Soliloques sur le Vaste Monde, Mai 2022

 

Face à l'économie numérique, les puissances challengées ?

Mélenchon est-il un Trump de gauche ?

L'inflation, l'inflation toujours recommencée

Quand le dollar monte, le bitcoin baisse, entre inutilité et effondrement

Informer, s’informer, ici, maintenant, tout de suite.

 

Face à l'économie numérique, les puissances challengées ?
By Pascal Ordonneau* | Dialogue Chine-France | Updated: 2022-05-15 17:15:00

L’économie numérique est partout. C’est une évidence, au moins si on s’en tient à un suivi régulier de la presse économique, aux colloques et aux déclarations gouvernementales. L’économie numérique est partout dans les esprits, dans les plans que font les entreprises et les pouvoirs publics, et dans les politiques économiques.

Ressasser cette antienne ne mène pas loin, il faut préciser que l’économie numérique, c’est l’économie de la donnée ou bien, en utilisant un anglicisme, la data. Les sociétés modernes sont progressivement saisies par un impératif universel : faire émerger, capter et traiter les données, comme il y a longtemps d’autres impératifs universels s’imposèrent, à savoir l’électricité, qui appela des capitaux considérables et provoqua des transformations sociales et économiques totales. Avant elle, la maîtrise de l’énergie fournie par la vapeur provoqua de profondes ruptures et transformations. Et encore avant elle, les révolutions de l’eau et du vent qui firent passer les sociétés traditionnelles dans le monde préindustriel.

L’économie numérique serait ainsi la quatrième ou cinquième révolution industrielle : une révolution radicale. C’est au nom de cette révolution que l’ensemble des acteurs politiques et économiques, entreprises ou agents privés, États et collectivités publiques déploient des budgets, des plans et des investissements de plus en plus considérables.

Économie numérique, économie de la donnée 

Faut-il préférer à « économie numérique » l’expression « économie de la donnée », la fameuse data ? Peut-être dans la formulation française de cette nouvelle révolution trouverait-on une meilleure distinction entre ce qui ressort des matériels et des ruptures technologiques qui les concernent et ce qui appartient aux technologies et aux ambitions « immatérielles ».

Il y a une dizaine d’années, l’univers de la donnée était strictement « un terme utilisé dans le secteur des télécommunications ». Ce terme s’est généralisé, s’est étendu et s’est approfondi : la donnée touche à tout ce qui est information, or, l’information touche tous les secteurs de l’activité humaine ou des environnements humains, qu’il s’agisse du secteur biologique, de l’énergie, des climats, des mouvements de population, de la circulation des virus, des flux financiers, du réchauffement des océans, de la recherche en astrophysique, etc. L’économie nouvelle mondiale est essentiellement une économie de l’information, de sa reconnaissance, de sa capture, de son stockage et de son traitement. Est-ce à dire que la « donnée », marque de notre temps, n’existait pas auparavant ? Évidemment non ! Ce qui a changé c’est l’aptitude à la faire émerger massivement et à en tirer de nouveaux pouvoirs colossaux.

Les acteurs de cette économie nouvelle, les États, mais aussi les entreprises et l’ensemble des agents économiques ont à faire face à l’obligation de répondre à ce déferlement d’informations, mais aussi d’agir pour en assurer le développement et les contrôles.

On répètera qu’il en est ainsi depuis la nuit des temps, offrant l’image éternelle du glaive et du bouclier.

Mais avant d’évoquer les conditions dans lesquelles cette image prend tout son sens, il faut dire un mot des contextes humains dans lesquels la révolution de la donnée se déploie.

Les trois univers de l’économie numérique  

Trois univers se confrontent, marquant trois conceptions de la société et trois types de contraintes. Ces univers sont les puissants de ce jour : (par ordre alphabétique) la Chine, les États-Unis et l’Union européenne.

