparpillées d’un mécanisme compliqué qui se serait brutalement grippé ?

Pourtant on a dit plus haut que les situations absurdes sont celles ou un état de la pensée est challengé, un moment où il faut réviser les idées habituelles et courantes. Pourrait-on voir dans ces événements absurdes quelques choses positives ? N’y aurait-il pas là un système qui se mettrait en place, subrepticement, sans qu’on s’en rende compte.  L’économie est une activité humaine, la monnaie un instrument fort utile dans la vie des sociétés.  Les moyens de l’économie et des échanges n’attendent pas toujours qu’on les ait pensés pour germer, pour se développer et se substituer aux vielles techniques? Un peu plus tard viendront de nouvelles formulations théoriques.


Il faut y penser sérieusement : l’Europe mérite mieux qu’une succession d’absurdités.

 

La Crise du Billet de Banque. 3ème partie. Sortir de la Crise en libérant les Billets.


Dans les deux textes qui précèdent sur la « crise du billet de Banque » (le cas grec par où tout a commencé et l’épidémie européenne) on a montre le déploiement d’une fissuration monétaire où tout ce qui devait être identique se brise en morceaux multiples, où tout ce qui paraissait unique et commun est renvoyé au rang des pièces éparpillées d’un mécanisme compliqué qui se serait brutalement grippé ?


Il est temps de repenser la monnaie. Unique, ne serait-elle pas inique ?


Si on admet cette hérésie économique et cette absurdité logique « un euro n’est pas égal à un euro », doit-on pour autant, frappé de stupeur, s’assoir, contempler le monde et se sentir impuissant.  Ou peut-on, dans cette débâcle des certitudes, s’accrocher à quelques lambeaux de logique, à des fétus de raisonnement et regagner au moins la rive.


En achevant la contribution sur l’Europe, on a esquissé que les situations absurdes sont celles où un état de la pensée est challengé, un moment où il faut réviser les idées habituelles et courantes. Pourrait-on voir dans ces évènements absurdes quelques choses positives ? N’y aurait-il pas là un système qui se mettrait en place, subrepticement, sans qu’on s’en rende compte.  Ne devrait-on pas considérer au-delà des théories et des logiques prétendues, que l’économie est une activité humaine, très humaine. Ne  devrait-on pas être lucide et observer que la monnaie, instrument incontournable de la vie des sociétés, n’attend pas qu’on l’ait pensée pour émerger, pour se développer et se substituer aux vielles idées que  protègent pour leur  propre survie, les universités et les experts ? Il faut y penser sérieusement: l’Europe mérite mieux qu’une succession d’absurdités.


 Lançons un pavé dans la marre : un billet fiduciaire d’un euro vaut plus ou moins un euro contre un autre billet fiduciaire d’un euro selon que sa marque est glorieuse ou piteuse. Après tout quelle originalité y-a-t-il là ? Une Mercedes vaudra toujours, dans beaucoup d’esprit, plus cher qu’une Renault dans les mêmes catégories, les mêmes cylindrées, les mêmes cuirs Connolly et GPS japonais ou turcs. Ce sont bien deux voitures, dont on peut dire qu’une voiture «  X » (marque allemande) vaut plus qu’une voiture « U » (marque française). Et les sacs ? Les sacs de ce grand fabricant français tout particulièrement dont la copie est tout aussi pourchassée que les faux billets « X » admirablement imités.


La multiplicité des Billets en Euro : un excellent moyen de relance des économies européennes.

Pour ne pas entretenir un mauvais suspens, indiquons maintenant que les avantages seraient beaucoup plus importants que les tenants de l’orthodoxie sont prêts à l’imaginer. (Nous sommes toujours dans une histoire de Monnaie-fiction"). La vie de tous les jours est celle où, sous l’apparence du même, le différent s’installe.


Il faut revenir un instant sur la précédente contribution où les billets "X" sont « valorisés » par rapport aux autres et, par conséquent, disposent d'une capacité d'achat augmentée de 5% à 30 voire 60%. On peut imaginer sans trop de risque de se tromper qu’en dehors des spéculateurs ou des prudents qui chercheront à en détenir, les porteurs de Billets « X » seront allemands. Si la logique économique à l’ancienne fonctionne toujours, ne serait-ce qu’en marge, on imaginera aussi qu’ils voudront en profiter.


