Or islamique, or métallique, or numérique

Cet article est paru dans le Huffington post.

 

L’or métallique, l’or numérique, l’or « Islamique ».

Voilà un petit moment qu’on évoque la question du financement de l’EI. Les rumeurs succèdent aux rumeurs. Les uns annoncent des émissions monétaires fondées comme au bon vieux temps sur l’or et l’argent et même il y aura des pièces divisionnaires en cuivre. Les autres qui cherchent à voir la modernité à l’action dans ce mouvement fanatique annoncent qu’on a aperçu au loin dans les profondeurs insondables du big data des mouvements de fonds en bitcoin passés par « l’internet de l’ombre ». Comment interpréter des messages aussi contradictoires entre régression et modernité, entre or frappé et monnaie virtuelle, entre intox et manipulation.

Bitcoin et or : les mêmes sous deux espèces

La tentative monétaire de l’Etat Islamique est intéressante à plus d’un titre : elle s’appuie d’un côté sur le côté magique de l’or, valeur universelle, métal fabuleux, don des dieux.

L’or, surtout, est une monnaie qui n’est pas fabriquée par le système bancaire (dont tout le monde sait qu’il est éhonté, américain et affligé d’autres maux monstrueux). L’or est comme la terre, déclarent les djihadistes financiers, « il ne ment pas »… (sauf quand c’est Philippe le Bel qui est au commande). L’or est pur alors que la monnaie fabriquée par les banques est impure. On comprend donc que la symbolique soit très forte. On se dit même que les financiers en question pourront au nom de la foi, payer les achats de l’Etat Islamique en or, saint et pur, dans des conditions nécessairement meilleures qui si le paiement avait eu lieu en papier-monnaie émis par les grands et petits « Satans ». Un commerçant payé par l’Etat Islamique en or, ne pourra pas ne pas offrir des conditions de prix à la hauteur du moyen de paiement. D’un côté, en Occident, les pratiques infidèles conduisent à rogner la monnaie, de l’autre, en Orient, les pratiques honorables conduisent à rogner les prix, c’est-à-dire les prélèvements que font les riches commerçants sur les pauvres consommateurs et les services nobles d’un Etat pur.

Le bitcoin aurait-il sa place dans cet univers où luit le soleil de la foi et scintille ses espèces les plus terre à terre ? Le bitcoin ne se déploie-t-il pas dans l’ombre ? Ses circuits comme d’autres crypto-monnaies l’ont conduit à compenser des transactions en marge des sociétés occidentales, drogue, commerce des armes, sexes en tous genres ? Est-il imaginable qu’un Etat pur puisse recourir à des moyens et méthodes aussi glauques ?

Oublions dans un premier temps ces considérations de morale stratosphérique, et pensons l’éventuel rapprochement de ces deux moyens de paiement. Le bitcoin n’est pas autre chose que de l’or numérique. Tout le folklore qui entoure sa genèse, son processus de monétarisation et son déploiement en tant que méthode de paiement a pour parallèle l’or et son environnement. L’or aurait selon quelques théologiens « purs » été apporté aux hommes par le ciel. Le bitcoin, né de père inconnu, a été lui aussi donné aux hommes dans les mêmes conditions métaphoriques. Pour le trouver, comme pour l’or, il faut des mines, dans les mines il faut déployer des mineurs. Le bitcoin pur est un produit de minage.

L’or tire sa force de pureté chimique, le bitcoin le tire de la mémoire absolue qu’il conserve de toutes les transactions où il est intervenu. Ni l’or, ni le bitcoin ne naissent entre les mains de spécialistes de l’usure et du change. Point de banquiers, tous occidentaux et sataniques. Le bitcoin sorti des ondes quantiques de milliers d’ordinateurs est bien comme l’or sorti du feu des forges.

L’or disait Dostoïesvski c’est de liberté frappée. Le bitcoin est de la liberté computée.