L’Union européenne est le parfait exemple des contraintes qui sous-tendent la mise en place d’une politique de la donnée. Ce n’est qu’après des années de discussion que l’Union a su mettre d’accord les pays qui la composent sur les conditions d’un déploiement de cette politique. Elle affrontait un double problème inhérent à sa constitution culturelle et politique : rassembler 27 pays dont la taille démographique varie dans une proportion de 1 à 140 ! Certes, l’union fait la force, mais pas d’union sans adhésion de chacun à un projet commun. Les récentes réunions sur le thème de la cybersécurité ont donné lieu à ce commentaire : « Quelques maîtres mots résonnent : ambition, passage à l’échelle, coopération, solidarité, souveraineté numérique. Des intentions qui, il y a seulement une décennie, n’étaient pas si intuitives. » L’Union européenne est un mode collaboratif de développement de l’économie de la data, mêlant les principes d’une politique volontariste et les contraintes liées à la diversité des nations qui la composent. En juillet 2021, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le début d'un projet pilote de deux ans en vue d'introduire un euro numérique.

La Chine affronte une autre complexité : c’est un pays-monde par la taille, la diversité des cultures et des situations économiques locales. Comme indiqué dans son XIVe Plan quinquennal (2021-2025), la Chine va poursuivre ses investissements en matière de recherche et développement dans l’économie numérique. On citera deux traits emblématiques de l’importance qu’elle attache à l’économie de la donnée. L’avance de la Chine est considérable dans l’univers des monnaies digitales souveraines caractérisées par leur complexité technologique et leur puissant impact social et économique. Là où la plupart des pays développés en sont au stade des études ou, au mieux, au stade des expérimentations, la Chine est en phase d’implémentation, notamment grâce à la Banque populaire de Chine (BPC, soit la banque centrale du pays) et à son yuan numérique. En effet, la BPC a annoncé le 2 avril que son programme pilote de yuan numérique allait être étendu à davantage de villes du pays suite à son fonctionnement réussi au cours des dernières années. La monnaie fiduciaire numérique chinoise, ou e-CNY, sera ainsi accessible dans les municipalités de Tianjin (nord de la Chine) et Chongqing (sud-ouest), les villes de Guangzhou, chef-lieu de la province du Guangdong (sud), Fuzhou et Xiamen, dans la province du Fujian (sud-est), et six villes de la province du Zhejiang (est) qui accueilleront les Jeux asiatiques de 2022. D’autre part, la Chine est en passe de créer une économie totalement nouvelle fondée sur la construction d’infrastructures gigantesques : giga-ordinateurs, technologies quantiques de transmission et protection des données, puissance de calcul affectée à tous les domaines sociaux et économiques.

Les États-Unis, enfin, ont eux aussi à affronter des défis économiques et sociétaux d’autant plus aigus que c’est en leur sein que l’économie de la donnée a émergé et pris une forme révolutionnaire. La grande différence avec l’Union européenne et la Chine tient à l’origine presque totalement « privée » de ce mouvement et à ce qu’y émergent sans cesse des créateurs, des entreprises et des consommateurs s’intégrant très vite dans « l’économie de la data ». Ce processus où l’on voit l’État américain laisser à des conglomérats gigantesques la liberté de traiter de pans entiers d’attributs et de compétences de l’État n’est en soi pas original : les grandes transformations économiques américaines sont venues de cette initiative entrepreneuriale et de son enracinement libéral. En revanche, non seulement les entreprises ressortant de l’économie de la data changent l’échelle de la puissance privée et paraissent de plus en plus portées à « challenger » les pouvoirs publics américains, mais elles s’expriment aussi comme de nouvelles multinationales au-dessus des États.

Le monde de l’économie numérique n’est pas « neutre » 

N’ayons pas d’illusions, l’économie digitale, l’économie de la donnée n’est pas « neutre et scientifique », elle devient progressivement un lieu éminent de luttes pour la suprématie de cultures et de valeurs sociales. Elle transforme la façon dont les grands ensembles culturels et politiques conçoivent l’Homme et se proposent de façonner son avenir aussi bien individuel que collectif.

Dans un monde qui se fragmente, où les Internet nationaux commencent à morceler l’univers digital de l’Internet des débuts, les économies numériques disposeront d’armes sans pareilles, le combat pour une vraie éthique demandera très vite de nouveaux boucliers.

Prise en étau entre les deux puissances actuelles que sont la Chine et les États-Unis, la vieille Europe peut encore réussir la prouesse de s’émanciper de l’Internet américain et de construire une économie numérique autour de ses valeurs humanistes.

La force de l’Europe réside dans l’apport de nouvelles valeurs, de réflexions profondes en matière d’éthique, de législation afin de proposer une civilisation connectée et humaniste. Seraient-ce ses propres « Routes de la Soie numérique » ? Ce seraient surtout des routes qui s’écarteraient de la pure et pire recherche du rendement à court terme et promouvraient l’idée que l’économie numérique doit suivre « une vraie route » au service de l’Homme.