Ils iront donc acheter des biens et des services à ceux qui les factures en Euro "Y", "V" et même "U». Ainsi, un flux d'importations allemandes serait stimulé. Les voitures françaises deviendraient moins chères en Allemagne, pays où on peut acheter sa voiture en cash et s’exporteraient davantage. Les exportateurs recevant des Billets « X » les conserveraient pour procéder à des achats dans les pays « Y » (grecs), «V » (Espagne) ou autres et améliorer leurs marges. Le stimulus export serait ainsi doublé, la compétitivité des pays « faibles » serait renforcée et leurs exportations propulsées vers le haut. Il ne resterait plus alors qu’à laisser fonctionner le multiplicateur d’export dont on sait qu’il est équivalent au multiplicateur d’investissement. Les économies des pays exportateurs seraient stimulées. On connait la suite.


L’émetteur de billets "X" peut-il rester passif, devant une spéculation sur ses billets et la hausse de leurs cours ? Il n’a que deux solutions pour échapper au risque inflationniste sous-jacent (C’est toujours de la monnaie-fiction).


Une solution efficace et difficilement contestable. Même par l’émetteur d’Euro X.


Il peut quitter la Zone euro et, puisqu’il s’agit de l’Allemagne, instaurer un nouveau Mark. Avec tous les risques de surévaluation de cette nouvelle monnaie contre l’Euro, monnaie qui demeurerait entre les autres pays. On retrouverait le schéma décrit plus haut. Au fond, voilà un comportement absurde en lui-même : pour éviter la hausse des billets, quitter l’Euro avec pour conséquence la hausse des billets ! Il est vrai que les Allemands n’ont pas pour la chose et la théorie économique la passion et la résilience des anglo-saxons.


Ou bien, recherchant un maximum d’efficacité pour un minimum de coût, augmenterait-il l’offre de Billets «X ». C’est en jargon économique classique ce qu’on qualifie de « faire tourner la planche à billet ». Sur le plan technique, on sait que cela ne pourrait pas poser de problèmes (voir : « la Crise des Billets. Le cas grec ».). Sur le plan doctrinal, il faudrait trouver la traduction allemande de Quantitative Easing. Sur le plan pratique, il suffirait à la Bundesbank de racheter de la dette publique détenue par des Banques allemandes et de la payer en Cash. A leur tour, les banques allemandes stipuleraient leurs crédits payables en cash.

Des tensions inflationnistes apparaîtraient alors ? Qui viendraient rogner les avantages compétitifs des industriels sous monnaie "X". Exactement comme cela se serait passé si un nouveau mark avait été créé. La consommation des Allemands serait stimulée, donc leurs importations…. On reviendrait à nouveau vers le cycle vertueux.


Tout ceci n'est pas sérieux! C'est vraiment de la "Monnaie-fiction » ! Ainsi on multiplierait les billets en Euro, qui ne seraient pas tous les mêmes ? Ainsi on qualifierait « euro » des billets qui n’auraient pas la même valeur selon la banque émettrice. Et tant qu’on y est on laisserait  les banques commerciales imprimer des billets…. ou même les banques d’affaires ! Ce n’est plus de la « monnaie-fiction » c’est du délire !

 Vraiment ?


Les zones monétaires optimum relèvent du fantasme

C’est pourtant bien ainsi que l’économie américaine s’est bâtie tout au long du XIXème siècle quand les billets des banques de l’Ouest des Etats-Unis « valaient » moins que les billets des banques de l’Est. Songez-y, ce n’était pas de la monnaie-fiction : Le Gouvernement américain n'a pas émis de billet avant 1861 ! Auparavant, jusqu’en 1929, le mot dollar étant une appellation générique, une marque en quelque sorte pour tout billet de banque que les quelques 1600 banques (privées évidemment) « sous charte d’Etats » étaient autorisées à émettre. Et aujourd’hui ? Si vous voulez être prudent, préférez les billets émis par 1A –(Boston), ils doivent être  plus solides que ceux de San Francisco….12-L. C’est facile à repérer, l’émetteur est mentionné sur les billets en trois ou quatre emplacements ! Qui a  parlé aux Etats-Unis de problèmes dans la circulation de la monnaie ? Qui est allé faire de longs discours sur les « zones monétaires optimales »?


