Soliloques sur le vaste Monde, aout 2023

Aurillac: émeutes chez le bon monsieur Carrier ou les bégaiements de l'histoire

Qui aurait pu penser que la petite ville d’Aurillac serait le théâtre de folies destructrices ? Qui aurait pu penser qu’elle aurait été atteinte par les nouveaux barbares, elle, paisiblement nichée à l’écart de toutes les autoroutes, recluse au sein du massif le plus central de France et dont on sait, qu’étant à l’écart de tout, il ne faut pas pour s’y rendre, compter en kilomètres mais en heures de route.

Cette ville n’avait jamais rien fait dans son histoire pour mériter les infamies dont elle a été victime. Bien sûr, elle a vu naître dans ses faubourgs, Carrier, le massacreur de Nantes mais, tout à l’inverse, elle a donné à la République un de ses présidents les plus paisibles et les plus exemplaires de ce que la République sait apporter à ses enfants, Paul Doumer, venu du peuple et de la misère.

Comment, dans ces conditions, imaginer le déferlement ravageur d’il y a quelques jours dans une ville qui n’avait jamais rien cherché d’autres que la communication, le partage et la mise en lumière des talents. Il est vrai, qu’elle connut un évènement épouvantable lorsqu’en en 1569, la ville livrée par trahison aux protestants, ses habitants furent torturés, rançonnés et l'abbaye saccagée, toute sa bibliothèque et toutes ses archives brûlées. *

En cette année sinistre Aurillac avait connu ce que pouvait coûter la folie des hommes conjuguée avec la bêtise des grands principes .

En 2023, on recommence ? Aurillac serait sans l’avoir cherché, devenu le laboratoire à taille réelle des provocations de la bêtise et du mépris des autres. Mais surtout, Aurillac a été livrée bien malgré aux conséquences d'années d’incurie nationale qui ont fabriqué narcissisme combattant, désinvolture agressive, insuffisance satisfaite d’elle-même. Tout ceci comme expression d’une génération biberonnée au « j’ai bien le droit », au « et c’est gratuit, alors on peut se servir », et « je me conduis comme je veux et j’emmerde les autres ».

La fille qui se balade seins nus dans une ville qui l’accueille et met à sa disposition les dispositifs utiles à un festival est allée consommer sur place du tourisme culturel comme les touristes sur les plages y bouffent des Ice-creams, crachent leurs frites et balancent leurs ordures. Elle est la sœur de ceux qui badigeonnent les murs de slogans ringards et dépossédés de tous sens. Elle est la cousine de la fille qui s’éclate dans une boîte de nuit et qui, alcoolisée et shootée à 5 h du mat, ne comprend pas que des mecs la collent de trop, trop, près.

On ne parle pas ici de la liberté de penser ou d’aller et venir: ce qu'on évoque ici c’est le prétendu droit à consommer, user, saloper au sens de destruction que ces mots portent en eux, ce qui a été lentement, attentivement, chèrement bâti. La fille aux seins nus à Aurillac pratique le nouveau fléau : le tourisme prédateur. Elle s’imagine que les « indigènes » sont des ploucs à chahuter, et leurs baraques des pissotières pour qu'elle puisse se soulager sans gène, et sans risque pour elle, parce qu’elle se cassera une semaine plus tard pour rejoindre son HLM où ses frères lui demanderont de livrer la marchandise sans se faire remarquer.

Et dans son sillage, ses copains, qui se sont marré à casser le Palais de Justice, pour venger l’héroïne libertarienne, dont la conscience politique se balance au rythme de ses seins, rentreront chez eux après avoir donné une belle correction à tous ces salauds de bourgeois aurillacois qui ont eu la bêtise de les accueillir. Ne représentent-ils pas l’avenir des idées, des jeux vidéo, où le violent triomphe et où on gagne des crypto à flinguer le flic (play to earn).

Non, ce n’est pas "deux claques et au lit". C’est "2 ans ferme et au trou". C’est surtout la suppression de tout ce qu’on pensait nécessaire à leur inclusion dans la société. Ils n’en font pas partie. Ni leurs familles qui les ont si bien éduqués.