*Pascal Ordonneau est essayiste et secrétaire général de l’Institut de l’Iconomie.

 

 


Mélenchon est-il un Trump de gauche ?


 


Mélenchon est-il un Trump de gauche ? Avant de s’aventurer dans des comparaisons qui « ne sont pas raison » comme disent les journalistes, il faudrait définir ce qu’est « un Trump » pour ensuite s’attaquer au concept de « Trump de Gauche ».

Entre les deux, le verbe : Trump et Mélenchon ont en commun une fantastique maitrise de leurs propres langues. Dans les deux cas, elle est langue compréhensible par les simples, mais aussi, par tous les intellectuels qui ont envie d’un moment de repos de la pensée. Il n’est pas faux de dire que ce sont des ténors de leurs idées tout et autant que des déclamateurs. En cela, ils sont reposants. Il n’est pas nécessaire de connaître les paroles, la musique suffit et dans les deux cas, pour qu’elle ne lasse pas, des refrains viennent s’interposer qui transforment l’auditeur passif et reposé en un agitateur actif et forcené.

Ils assaisonnent leurs propos à coup de ketchup verbale mêlé de piment ou de fleur d’oranger selon leurs auditoires. Partons de l’apostrophe la plus banale : « le peuple ; il est roi ; c’est lui qui a raison ; on ne l’entend pas parce qu’on ne veut pas l’écouter ; il se réveille ; il se rassemble et proclame que c’est de lui que tout vient ; il va monter (à Paris, à Washington) ; vous verrez ce que c’est qu’un peuple paisible de nature quand il s’ébroue et vient réclamer justice ». Et, aussi, ils ont en commun, un discours un peu plus épicé, destiné à tous ceux qui ne savent pas bien lire et qui savent encore moins écouter. Question de neurones trop longtemps laissées en friche. Les gens qui, en France, stationnent sur les ronds-points et ceux qui, aux Etats-Unis, essaient de tenir droit sur des taureaux un peu excités. A ceux-là, il faut servir des plats solides, qui calent. C’est alors qu’on entend, « tous au Capitole » d’un côté de l’Atlantique, « tous à l’Assemblée » de l’autre côté. S’ensuit nécessairement, chez les uns que la guillotine n’est pas faite pour les chiens, la preuve on n’a pas hésité à couper des rois, chez les autres que le colt et la remington sont les amis de tous ceux qui ont des idées saines, à l’exception des noirs, des juifs, des catholiques et de tous les autres.

Il fallait entendre Mélenchon en 2017, réclamant un quatrième tour et appelant au déferlement de millions de manifestants qui iraient flanquer une rossée à ces nuisibles, députés, sénateurs qui écartent le peuple du pouvoir et donc de la richesse. Leur devise aurait été : ils ont moins de culs que nous avons de pieds (sic. Un grand penseur français du XXème siècle). Presque au même moment Trump, hurlait à une tribune que le vrai peuple allait se lever pour prendre le pouvoir (en vérité : pour le lui rendre) et hop ! tout le monde à l’assaut du Capitole.

Un peu de politique fiction ? Mélenchon vient de l’annoncer: Les Français se sont emparés  de l’Assemblée nationale ! Ils ont été rejoints par le Président du Sénat : « Allez-y les gars ! Je suis avec vous, leur a-t-il dit, avec l’accent de Philippe Egalité (avant décapitation évidemment) ». Pendant ce temps, Trump s'écriait: Ça y est ! Après des élections de mid-term, dramatiques pour Joe Biden, Donald pouvait relancer la conquête du Capitole. Les rednecks, les « joe  c'est l'Amérique» ont envahi un lieu de pouvoir dont on les avait écartés.

Au fait, j’y pense à l’instant : je n’ai pas du tout expliqué pourquoi Mélenchon serait un Trump de gauche. Sans m’en rendre compte, je les ai comparés mais je ne les ai pas opposés. Peut-être Mélenchon ne serait-il pas de gauche comme Trump ne serait pas de droite ! Ils seraient les mêmes sauf qu’ils ne vivent pas dans le même pays.

