The Greater Fool Theory

 

Dans le débat sur les crypto-monnaies, le bitcoin en particulier et les ICOs actuellement, la théorie dite du « greater fool » a été citée à de nombreuses reprises.

Plusieurs théories ont cherché à « rationaliser » des comportements perçus comme irrationnels. Parmi elles la théorie du mouton de Panurge convertie en « pro-cyclicité » où la foule des acteurs (sociaux, villageois, économiques etc), suit passivement un mouvement économique ou les idées d’un leader ou d’un groupe de tête qui donnent implicitement ou explicitement la direction à suivre.

En revanche, dans le cas de la théorie du Greater fool, c’est l’aptitude des agents à s’auto-leurrer rationnellement qui est en jeu. Si le déroulement s’apparente au précédent. L’étincelle initiale part de tout autres prémices qui montre que des valorisations irrationnelles s’appuient sur des stratégies rationnelles.

 

Panurge et les procycliques

 

Il fut un temps où on aurait longuement parlé des phénomènes d’élasticité. Elasticité d’un prix par rapport à un autre, d’un taux de croissance par rapport à un investissement etc. Cette notion avait pour ambition de mettre en rapport des grandeurs dont on montrait qu’elles fonctionnaient en relation les unes avec les autres. Ainsi, chacun a appris que la consommation d’eau est insensible aux prix (on ne peut pas se passer de boire même si le prix de l’eau est démentiel) : la demande d’eau était donc inélastique par rapport au niveau des prix. L’élasticité de la consommation de denrées de luxe était supérieure à 1 par rapport à la croissance économique. Quant à la demande de titres et de produits financiers elle était en très forte relation avec la hausse des cours….En d’autres termes, la demande pour les valeurs financières croissait à un rythme supérieur à la hausse des prix de ces valeurs. Cette notion avait parmi ses vertus celle d’être fondée sur une approche pragmatique de l’économie réelle.

 

On nomme aujourd’hui ce mécanisme : « pro-cyclicité ». Le mot permet de parler de façon plus « sérieuse » et « savante » du complexe du mouton ou du joueur de flûte. Quand on observe les agents économiques la tendance qui en ressort est « moutonnière ». Bon nombre d’économistes misanthropes ajouteraient que l’histoire de l’escroquerie démontre sans cesse la vérité de la notion de pro-cyclicité. Un bon escroc est celui qui arrive non seulement à raconter une histoire séduisante mais aussi de déclencher des mécanismes de type « Boule de neige » qui font tout le profit d’une escroquerie bien menée. Bon nombre d’économistes diraient qu’il en est des Bulles comme il en est de l’escroquerie, c’est le sous-produit du comportement de base des acteurs économiques, leur caractère moutonnier, leur suivisme naturel qui en sont le ressort. Si la théorie classique des prix s’appliquait dans toute sa pureté (plus les prix montent, moins les volumes demandés sont élevés) on ne pourrait pas avoir de pro-cyclicité (plus les prix montent, plus les volumes demandés sont élevés).

 

« La théorie du greater fool » ou « le Concours de beauté de Lord Keynes »

 

Ce dernier écrit dans son livre-culte, « la théorie générale de la monnaie, de l’intérêt et de l’emploi », que le comportement financier des agents économique « peut être comparée à ces concours organisés par les journaux où les participants ont à choisir les six plus jolis visages parmi une centaine de photographies, le prix étant attribué à celui dont les préférences s’approchent le plus de la sélection moyenne opérée par l’ensemble des concurrents. Chaque concurrent doit donc choisir non les visages qu’il juge lui-même les plus jolis, mais ceux qu’il estime les plus propres à obtenir le suffrage des autres concurrents, lesquels examinent tous le problème sous le même angle. Il ne s’agit pas pour chacun de choisir les visages qui, autant qu’il en peut juger, sont réellement les plus jolis ni même ceux que l’opinion moyenne considérera réellement comme tels. Au troisième degré où nous sommes déjà rendus, on emploie ses facultés à découvrir l’idée que l’opinion moyenne se fera à l’avance de son propre jugement. Et il y a des personnes, croyons-nous, qui vont jusqu’au quatrième ou au cinquième degré ou plus loin encore ».

 

Dans le cas des monnaies cryptées et du bitcoin, cette théorie illustre pourquoi, un actif qui n’a aucun sous-jacent plausible, peut se permettre des cours incroyables. Pour formuler leur opinion sur un prix ou une attente sur l’évolution du prix d’un actif financier, les investisseurs rationnels devraient s’appuyer sur des analyses, sur des évaluations, des projections contextuelles etc, mettant les résultats en regard avec des perspectives de marché.

 

Or, Keynes estime que ce n’est pas ainsi que les choses se passent : pour formuler leur prix d’un actif, les investisseurs « rationnels » donnent plus d’importance au fait de deviner ce que les autres investisseurs pensent de ce prix. Mais aussi, ils tiennent  compte de ce que ces derniers pensent de ce que les premiers ont pensé et ainsi de suite.

 

L’attitude est rationnelle : l’acheteur de la valeur se décide après avoir cherché à évaluer le comportement des autres acteurs mais son irrationalité repose sur le fait qu’il formule une valorisation fondée sur la formulation d’une valorisation. La question a intéressé les mathématiciens, cette succession d’opinions en cascade s’interrompt nécessairement en raison des limites même de l’esprit humain.

 

On doit enrichir cette vue keynésienne du cas particulier du « greater fool ». Dans les lignes précédentes, on peut estimer qu’après tout il peut être raisonnable de tenir compte de l’opinion des acteurs sur le marché. De fait, seuls le investisseurs « longs » restent obstinément appuyés sur l’analyse rationnelle de la valeur. Les investisseurs « courts » qui ne veulent que dégager des plus-values sont conduits à sur-valoriser les signaux reçus du marché, c’est-à-dire des tendances acheteuses et vendeuses et de leurs traductions dans les prix actuels et futurs.

 

L’investisseur de la « greater fool theory », part quant à lui, de l’idée qu’il se fait non pas de l’actif et de sa valeur expertisée, il part du marché et de ses mouvements à la hausse. Il va accepter d’acquérir des actifs à des prix insensés par rapport à leurs valeurs concrètes non parce qu’il est convaincu d’avoir raison dans un marché d’ignorants mais parce qu’il est convaincu que le marché est animé par des acteurs en quête de profits rapides qui vont se lancer dans des achats à des prix encore plus surévalués, convaincus qu’ils sont eux-mêmes que les prix vont continuer à flamber et qu’ils trouveront un « greater fool » plus fool encore !!!

 

Les fans du bitcoin ne raisonnent pas sa valeur en s’appuyant sur l’utilité économique et l’efficacité opérationnelle de ce qu’ils nomment une monnaie (même si la logomachie bitcoinnienne repose sur le caractère monétaire de leur actif fétiche). Ils raisonnent « valorisations himalayennes » : la valeur du bitcoin va vite passer à 50 000 dollars, puis  500 000, puis 1 million…

 

L’acheteur initial est donc un « fou » qui achète à des prix de « fous » parce qu’il est certain qu’il pourra revendre à un « plus fou » (greater fool) à des prix encore plus fous !!! cette revente n’étant possible que parce qu’un autre « greater fool » se manifeste et ainsi de suite.

 

Evidemment, quand le mouvement s’inverse….

 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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