Or et bitcoin, entre reliques et anathèmes

L’argent (l’or en fait) et les bitcoins auraient-ils en commun de ne pas avoir d’odeur ? On pourrait spontanément affirmer que c’est bien le cas. Les bitcoins seraient pour l’Etat islamique un moyen de procéder à quelques compensations internationales et à obtenir le paiement d’œuvres antiques commercialisées sous le manteau. Il permettrait d’assurer l’écoulement de la drogue produite et du pétrole volé. Ces échanges, les promoteurs du bitcoin ne cessent de le proclamer, sont anonymes et multinationaux. Ils se jouent des frontières, des banques et des monnaies qui sont sous leur contrôle. Viendraient-ils apurer des transactions douteuses ou même criminelles ? Cela ne concerne pas l’Etat Islamique sur le plan moral, même s’il y participait, puisque l’objet de ce moyen de paiement répond aux besoins d’une cause pure.

Les monnaies cryptées sont donc de purs moyens de compenser des opérations menées avec un monde pourri dominé par les « satans ». Et surtout, ces monnaies ont le grand mérite d’éviter ces procédures complexes qui contraignent à inventer des structures sans nombre pour que l’argent-impur comptabilisé dans les banques ne puisse être identifié, pour que les transactions ne puissent être suivies par ces mêmes banques prêtes à ouvrir leurs livres aux curieux, pour enfin se passer de tous ces intermédiaires douteux, commissionnaires inutiles et parasites dont la fidélité ne se mesure qu’à l’aune de l’argent dont on les arrose.

Elles sont de l’or numérique dans tous les sens du terme avec une différence de poids : elles ne sont pas lourdes et difficiles à transporter lorsqu’il s’agit de sommes importantes.

L’or est un test de pouvoir. C’est une affirmation de souveraineté. L’or, pour un souverain, c’est la force du seigneuriage, ce procédé fiscal qui le conduit à décréter que la monnaie émise a une valeur supérieure à la matière dont elle est faite. Il n’y a de monnaie d’or que lorsque le souverain a assuré les porteurs qu’ils pouvaient l’accepter en toute confiance et qu’ils pouvaient le faire circuler en toute bonne foi.

Pour autant, l’or « islamique » frappé en pièces de monnaies est-il crédible ? Le souverain qui bat cette monnaie lui confère-t-il confiance et croyance pour qu’il soit accepté en tant que monnaie de transaction ? Avant de répondre à cette question « basique », on notera que l’émission monétaire qui aurait été lancée porte sur deux pièces d’or, l’une de 1 « dinar or » pèse 4,25 grammes d’or, soit 164 dollars, et celle de 5 dinars, 820 dollars. A l’origine, cette émission aurait utilisé un trésor estimé à 425 millions de dollars abandonné par les autorités irakiennes.

Dans un pays où la vie ne vaut rien dans tous les sens du terme, des monnaies de cette importance unitaire ne peuvent pas servir à payer quoi que ce soit. Ces monnaies, marquées à ce point par, à la fois l’origine douteuse du métal et les horreurs commises par le « souverain » qui les frappe, ne trouveraient pas facilement preneurs. Sauf auprès de numismates « border line » ou de collègues en conviction religieuses extrémistes. Clairement, les trafiquants en tous genres qui trafiquent avec l’Etat Islamique préfèreront toujours les bonnes vieilles monnaies occidentales. Ils auront aussi un faible pour le bitcoin malgré ses crises de hausses ou de baisses. C’est moins voyant et cela saute les frontières plus facilement qu’un petit millier de pièces d’or.

Il faut donc ne pas trop s’emballer sur cette fantaisie monétaire. Les monnaies d’or française, ont valeur monétaire puisqu’elles sont émises avec une valeur faciale par le Trésor français, mais elles ne serviront pas de moyen de paiement ? La bonne monnaie file toujours directement dans les coffres et sous le charbon dans les caves. La monnaie des Emirs terroristes suivra le même chemin. De temps à autre elle en ressortira : lorsque l’Etat à court d’or ira récupérer les stocks chez ceux qui les auront entassés avec des idées de spéculation, devenant par là-même infidèles à la pensée du prophète qui jugeait que l’argent ne peut pas faire de petits.

Et ce sera tant pis pour eux. Au lieu de se soucier des monnaies d’or, il vaut mieux tracer les vrais filières par où passe l’argent des terroristes de l’Etat Islamique.

 

 


 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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