Il est vrai que ce que Trump a dit « Nous nous engageons à défendre la vie innocente et à défendre les valeurs judéo-chrétiennes » auraient pu être clamé par Mélenchon. Et je suis sûr que Trump aurait aimé « je hais ces mensonges qui vous ont fait tant de mal ».
C’est très simple : ils ont le même programme, ils ont le même électorat, ils ont le même discours, et tous les deux ils ont envie de faire la paix avec Poutine.

 

Informer, s’informer,
ici, maintenant, tout de suite.

 

Rester en prise avec le monde d’aujourd’hui, avec les faits « Actually ». C’est une injonction de plus en plus pressante. L’actualité est un fardeau incontournable. Pour rester actuel, pour ne pas se retrouver perdu dans le fossé le long de la route, nous devons nous soumettre à l’exigence du moment qui court et que nous ne pouvons pas ne pas suivre.

L’actualité n’est pas un foisonnement de faits, d’idées, d’évènements, ni une pluie de tweets, ni un déversement de données truquées ou vraies. L’actualité, parce qu’elle parle d’aujourd’hui, et pas d’hier, et pas davantage de demain, ne peut contextualiser ou, dit autrement, mettre les faits, les idées et les évènements en perspective.

Les perspectives de l’actualité ? Des faits, des idées, des évènements du passé déversés dans l’instant de l’actualité comme il faut bien, dans la soupe, jeter du sel, du poivre et quelques piments pour en relever le goût. Juste des ingrédients qu’on pioche un peu au hasard. Parfois c’est pour faire joli. Reliques du passé posées sur une commode, extraites d’un vieux coffre aux serrures rouillée, au cuir poussiéreux.

En vérité, « du passé faisons table rase »! : il est encombrant. Il est exigeant.  Pour être utile au service de l’actualité, il faut le connaître, l’apprendre, le débusquer et accepter de le faire sortir des oubliettes où il avait été soigneusement remisé. Apprendre, chercher, travailler ? On ne va quand même pas s’encombrer l’esprit des vieux faits, des idées vieilles et des vieux évènements. Pire encore, voilà bien une idée farfelue d’inconscients empêtrés que celle qui prétendrait jauger et filtrer l’actualité avec les vieilles routines et les instruments du passé.

Mais surtout l’actualité nous dit que c’est bien beau de penser, peser et croiser les informations, les pensées et les évènements : le monde avance que diable ! Si on ne veut pas prendre du retard, on ne peut pas prendre son temps. Les « cailloux blancs » sont des ralentisseurs et comme on ne reviendra jamais en arrière, ils gêneront une marche agile et libérée.

Cela ne veut pas dire que l’actualité ne sait pas ses limites. Faire foisonner les faits, les idées, les évènements, c’est un pur idéal, qui rencontre très vite ses limites sur le plan pratique. Foisonnement n’est-il pas synonyme de dispersion, de fouillis, d’accumulation désordonnée ? Foisonner, c’est distraire, et, faute de concentration, c’est s’ouvrir à l’informe et au vide.

L’actualité pour marquer son tempo, doit frapper. Pas question d’administrer en goutte à goutte une distillation de faits ou d’idées. Ce serait un contre-sens. L’actualité se survit à elle-même et à l’instant dans lequel elle s’inscrit, à condition de frapper les esprits, vite et fort.

L’actualité est parente du coup de poing, du coup de bourse, du coup de force… c’est un coup donné et en cela, il doit être précis pour aboutir, ciblé pour bien toucher, concentré pour mieux s’enfoncer. Elle doit assourdir, aveugler, sidérer. C’est qu’il faut qu’elle s’incruste. Car demain, l’actualité d’aujourd’hui sera menacée d’effacement. Elle aura quitté l’instant présent pour commencer à s’enfoncer dans l’abime sans retour du passé.

Alors s’engage une lutte terrible pour la survie. C’est étrange, n’est-ce pas, que ce qui est d’aujourd’hui et qui le proclame haut et fort, s’efforce de continuer le lendemain ! Et ainsi de tenter de s'approprier l’avenir et de faire passer pour un aujourd’hui ce qui appartenant à hier… L’actualité, lutte sans cesse pour ne pas couler, pour transcender l’instant et lui donner davantage de chair, c’est-à-dire, ralentir la course du temps… L’actualité cherche par tous moyens à s’attribuer un petit morceau d’éternité.

