Un conte philosophique en trois parties

Le neuf et l'ancien, que faire des vieux mots? 

Regarder la télé. Ecouter les discours du nouveau président par exemple. Ecouter les gestes, les mouvements de main. Entendre seulement la  musique de la phrase ; son rythme, ses ruptures de mots ou de phrases, comme si l’idée, la pensée, le discours étaient en cours de construction. Le verbe étonné, la parole badigeonnée de sincérité, le tressautement de voix qui rompt avec les discours maîtrisés. Ecouter ses opposants, l’ex-PM, dont les mots ne viennent pas naturellement à la bouche.  Comme dans l’immobilier, il y a des « immeubles en voie d’achèvement », il arrive que la pensée se donne à écouter « en voie d’élaboration ».

    

Le neuf et l’ancien 1

Et si les vieux mots qui disent les bonnes vieilles idées étaient menacés?


Et ainsi de suite, depuis tout le temps. Ainsi de suite sans langage neuf. Au contraire, on vient à parler un langage comme on porte un vieux costume ou comme on fume une vieille bouffarde. Ils sont culottés on dit. La pensée culottée. Un beau titre : une pensée qui a de la bouteille, comme on dit d’un bonhomme qui a traîné ses guêtres dans la vie, dans les champs, dans les rues de la ville qu’il est un vieux de la vieille.  Une pensée qui serait une vieille de la vieille. Vieille pensée autour desquelles les phrases se sont attachées, lierre qui a disjoint le bâti de la pensée, racines qui ont pris dans les fondations. Laissez-les, elles ne gênent pas, elles aident même les idées à tenir debout,  bonnes vieilles idées qui ne peuvent plus sortir sans canne. 


Vieille roublarde aussi ! Prête, s’il est nécessaire, à changer de trajet. Un son hostile ? Un point de moins dans les sondages ? Prendre le prochain aiguillage et, pour ne pas le rater,  garder en suspens, le plus longtemps possible un verbe, un mot : ne pas dire en se précipitant, laisser ouverte la phrase, pour dire ce qu’il faut dire, pour ne pas donner à entendre ce qui ferait mal. Ce qui est trop nouveau, trop récent, pas encore acclimaté. On ne sait jamais.

Les vieux mots, les vieilles pensées savent bien comment s’y prendre. Ils avancent avec précaution. Ils connaissent leur monde. Ils le pratiquent depuis si longtemps. Un mot de trop et tout est fichu par terre. Un mot nouveau ? Et voilà que les vieilles habitudes sont menacées !


Elles viennent bousculer celles qui sont devenues lentes d’avoir trop servies, qui ne peuvent avancer sans, prudemment, regarder de tous cotés. Sans s’assurer qu’elles ne vont pas se heurter à une autre vieille idée et la faire vaciller et lui faire perdre l’équilibre et la fissurer.


Les mots avec ces idées déjà impotentes ne sont plus que des fanions, des flammes ou des drapeaux. On ne les dit pas, on les montre.  On les a enchâssés. Ils sont précieux vous savez ! Ils ont servi de si belles causes. Par exemple : dites ‘contrat à durée indéterminée’. Et voilà que se met en branle une de ces vieilles machines que nous aimons tous. Tout un patrimoine intellectuel et politique ».


Il y a un patrimoine conceptuel et un patrimoine des idées qui ont servi : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Quelques lieux de mémoires ont été instaurés pour les belles idées qui se sont étiolées à peine écloses. Des cages renforcées sont censées contenir des idées monstrueuses, « tuez-les tous… ». Ce patrimoine ne mérite-t-il pas d’être protégé ? Plus encore que des bâtiments, des paysages et des œuvres d’art ou d’artisanat. Il faut le protéger.  Nous lui devons tous nos soins. Depuis le regret des houillères jusqu’à Fessenheim qu’on voudrait fermer. Dans le lointain, un vent lugubre nous apporte « avez-vous bien réfléchi », « savez-vous à quoi vous vous en prenez ». Il abolit toutes les lumières.   