In wikipédia : Aurillac

Les chers enfants

Les émeutes où la violence stupide s’est montrée sous son vrai jour, celui, non pas de la défense d’idées nobles et d’appels au « respect » mais celui du lucre le plus commun, du vol le plus caricatural, aurait été le fait, on l’a dit et il faut le répéter, de mineurs, voire d’enfants. On a vu des gamins de 14 ans et moins, donner un coup de main à leurs ainés dans le pillage de magasins et aussi, aller se servir eux-mêmes, participant à une sorte de fête combinant le plaisir du jeu de combat en version réel entre voleur et policier, de la razzia moderne si possible électronique et horlogère, et de la joie lumineuse et colorée des incendies.

On a entendu des paroles fortes : « deux claques et au lit ! ». Il est certain qu’il faut réfléchir à l’effondrement de l’idée d’autorité. Des enfants qui trouvent naturel d’aller piller et incendier, ont-ils été éduqués dans le respect de l’autre, au mieux, et dans celui du fonctionnement de la société, au moins ? Il est très probable que l’effondrement de la cellule familiale s’est accompagné de l’effondrement de l’idée d’autorité dérivant de l’irresponsabilité du père qui « se casse » laissant ses enfants à sa femme, leur mère, la tâche de subvenir à leurs besoins matériels et sociaux.

Mais beaucoup plus insidieusement s’est développée avec l’assentiment général, une culture de l’enfant comme norme et comme acteur. Les traits qu’elle adopte, les comportements qu’elle induit, la hiérarchie qu’elle instaure ne sont pas flagrants. Ils viennent progressivement modifier les regards, les pensées et les normes, accréditer des comportements et, subrepticement, renverser certains rapports traditionnels.

Il y a peu, quelques psychiatres ont manifesté leurs réserves à l’égard de modèles d’éducation conduisant à survaloriser les enfants non seulement au sein des familles mais aussi, finalement au sein de la société. Les manifestations de cette survalorisation sont caricaturales dans le domaine de la publicité. On ne veut pas ici critiquer la vieille habitude des publicitaires conduisant à l’utilisation de l’enfant comme sujet crucial de la consommation, où l’enfant et la satisfaction de ses « besoins », fantasmés ou non par les parents, modèlent et justifient la consommation de l’ensemble de la « famille ».

Ce qui est en jeu ici, c’est le rôle donné à l’enfant comme guide de la famille, dans l’ensemble de ses opérations sociales et économiques. C’est l’enfant qui se pose/est posé au côté du père pour lui faire comprendre qu’il n’a pas compris quelque chose, qui est pourtant bien simple : un mode d’emploi mal lu, un besoin mal défini. Sans qu’il soit le bénéficiaire direct d’un objet ou d’un service, c’est l’enfant qui décrypte pour ses parents les nouveaux codes, les modes d’emploi et les réelles nécessités d’acquisition de biens ou de services qu'ils ne comprennent pas ou ne connaissent pas.

C’est l’enfant comme guide mental et moral, capable de ne pas céder aux émotions ou, s’il y cède, de leur donner leur vrai sens dans un monde d’adultes en déroute. Il ne s’agit pas seulement du vieux mythe de l’enfant pur et naturel qui sait regarder la nature, les animaux et finalement les hommes sans préjugé, avec empathie et altruisme. Il faut aller plus loin. L’enfant est mobilisé et intervient faute de mobilisation et d’intervention de la part des adultes et tout particulièrement son père (ou l’homme qui en fait office). Papa est devenu un copain « limite crétin », (genre « lapin ») qu’il faut inviter à assumer ses responsabilités.

L’enfant qu’on vient de décrire doit sa puissance de communication à l’effacement du père, le papa-copain pas malin et un peu comique. Ce dernier devient le benêt de l’histoire, celui qui « n’y avait pas pensé » et qui prend un air marrant-ahuri devant les observations ou les actions du vrai responsable, son rejeton.

Dans ce nouveau monde, l’enfant n’est pas le roi, installé sur un trône et n’en bougeant pas ; il n’est pas le Jiminy Cricket de la famille ; il est devenu le sage qui fait rayonner les valeurs qui intéressent la famille, il est purement et simplement l’aune et la référence à partir de quoi se positionnent ceux qui devraient proposer des choix, arbitrer des projets et imposer des comportements : ses parents et, par extension, les adultes.

Qui peut demander à cet enfant de ne plus aller piller, narguer la police et mettre le feu à son école ?

Après les « émeutes »

Si la société française réagit aux exactions, c’est parce qu’il y a exactions et non pas “races hostiles”.

En revanche, lesdites exactions ne sont pas une sorte de manifestation spontanée de fureur populaire, mais un moment critique d’une volonté politique menée avec détermination et méthode : la destruction progressive de la légitimité politique telle qu’elle est définie par les textes et les lois qui ont été posées pour instituer la république française.