Si cette recherche n’avait pas de sens, alors, l’exigence d’actualité, la mise sur piédestal de l’instant n’auraient pas de sens et toute une quantité de petits métiers et de grands bouleversements technologiques seraient inutiles.  

Jeux de mots que tout cela. Jeux de temps, jeux avec le temps.
Jouons ! L’actualité est un temps opérationnel quand le passé est un temps confessionnel. Et l’avenir? Un temps confusionnel!

L'inflation, l'inflation toujours recommencée

 

« La mer, la mer, toujours recommencée »

En pensant à l’inflation je sentis ce vers extrait du Cimetière Marin remonter du plus profond de ma mémoire et devenir "L’inflation, l’inflation toujours recommencée". Nous voilà retournés dans des temps « Que les moins de vingt ans/Ne peuvent pas connaître… »

 

« Elle est retrouvée ! quoi ? l’inflation ! »

N’a-t-on pas l’impression que cela fait des siècles qu’on en parle, qu’on la chante et qu’elle déchaine des passions syndicales ? Ne voit-on pas qu’elle revient en ce moment même où les peuples s’agitent et se veulent querelleurs ? N’est-il pas vrai qu’une façon de se montrer volontaire sous le regard de l’électeur commun consiste à se porter en tête de la lutte contre l’inflation qu’on voudra "sans merci": on ne fera pas de prisonnier.

 

Ferais-je du mauvais esprit ? J’oublierais la France souffrante, celle qui recherche, nos plateaux-télé en sont les témoins outragés, le meilleur prix dans les réclames, les pâtes pas chères (si achetés par 50 kilos), l’essence en Espagne parce qu’elle y est moins chère (même au prix de 100 km de détour).

 

Bien sûr que je fais du mauvais esprit. Allons, je vais me rattraper et dénoncer ceux qui ne sont pas victimes de l’inflation, ceux sur le dos desquels, elle glisse comme l’eau sur les plumes d’un canard, les rentiers. Il est très clair que le rentier, être haïssable à ce point qu’un britannique modéré comme Keynes voulait l’euthanasier, n’est pas vraiment touché par la valse des étiquettes. Quand vous épargnez 40% de votre revenu, l’inflation ne vous concerne que de façon très limitée ! On n’insistera pas sur l’injustice qui en découle. Mais aussi, attention! Il est des consommateurs qui parviennent à échapper à certaines hausses des prix : le cycliste, le piéton ne souffrent pas de l’explosion des prix des carburants. Il ne faut pas non plus oublier que les Français ne roulent pas plus de 25 km par jour pour ceux qui se déplacent en automobile.

 

Si je voulais être provocateur, je tiendrais pour vrai cette idée qui tend à se répandre : chez Hermès, le prix des sacs Birkin est resté stable.

 

Je crains qu’à soutenir ce genre de proposition, on en vienne à penser que l’affaire de l’inflation est un truc gouvernemental qui succéderait au covid pour maintenir la pression sur nos concitoyens et les inviter à obtempérer aux recommandations des pouvoirs publics. L’inflation serait un moyen de les culpabiliser et de mettre leurs velléités d’indépendance sous le boisseau.

 

Reconnaissons qu’il est des comportements surprenants dans cette « soi-disant » période inflationniste. Pendant que la ménagère économe se précipite sur les soldes et les opérations « pouvoir d’achat » des grandes surfaces, ces dernières se livrent à des promotions de plus en plus impressionnantes pour des produits de première nécessité : la demande pour les barbecues serait en passe d’exploser. Tous les Français (ou à peu près) ont un jardin. Tous les Français ont des copains. Donc les parties « barbecue » explosent. Donc, la demande de barbecue...

 

D’après les études menées sur ce thème : les gens qui luttent contre la montée des prix des denrées alimentaire et de l’essence sont souvent les mêmes que ceux qui achètent des barbecues. Je ne parlerai pas des piscines et des croisières sur de gigantesques bateaux.

 

Pour pimenter le tout, même la finance s’y est mise : on a vu passer une étude très sérieuse indiquant que « malgré l’inflation, les Français vont accroitre leur épargne ».