Les germanistes monétaires rétorqueront qu’ils ne sont justement pas amusés à dédoubler leur monnaie lors de la réunification. Ce n’est pas faute d’avoir été vivement incité à laisser courir un Mark émis à l’Est en même temps qu’un Mark émis à l’Ouest… et pourquoi un Mark Munichois suggéraient quelques idéalistes de l’Allemagne des Nations ? Finalement, monnaie unique, le Mark a été accordé, aux Allemands de l’Est, comme un cadeau de retrouvaille, un golden Hello… avec une parité un pour un entre monnaie de l’Ouest et monnaie de l’Est. Et vint une catastrophe pour l’Est, son industrie, son agriculture et ses services bien loin des normes de compétitivité occidentale.


La Zone monétaire allemande n’était pas du tout une zone monétaire optimale. Et pourtant, ils ont tenu bon avec leurs billets de monnaie unique.  Et les Vrais Allemands, les Riches, ont payé pour une monnaie unique qu’aucune zone optimale ne soutenait!


Les deux voies.


Quelles solutions les Allemands ont-ils trouvé pour faire à cette absence caricaturale de Zone monétaire optimale. Pour aider les allemands de l’Est à survivre, ces frères allemands plus pauvres que des Grecs, plus incompétents que des Italiens, plus bloqués que des Français ? La monnaie fût maintenue « unique » et pour éviter qu’elle devienne « inique »  les länder occidentaux se sont vus contraints de verser des subventions. De quoi s’agissait-il si ce n’est d’une dévaluation de l’Est?


Alors deux voies seraient donc possibles : des monnaies « euro » taillées sur mesure, comme autrefois dans les Etats-Unis de la conquête économique ou des économies subventionnées par les plus riches, à hauteur de leurs besoins, comme en Allemagne, après la réunification ? Un Senior Adviser à la Deutsche Bank n’a-t-il pas proposé la création d'une monnaie nouvelle, le "Geuro, émis par la Banque centrale Grecque, et lancé avec un prix promotionnel : 50% de réduction par rapport à l’Euro.


Est-ce vraiment de la Monnaie-fiction ? 


Monnaie unique, monnaie inique !  l’Euro et les monnaies de garage. 


Voilà que les fantômes reviennent rôder ! Un rapport du FMI, (demandé par qui ?) envisage les « alternatives to the US dollar… » !  Rien que çà ! Et de développer pourquoi ce serait une meilleure idée d’avoir une monnaie internationale émise par un organisme indépendant plutôt que de se reposer sur une monnaie nationale internationalement acceptée émise par les Etats-Unis suivant leurs propres intérêts. Ce rapport dont l’audace n’a pas été assez applaudie, enfonce le clou et sort tous les cadavres de leurs placards en proposant qu’on nomme cette monnaie: « BANCOR in honor of Keynes, such a currency could be …. ». Les idées ne meurent jamais en économie. Les Etats-Unis croyaient pourtant avoir assassiné le Bancor, il y a plus de soixante ans !


A l’instant où le Fonds Monétaire International, institution réputée pour son absolu manque d’imagination, met un pied au bord de l’abîme et propose une monnaie internationale qui vaudrait pour tout le monde, des voix s’élèvent contre la tyrannie de l’Euro. « Pour les petits (pays), L’Euro est trop fort. Les obligations qu’il comporte, la rigueur budgétaire et salariale qu’il impose, la sagesse économique qu’il exige, sont trop lourds crient tous les petits pays. « Nous allons tous mourir guéris ». Nos bonnes monnaies locales n’étaient pas bien vaillantes sur le plan international, mais elles rendaient notre fardeau plus facile à porter. » Et, à voix basse, mystérieuse, on entend cette imprécation marmonnée entre les dents  « monnaie unique, monnaie inique ».


Quand la monnaie dérive…


La monnaie, on l’oublie un peu, repose aussi sur …. des valeurs morales, très fortes. La vraie, la bonne monnaie n’est-elle pas ce que l’homme a inventé pour faciliter les échanges commerciaux ? Échanger, commercer, ce sont des mots forts. Le commerce des idées, les échanges entre les hommes, la main qu’on tend et dans laquelle on frappe pour dire son accord, ce sont des mots vrais. La monnaie qui doit être mis en circulation ne devrait-elle pas faciliter ce commerce là, bel et bon ?