Les quelques années qui précèdent les évènements récents sont instructifs, commençant par l’élection d’Emmanuel Macron, puis, s'ensuivant, la montée de « l’anti-légitimisme » et les moments cruciaux de ce mouvement.
A peine élu, le Président Macron se voit contester la légitimité de son mandat : il n’a pas été élu, disent quelques opposants, il a volé son élection ! On aurait dû compter les votes autrement...

De fait, JL.Mélanchon, dès les premiers mois de la présidence d’Emmanuel Macron appelle à déferler sur la capitale, pour, dans un moment révolutionnaire renvoyant aux vieux paradigmes historiques, « déposer » le Président. Il appela à plusieurs reprises à la mobilisation d’un million de Français, « pour une marche sur Paris ». Le résultat ne fut pas au rendez-vous de ses ambitions de « sans culotte » contre « le coup d'État social et antidémocratique » du Président. Mais l’idée était lancée.

Alors, que le chef des insoumis ne réussissait pas à organiser les déferlements anti-Macron, l’explosion de colère des gilets jaunes offrit une « divine surprise* » à la gauche extrémiste ? Un mouvement « d’obscurs et de sans grade » déferla sur la République française avec destructions, menaces, violences physiques et déclamatoires dont l’intensité sidéra l’ensemble de la population. Ce mouvement fut déclenché par… personne !!! Ce n’est pas faire injure à la célèbre Jacline qui en aurait été l’instigatrice. Par le moyen d’un hasard qui a trop bien fait les choses, la mise en cause de la légitimité des institutions était montée d’un cran.

Troisième étape : la crise du Covid. On vit se mettre en branle toutes les tentatives de contestations de la légitimité des pouvoirs publics. De plateaux télé en plateaux télé, on envoya à la manœuvre, les « sachants » en blouse blanche et à leur tête, le sinistre Raoult, propulsé comme dynamiteur en chef de la lutte contre l’épidémie et comme représentant international de la vraie lutte contre l’illégitimité des institutions françaises : lui, le sachant, savait que les responsables ne sachant rien, étaient désavouables. Après consommation, Raoult, fut jeté dans les poubelles médiatiques.

La quatrième étape, c’est la fameuse question des retraites. L’appel des organisations syndicales à une lutte sans répit et sans concession contre une décision de l’Assemblée nationale, les manifestations de plus en plus violentes, les provocations de plus en plus agressives se sont inscrites dans ce mouvement de sape, régulier, obstiné de la légitimité des institutions, ce malgré la réélection du Président de la République.

Fallait-il vraiment s’étonner du déferlement des violences récentes ? On a entendu dire que la mort du fameux « jeune de 17 ans », était comme un tas d’amadou dont l’accumulation depuis des mois n’attendait plus que son allumette ! Accumulation ordonnée, menée avec méthode. S’il y a eu incendie, on le doit aux appels incessants à la négation de la légitimité des institutions.

Au nom de quoi l’école enseigne-t-elle si n’est pour fournir des esclaves au grand capital ? Dévaliser, n’est-il pas une revanche sur l’inflation ? Le mépris à l’égard de cette légitimité n’a-t-il pas fourni une bonne raison pour mettre le feu aux mairies, aux commissariats ? N’y a-t-il pas là une bonne raison pour menacer de mort les élus nécessairement coupables de complicité avec l’expression de la légitimité institutionnelle ? Ainsi, de proche en proche, le mouvement qu’on vient de décrire a été dirigé, mené, entretenu.

Le choc des émeutes récentes sur l’opinion va-t-il mettre une fin à ce travail méthodique de démolition ?
Bonne question ! il y aurait « un retour de balancier » ?
Dans ce cas, il faut en mesurer la probabilité à l’aune de cet appel:

« Il faut craindre la violence des pacifiques ».

* "Divine surprise": exclamation de Charles Maurras au sujet de la défaite française en 1940.

Soliloques sur le vaste Monde, aout 2023

Aurillac: émeutes chez le bon monsieur Carrier ou les bégaiements de l'histoire

In wikipédia : Aurillac

Les chers enfants

Après les « émeutes »

Si la société française réagit aux exactions, c’est parce qu’il y a exactions et non pas “races hostiles”.

« Il faut craindre la violence des pacifiques ».

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Quelques ouvrages de Pascal Ordonneau

En collaboration: Institut de l'Iconomie