L’inflation est maintenant prise en charge sur les plateaux-télé? C’est un mauvais signe pour la stabilité de la société française et pour la tranquillité des esprits. L’inflation, n’est-elle pas l’ennemi des classes moyennes ? Or, les classes moyennes, les plateaux-télé sont fermes sur ce point, souffrent. L’inflation disent-ils les fera davantage souffrir. Les plateaux-télé s’en feront la caisse de résonnance. On les a vus à l’œuvre dans la fameuse affaire du covid. On les sait très compatissants vis-à-vis de la France des banlieues et des petits bourgades méritantes du pourtour du Massif central. Ils n'ont pas hésité à demander des comptes à nos gouvernants :"Mais font nos gouvernants"

 

Les plateaux-télé pourraient bien recruter Raoult et l'inviter à proclamer les mérites de sa chloro-truc dans le traitement de l’inflation. Il faudra alors s’attendre à ce que le slogan « Mais que font les pouvoirs publics ? Soutien au professeur Raoult! » deviennent la nouvelle scie des manifestations anti-inflation et antivax.

Quand le dollar monte, le bitcoin baisse, entre inutilité et effondrement

 

Les observateurs des monnaies cryptées pensaient sûrement qu’ils allaient pouvoir se concentrer sur ce que le bitcoin sait faire : mettre de côté les fabricants de monnaies souveraines bidon et protéger le petit épargnant contre les manifestations malfaisantes de l’inflation et de la volatilité du dollar (pour ne parler que de celui-ci).
 
Donc, le bitcoin étant apaisé pourquoi en parler, pourquoi le mettre à nouveau sur le devant de la scène financière ?
 

Le Bitcoin dévisse, crise de la maturité ou crise de vieillesse ?
 
Il faut répondre aux questions qui se posent de façon directe et simple : l’inflation et le dollar. Le bitcoin, c’est entendu depuis que les monnaies cryptées sont cryptées, devait permettre à ses « porteurs » d’être protégés contre l’inflation, mieux que l’or, mieux que le dollar (on a envie d’ajouter, et mieux que l’immobilier).
 
Or, dans le contexte actuel de hausses des prix, de hausses des taux d’intérêts, de hausse du dollar contre toutes monnaies mais surtout contre euro, le bitcoin, loin de se tenir fidèle au poste, soudé à la rambarde et se tenant ferme face à la tempête, vient de dévisser, ou, plus exactement, continue à dévisser. Il avait réussi l’ascension des 70 000 (dollars l’unité). Il avait plongé à 45 000 presque dans la foulée. Le voilà maintenant au niveau de 25 000, faisant replier sa capitalisation boursière de près de 50% soit 500 milliards ! Relevons que c’est déjà arrivé et que cela ne devrait étonner personne. En revanche, voici ce qui est nouveau : il suit une courbe descendante alors que le dollar suit une courbe ascendante et alors même que l’inflation explose.
 

Où est l’erreur ?
 
Peut-être dans nos remarques : les défenseurs de la monnaie cryptée reine, n’ont cessé de le dire, le bitcoin ne doit pas être jugé dans l’instant des salles de marché, ni dans les cotations sur de trop courtes durées. Le bitcoin, parce qu’il est essentiellement nécessaire, ne devrait pas subir un très long revers : il reviendra dans des hausses fulgurantes, il s’arrimera à « 100 000 à la fin de l’année », et puis, il ne serait pas surprenant qu’on tangente le million quelques années plus tard. Il faut savoir attendre.
 
Et pourtant, selon un observateur « Il est important pour le bitcoin de se redresser, car un passage sous ce cap symbolique (32 000) pourrait entraîner un effet domino et les pertes pourraient s'accentuer », et de répéter que le bitcoin est « un actif à risque ». Si tel est le cas comment a-t-on pu penser qu’il serait stable comme l’or et un rempart contre l’inflation ?  En cause, l’éloignement d’Elon Musk, trop occupé ailleurs pour s’occuper de ce qui l’a amusé un temps ? Difficile à croire : Elon Musk n’est pas la seule « grosse baleine » à porter le Bitcoin.
 

Le bitcoin ou la lutte des plus-values contre les rendements
 
Le placement que fit E.Musk, était-il à risque ? Pour le patron de Tesla, surement pas ! Cela ne jouait que sur une fraction de ses liquidités et d’ajouter que les taux d’intérêts des placements de trésorerie en monnaies « fiat » étaient si bas qu’il valait mieux s’en éloigner.
 