Les plus grands esprits y sont allés de leurs pensées dans ce domaine : « la monnaie est un voile » ! Non ! Ne riez pas. Ce n’est pas un voile pudique qui recouvre des transactions douteuses et glauques. Ce n’est pas non plus la grand-voile qui va propulser le navire de l’économie en dehors des eaux tempétueuses. La monnaie est un voile parce qu’elle n’est pour rien dans la production et le commerce des choses. La vraie vie n’est pas une vie monétaire et la monnaie n’est tout au plus qu’huile dans les rouages.  La « monnaie morale », Marx ne l’a-t-il pas décrite ? Rappelez-vous, la bonne économie c’était le schéma marchandise-argent-marchandise. (Les marchandises se transforment en argent pour qu’on puisse avoir des marchandises).Puis, parce que le veau d’or rôde en permanence sur la planète, la fonction «échange» de la monnaie s’est pervertie. La fonction «spéculation» s’y est substituée avec pour moyen la fonction «conservation de valeur», instrument de stockage du temps et de la sueur. Le schéma argent-marchandise-argent est advenu (la marchandise ne vaut que comme support et moyen d’acquérir de la monnaie)  et avec lui les idolâtres de la monnaie, à large bretelles et écrans colorés, capables d’acheter du blé alors qu’ils n’en ont pas besoin et qu’ils n’en prendront jamais livraison, pour jouer avec les cours, pour en tirer de l’argent !

 

Les monnaies morales à la contre-attaque !

Alors, pour lutter contre le fléau de l’argent « roi », règne des banques et de leurs billets, pour aussi lutter contrer la démence des économies qui s’éloignent de l’homme et le laissent sans emploi, on a vu se multiplier les initiatives de monnaies morales. Des monnaies communautaires du genre SEL (systèmes d’échanges locaux) sont nées.  Ces initiatives, œuvres de gens et de groupes créatifs, sont parfois appelées « alternatives ». Leur objectif ? Mettre justement de l’huile dans les rouages, faciliter le passage de marchandises à marchandises, de services à marchandises etc. etc.  Les monnaies alternatives reposent sur l’idée que l’argent ne vaut que pour favoriser le commerce des gens, il doit « brûler les doigts ».


Mieux, des monnaies fondantes, tel les le Chiemgauer, le SOL, ont été inventées. Plus longtemps, on les conserve, moins elles valent en pouvoir d’achat. Les détenteurs de ces monnaies ont donc une responsabilité : les faire circuler. On ne peut pas les mettre de côté, les stocker avec l’intention  qu’ils feront des petits puisque leur perte de valeur est programmée. La valeur perdue sera affectée à ceux qui sont dans le besoin. Ainsi réhumanisera-t-on l’économie et la fonction monétaire.


Cette idée n’est-elle pas fantastique ? Une monnaie qui se consume faute d’avoir servi à consommer ! Consomption de la monnaie faute de consommation des marchandises. Le socialisme dans toute sa portée marxienne originale est là, tout prés, à portée de bourse et de porte-monnaie. Mieux encore, le Chiemgauer, cette monnaie fondante, vient du pays du vrai argent, le pays du Deutsch Mark, toujours vénéré, toujours pleuré dans les chaumières allemandes depuis que l’Euro a été imposé.

Ce système est à l’opposé d’un autre système de déperdition de la valeur de l’argent : l’inflation, monstre hideux et aveugle, qui prélève sa dîme sur le pauvre et ruine ceux qui n’ont que leurs salaires et une maigre épargne.


La monnaie de Garage, pour retrouver la monnaie !


 Ces monnaies alternatives, ce sont de vraies monnaies de « garage ». Comme il y a des vins de garage, bien sûr ! Ces  vins extraordinaires, nés de vignes élevées dans l’amour du ceps et de la grappe après une cueillette où, grain après grain, le fruit a donné son meilleur. Vins issus du pressage et non pas de l’écrabouillement puis maturés dans de vrais barriques fabriquées de la main de l’homme et non dans des cuves en béton ou en Inox. Ces vins qui donnent une petit centaine de bouteilles par an, à tomber à la renverse (dixit Parker, qui a eu la chance de tomber sur quelques  fiasques et leur a tout de suite mis 21/20).

Les monnaies dites alternatives, ce que nous appelons ici, des monnaies de garage, se conformeraient aux préceptes d’Aristote et même de la Charia ! Elles ne pourraient servir à remplir les matelas et les bas de laine. Elles ne seraient pas là pour conserver de la valeur et, par voie de conséquence, ne permettraient pas au crédit de surgir. Quand le crédit nait, le peuple souffre. Et s’il faut parler de morale, n’en est-il pas dénué celui qui croit pouvoir stocker le temps et le travail sur un bout de papier trop coloré ? Et celui qui voudrait vivre sur le crédit qu’il ferait, sur les intérêts qu’il encaisserait ? Et celui, dont l’arrogance ultime crierait au ciel que la monnaie est installée dans l’éternité des chiffres et qu’elle prétend conserver la valeur et le temps quelque soient les intentions des hommes et les accidents du monde?


