Anastassia Bordeau

Anastassia Bordeau

Travelling ou « Rien de trop »

Chez BOA,

11 rue d’Artois, du 31 mars au 30 avril

 

 

 

Peut-on décréter aujourd’hui la fin de l’art abstrait après l’extinction des cubismes et l’érosion lente des expressionnismes ? Bon nombre de ces « ismes » qui ont « fait » l’art dans les cent dernières années souffrent. Ils plongent les uns après les autres dans l’académisme. On sait « faire » du Cobra. Les jeunes artistes, sans trop d’imagination, savent « dripper » à la Pollock, brosser à la Zao wou ki, sérigraphier à la Wharol ou faire des puzzles comme Poliakoff. Ils connaissent la technique. Avec de l’exercice et de la technique, ils vous font parfois des œuvres presqu’aussi bien sinon meilleures que les visionnaires d’autrefois. Les vieux visionnaires ! Rappelez-vous : après Monet, après « impression, soleil levant en 1872 » un monde nouveau émergeait. 140 ans après, on trouve toujours des peintres impressionnistes. Ils continuent à exploiter le filon comme les feuilletonistes du XIXème siècle pissaient de la ligne !

 

Quel rapport avec Anastassia Bordeau ? Si on décrète la fin de l’art qui a dissous ou disloqué les formes, alors, ne devra-t-on pas annoncer, que cet art se finit parce que, de nouveau, les formes reviennent et les figures et les personnages. Ne devrait-on pas dire qu’Anastassia Bordeau fait partie de cette génération qui a décidé de ne plus simplement regarder les fissures dans les murs, la poussière entre les lames de parquet ou l’insondable profondeur des espaces qui effraient. Elle ferait corps avec une génération nouvelle qui retrouve les formes et les gens. Peintres d’un renouveau de la figure, devra-t-on les nommer « nouveaux réalistes », « néo-nouvelles figurations » … Peu importe les « ismes », ils viendront à coup sûr, n’en doutez pas. Il faut bien que les critiques vivent.

 

Anastassia Bordeau a posé son chevalet devant un imaginaire où se déploient un très beau talent artistique et des images mystérieuses. Parlons talent avant d’évoquer les mystères. Entre deux expositions que je connais d’elle, Anastassia, a conquis patiemment une maîtrise remarquable de son art. Quelqu’un a dit que si on voulait définir l’art Français, trois mots suffiraient : « rien de trop ». Hommage rendu au classicisme ? Mais aussi que dire d’autre du tableau de Monet cité plus haut ? « Rien de trop » revient à enlever, enlever sans cesse, pour que ne reste que l’essentiel, l’idée qu’on poursuit, l’image qu’on veut montrer. On pensera à Boileau :

 

« Et ne vous chargez point d’un détail inutile.

Tout ce qu’on dit de trop est fade et rebutant … »

 

Regardez attentivement les tableaux récents d’Anastasia. Clarté du dessin, simplicité de la mise en page, harmonie des parties, limpidité du motif. Rien de trop. Tout est maîtrisé et participe très clairement de l’intention de l’artiste.

 

Dire un mystère.

 

Les œuvres exposées depuis quelques temps poursuivent une recherche dans la sombre clarté des stations de métro, la nuit, celle des salles de spectacles, celle des villes, le soir. Le mystère réside dans le spectacle, installé dans le spectacle, offert en spectacle aux regardeurs, qui, pour un bon nombre d’entre eux, quittant les cimaises et rentrant chez eux, se découvriront dans la vraie vie plongée dans le mystère d’une vie de spectacle : leurs quais de métro favoris !!!