Les taux d’intérêts qui n’avaient pas cessé de plonger donnaient raison à E.Musk. Les placements classiques, en dettes souveraines ou en dettes d’entreprises, donnaient des rendements extraordinairement faibles quand ils n’étaient pas négatifs. Cet affaissement du rendement se diffusait sur les usances. La France en vint, malgré une situation économique un peu fragile à emprunter sur 25 ans à des taux négatifs. On s’interrogeait sur la santé mentale du monde financier et on courait vers les « offreurs de papier » pour arracher des morceaux de dettes souveraines ou privées.
 
Parmi les conséquences de cette « folie », la folie des plus-values ou autrement formulé, la folie des achats d’actions, parts, et autres valeurs mobilières. La folie aussi de valeurs mobilières qui ne sont ni des actions ni des obligations : les ICO’s.
 
Enfin, bouclant la boucle : la recherche de plus-values était amplifiée par une dette quasiment sans intérêt, distribuée largement pour financer des opérations en capital.
 
Les derniers moments d’euphorie ont vu le bitcoin adopté comme monnaie légale par le Salvador… sans que la population se soit précipitée sur cette innovation monétaire. Tout récemment, c’est la RCA, République Centre Africaine, deuxième pays le plus pauvre du monde qui s’y lançait, malgré les observations de ses pairs africains.
 

La hausse des taux, la baisse des cryptos
 
On en revient donc à cette question : Pourquoi le bitcoin, en pleine crise de tout, des devises, des taux d’intérêts, des cours de bourse, ne se présente pas à nous comme le protecteur qu’on annonçait ? On peut admettre qu’en tant que monnaie il n’ait pas été convaincant. Qu’il a dû affronter ses pires ennemis, les banques centrales. Qu’en tant que monnaie, la présence de « grosses baleines » spéculant sans cesse était incompatible avec la mission de service public que doivent assumer toutes les monnaies. Qu’en tant que moyen de paiement sa lenteur et les coûts de fonctionnement le disqualifiaient.  Donc, exit le réve de la monnaie universelle, libre et indépendante. Mais, ici, on lui demandait surtout de faire ce qu’il avait claironné sur tous les toits : protéger. Il aurait dû se substituer à l’or, cette « relique barbare » comme Jacques Rueff l’avait suggéré en son temps. Il aurait dû se substituer au dollar dont les fluctuations sont aussi nocives que sa dépendance aux bonnes volontés politiques d’un seul pays.
 
En vérité, il s’est égaré dans l’univers impitoyable des « spielers ». Les fameuses « grosses baleines » accompagnées des gros spéculateurs dans le genre Elon Musk, ont été suivies par une myriade de petits épargnants qui se racontaient les merveilleuses histoires des malins qui avaient acheté à 100 et revendu à 70000.

Le nœud du problème est ailleurs : un nombre considérable d’opérations sur bitcoin était appuyé sur des effets de levier complètement déraisonnables faisant du bitcoin un actif financier pur ne reposant sur absolument rien que des espoirs de gains en plus-value. Dans ce domaine, moins l’investissement en fonds propre est élevé plus les multiples de gains sont élevés. Donc, de nombreux acteurs économiques se sont endettés profitant d’intérêts qui étaient réduits à leur plus simple expression pour constituer des portefeuilles composés majoritairement de monnaies « crypto » dont le bitcoin et obtenir une surmultiplication des gains. Le système bancaire n’a pas été innocent dans cette affaire. L’argent que les banques centrales déversaient pour faire face aux crises successives, subprimes, crise de la dette, Covid, a été, faute d’opportunités d’investissements, affecté à de pures opérations financières appuyées sur des valeurs sans sous-jacent solide, sans réalité économique.
 
Or les intérêts remontent sous l’impulsion des banques centrales provoquant des baisses sur placements financiers et tout particulièrement ces placements en actifs qui n’ont aucun sous-jacent et qui donc ne rapportent rien. Il en résulte logiquement des révisions drastiques de composition de portefeuille. Comme il se doit, les emprunts consentis affectés à des actifs sans rendements, sont les premières victimes des arbitrages.
 
C’est ainsi que Le Bitcoin baisse alors que les taux d’inflation progressent de même que les taux d’intérêts, de même que le dollar. Le bitcoin est le produit d’un moment particulier de l’économie monétaire mondiale : la surabondance voire l’exubérance de la liquidité. Le retour aux fondamentaux ne sera pas une bonne nouvelle pour le bitcoin ni pour aucune crypto-monnaie.


 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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En collaboration: Institut de l'Iconomie

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