Mais au fait, que dit-on ici de l’Euro ? Les monnaies morales seraient la monnaie rendue à sa vraie fonction ? Les choses sont-elles si simples ? N’y a-t-il aucun risque de confusion ?  Que doit-on faire de cette idée de Dostoïevski  « l’or serait de la liberté frappée ». Ne parait-on pas  l’Euro de toutes les vertus lui aussi, les vertus morales incluses ? Pourtant, ce n’était pas une monnaie de garage ! En appeler à l’Euro, c’était, il y a encore quelques mois, en appeler à l’universel contre le particulier. On croyait entendre les invocations de Michelet au nom de la liberté et de la modernité !  La vraie monnaie morale, n’était-ce pas justement l’Euro qui faisait litière des égoïsmes nationaux ? En fait de monnaie qui perd sa valeur dans le flux des temps tumultueux, le souvenir n’était-il pas cuisant de ces monnaies qui avaient fondu dans nos poches. Le franc qui permettait à peine de s’acheter une demi-pinte d’ale en Grande-Bretagne. La lire qui alourdissait les porte-monnaies de ses multiples  pièces inutiles …pour que la valeur fonde comme crème glacée au soleil, il n’était pas besoin d’en appeler aux monnaies alternatives !

 

Entre l’euro, les monnaies de garage et le retour de la morale dans la sphère financière … nous voilà bien !


La multiplication des monnaies pour secourir l’Euro!


On voit bien qu’il faut être à l’aise avec une monnaie faute de quoi, le commerce et l’industrie hésitent car le consommateur retient son billet dans sa poche. Les Irlandais, les Portugais… et les Grecs aussi, avaient vu dans l’euro un vrai monde d’opportunités. Maintenant, pour ces pays, l’euro n’est plus l’ouverture vers le vaste monde. C’est devenu une charge. Pire, alors qu’il faut le défendre, l’euro est perçu comme la source des nombreuses faiblesses qui minent les pays européens ?  Encore pire, les plus riches font mine de vouloir s’en aller et/ou revendiquent de pouvoir ériger des murs afin que la monnaie demeure là  où elle est, afin de la retenir et ne pas la partager.

Comment peut-on vouloir être à la fois universel et particulier, être dans le monde et demeurer dans  sa coquille, participer aux grands courants et rester à l’ancre dans les eaux tranquilles d’une baie, bien à l’écart ? C’est bien ici que le débat se noue.


Et si on faisait preuve d’imagination ? Prenons un exemple : dans la région parisienne les prix de l’immobilier explosent. Entre autres raisons, il y a le flux incessant d’investisseurs étrangers qui déversent leurs euros sur le marché.  Si la région parisienne avait sa monnaie, on va dire le Parisis, convertible en Euro et rien qu’en euro.  Et si les transactions dans l’immobilier n’étaient recevables qu’en Parisis, les étrangers seraient obligés d’acheter du Parisis contre Euro. Ils feraient monter les cours du Parisis et l’immobilier parisien leur serait plus coûteux. Mais les prix, exprimés en Parisis demeureraient inchangés. L’euro ne serait plus pour les franciliens à l’origine de l’explosion des prix. Au surplus, leur pouvoir d’achat à l’égard des autres régions se renforcerait.

Imaginons la Catalogne dont le désir d’indépendance est actuellement si fort. Dotons-la d’une monnaie à elle, le Troubadour et, riche comme elle est, laissons le Troubadour monter contre euro. Les Catalans n’auraient plus à se plaindre d’être la poche profonde de l’Espagne puisqu’en s’appréciant, le Troubadour renforcerait leur pouvoir d’achat à l’extérieur de la Catalogne. Cerise sur le gâteau, ils seraient protégés contre l’inflation, payant moins cher leurs achats. Imaginons le Portugal, qui referait de l’escudo nouveau… et qui énoncerait que les salaires et les marchandises, comme les biens immobiliers ne peuvent être honorés qu’en escudos… on aurait là une monnaie de grand garage ! Et en Belgique ! Le terrain est bien préparé pour que surgissent deux monnaies de garage supplémentaires (au fait les bières de garage aussi existent !). Ces pays se sentent menacés par la force de l’euro ? L’Ecu Wallon, et le Flamand jaune  et l’escudo nouveau, perdant de la valeur contre euros, l’apport de capitaux serait stimulé et les exportations plus faciles.