 

Anastassia Bordeau serait-elle une adepte de Scarron ? L’histoire dans l’histoire de l’histoire. La comparaison serait amusante si ce n’est que si on voit bien le romanesque, en revanche le burlesque est absent de son travail. Le thème du théâtre est pourtant présent sans cesse et obsessionnel. Des stations de métro comme lieux de spectacle donnent à voir de grands moments du cinéma en noir et blanc. Le mystère est là. Les grands emplacements publicitaires deviennent les écrans sur lesquels sont projetés les films les plus marquants du siècle dernier. Ce passé qui jaillit en images iconiques sur ces écrans étonnants, se déploie en noir et blanc, dans un présent, sombre, nocturne, aux lumières rares et aux couleurs d’ombres où le rouge domine. Jaillissement pour qui ? Pour nous qui regardons depuis l’autre quai, cette scène étrange. Pas pour les « usagers » qui attendent, déambulent, lisent et ne se soucient pas de cette irruption du passé dans le moment présent. Ils seraient plutôt qu’acteurs des figurants posés sur la scène, postés sur elle, par-delà les rails et la barrière noire du quai opposé.

 

Nombreuses sont les stations aux murs rouges. Rouge du théâtre comme dans les tableaux montrant des salles de spectacle vides de spectateurs où le rouge fait nombre et fait vie. C’est là une partie du mystère.

 

L’attente est magnifiée mais le mystère ne pas réside dans des postures, il est là dans cette irruption théâtrale du passé au sein de notre présent, l’indifférence des usagers sur le quai laisse planer une question dans la question. S’ils sont dans le lieu du spectacle, sont-ils parties au spectacle ? Mais qui peut dire avec certitude que la jeune femme qui regarde l'écran qui la domine, voit une image du passé. Peut-être, considérant un espace publicitaire ne voit-elle qu'une publicité? Comme, dans les rues vides de toutes foules, noires de nuit, seuls fanaux, seuls points de repère, seuls abris contre l'angoisse du noir de la nuit, se dressent éclaboussant de lumière des abris "Decaux". Ils offrent un spectacle au passant. Ils en sont la scène et les rampes de lumière. Ils projettent des images et des rêves, scènes virtuelles, comme sont virtuelles les scènes vides des cinémas aux fauteuils rouges, comme sont irréelles les scènes de cinéma en plein air.  

 

Parfois, on penserait à Magritte ? Le calme et la sagesse de la mise en page constituent des points communs avec le maître. Le mystère des évidences aussi, à cette différence qu’Anastassia Bordeau aime la nuit. Exeunt donc les bleu-ciel de Magritte et sa ligne claire sans ombre d’un midi toujours recommencé. Il n'y a pas d'ombre non plus dans les peintures d'Anastassia. Il n'y en a quasiment pas dans sur les quais du métro, mais c'est différent, il n'y a pas de midi non plus. il y a de la nuit, partout, sans cesse dans les tableaux d'Anastassia. Avec elle nous sortons, ce soir. Il fait nuit. Elle nous emmène au théâtre. Nous ne serons pas surpris comme on pourrait l'être devant les rébus de Magritte.

 

Ne pourrait-on pas penser à Hopper et à ses peintures nocturnes. Aux bars qui écartent la nuit, aux pompes à essence qui illuminent la station-service. Il y aussi chez Hopper des stations de chemin de fer ou de métro aérien. En commun, on peut trouver une inquiétude face au vide de la ville au moment où la nuit tombe. En commun, une certaine fixité, absence de mouvement, comme si tout était inscrit, définitivement. Comme si le temps s'était figé.  

 

La photo est-elle là, insidieuse, qui aurait dicté des angles, des points de fuite ou des contrastes ? On trouve bien des rapports avec le travail des photographes. On trouve qu’il pourrait y avoir des apparentements techniques, des idées partagées de mise en page. Mais c’est tout. C’est que le talent d'Anastassia réside dans le cantonnement du détail, la chasse à ce qui, bien que visible, n’est pas nécessaire. Les photographes ont bien du mal à faire ce pas.

 

Décidément, c’est bien ce « Rien de trop » qui l’emporte pour que le mystère nous touche et rien que le mystère qu’Anastassia Bordeau veut nous montrer.

 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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