Une Monnaie Parker?


Dans cette fable, qui se développe toute seule, en toute logique, remarquons que pas un instant n’a été évoquée l’idée que l’euro pourrait être abandonné !


On a suggéré l’émission de monnaies un peu étranges, l’escudo nouveau, le Parisis, circulant en même temps que l’euro et non pas concurremment. On n’a jamais dit, « de l’euro faisons table rase et demain seront les monnaies de garage » !


Pourquoi rompre avec le concept même de l’Euro ? C’est inutile ! L’Euro, qui est fort, va bien avec les forts. Laissons-le-leur. Au surplus, cela fait bien longtemps que l’Euro est la monnaie dans laquelle les banques aiment se parler, échanger, spéculer. Conservons-le. La rumeur murmurait que « Pour les petits, l’Euro est trop fort » ?. Justement ! conservons-le pour les forts.


En revanche, l’Euro ne doit absolument pas être conçu comme le cilice qui contraint le sybarite dans les voies du seigneur, comme le fouet qui impose l’extase au flagellant. L’euro ne peut pas être pour les européens le risque d’être laminés et transformés en un européen, conceptuel, abstrait et désincarné. La France sait ce que c’est que de transformer des provinciaux aux parlers nombreux et chaleureux en Français conceptuels au parler pointu. Les Français  n’ont pas été  très heureux de voir leur pays se désertifier au profit de Paris, reine du citoyen abstrait, ni chaque provincial ambitionner de devenir parisien !


Donc, revenons à l’idée un peu poétique qui consisterait à inventer les monnaies de garage pour …. sauver l’euro.


Une monnaie pour la Catalogne ne veut pas dire que l’euro n’existe plus. La dollarisation d’un pays n’a jamais impliqué l’usage systématique du dollar dans l’ensemble des transactions commerciales. L’euro n’est pas nécessaire, là où les transactions sont purement domestiques.  Il est même arrivé qu’une monnaie, sous un même nom cache deux taux de conversion en une troisième. C’était le cas du dollar au milieu du XIXème siècle qui, émis par une banque de l’Ouest, ne pesait pas le même poids d’or que lorsqu’il était émis par une banque de l’Est. Résultat : l’Ouest attirait l’épargne de l’Est !


Des zones monétaires AOC ?


Il est temps de proposer : la Commission Européenne aura la responsabilité du sujet : définir à l’intérieur de la Zone euro, des zones « Parker ». La liberté est à Europe ce que la beauté est à Venus.


Il y aurait ceux qui décideraient d’être « Euro », du haut en bas, petits et grands, entreprises et pouvoirs publics. A leurs risques et périls mais aussi à leurs bénéfices, car chez et avec eux, se trouveraient nécessairement les grandes banques, les grands marchés financiers, les grandes compagnies d’assurance, l’ouverture vers le vaste monde…. etc.


Il y aurait ceux, qui auraient envie, pour longtemps ou pour un petit bout de temps, d’être entre eux. Comme on se resserre, devant le cantou, les uns contre les autres, quand il fait froid. Ceux qui veulent se protéger contre les grands vents qui balayent la planète. Ceux-là  pourraient décider de prendre une monnaie pour eux, locale, uniquement convertible en Euro (il ne faudrait quand même pas que les Etats-Unis viennent dollariser ces braves gens, en plus, il y a aussi le danger chinois, sans parler des mafias en tous genres) avec un taux de change fixe… jusqu’au moment où il serait décidé un nouveau taux de change !


Pour éviter des gredineries ou des palinodies, on dirait qu’il y a des critères. Qu’il faut au moins 1 million de personnes concernée par chaque projet (il y aurait une exception pour le Luxembourg !). Et comme il s’agit d’Europe, de la protéger en son euro, de l’approfondir en son économie et de la légitimer en ses citoyens, on autoriserait les monnaies locales transverses. Les régions du nord de la France, n’auraient-elles pas une monnaie à partager avec leurs voisines, Wallonnes ou Flamandes ! On dirait… mais tout ça est connu. Chaque fois qu’il y a un projet européen, il y a des commissions, des rapports, des présidences qui tournent, des sherpas. Simplement, il faudra aller vite, c’est la survie de l’Euro qui se joue ici.


Cependant ! il faudra  toujours garder à l’esprit que la  multiplication des monnaies n’enrichit pas sans risque : « trop de monnaies, tuent la monnaie ».  


 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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