Le neuf et l’ancien 2

Et si les idées neuves se mettaient à fleurir…


Eh bien, c’est fini. Il faut en finir et cesser de prendre l’ancien pour lui faire dire ce qu’il a oublié de dire depuis si longtemps, depuis trop longtemps qu’on l’use à ne rien dire. Il faut trouver une parole neuve. Une parole qu’on n’aurait jamais entendue ou simplement qui n’aurait pas trop servi. Peut-on la rêver cette parole ? Elle dirait du neuf, parce qu’elle serait neuve.


Elle serait fraîche car elle coulerait de source. Une vraie source. Pas l’argument rhétorique, usé jusqu’à la trame. Pas le « ça coule de source » dit de quelque chose de donné, d’une pensée admise, communément partagée, d’une parole qui s’est figée et qui, justement, ne vient plus de la source mais coule d’un robinet ! On ouvre, ça coule. On ferme, ça ne coule plus.


Il nous faut des idées qui décillent. Frais rayons de soleil dans le jour qui se lève. Dans lesquels on a envie de s’ébrouer. Donnez-moi une aube. Un jour nouveau. Un ciel sans nuage. Ce qu’on attend, ce sont de belles idées, légères encore, qui n’ont pas pris le poids, ni la mauvaise graisse des compromis, ni les lourdeurs d’après concessions. Venez avec des idées qui savent monter vite et haut. Qui grisent, élèvent l’esprit  et rendent gai et heureux. Elles vous donnent envie de sourire. Elles vous disent qu’il faut aimer.


On ne veut plus des gestionnaires d’idées préconçues, ni des utilisateurs de pensées en ready-made, ni des professionnels de l’innovation verbale  qui administrent  les mots comme on ordonne des lavements et pensent qu’une fois clystérisés, les esprits nettoyés, les écuries débarrassées de leurs ordures,  tout rentrera dans l’ordre de leurs mots, de leurs idées, celles qui leur ont permis de réussir les concours.


De concours en concours, de premiers de classe en premiers de classe, les gestionnaires d’idées s’imaginent que l’esprit attend que les cendres, les restes, les habitudes, les commodités de pensée soient emportés, dissous et évacués. Les idées nouvelles ne serviraient-elles qu’à dépoussiérer les idées anciennes. On en viendrait à prendre des idées-balais pour des pensées nouvelles ? Ils prétendraient du neuf avec de l’ancien et sortiraient leurs mots-épées pour défendre leur empire sur les mots justes, les mots bons et ceux qu’ils prétendent neufs, frais et jeunes « il faut faire payer les Riches ».  Erreur ! Ce n’est pas avec des mots pour détruire que viendront les idées pour construire.


Où donc trouver ceux-là qui viendront recueillir l’eau de la source ? Cela fait beau temps, robinet aidant, que nous en avons perdu la trace et la place. N’y aura-t-il qu’une source ? Peu importe, il leur faudra en trouver le chemin. Ils remonteront vers elles, sources neuves, qui ne sont sur aucune carte. Ils  inventeront la carte au fil de leur quête ?

N’est-ce pas un rêve trop ambitieux ? N’est-ce pas un rêve tout simplement ?


Le neuf et l’ancien 3

Et si, c’était vieux comme le monde que d’attendre des idées neuves ?


Il parait à cet instant qu’on appelle au pouvoir non pas une nouvelle race d’hommes et de femmes, mais une génération d’artistes. Il s’agirait ainsi de quitter un monde qui avait fini par croire que les idées et les mots sont un capital à n’utiliser qu’à raison d’un rendement assuré et garanti. Il s’agirait de se diriger vers un monde à créer. Avec des créateurs. Donc des philosophes et des artistes. Ceux qui ouvrent de nouveaux mondes et font émerger de nouveaux sens. « Créer disent-ils !»


Je me souviens, lorsque j’étais un jeune moine érudit à Saint Benoit sur Loire. Il faisait très froid dans la bibliothèque en hiver. L’encre gelait dans les encriers. Les poils des pinceaux devenaient des aiguilles. Il fallait cesser nos travaux de copies et préparer l’arrivée des jours plus longs et d’une saison plus douce. Alors, nous nous attachions au travail de préparation des peaux et des parchemins,  dévolu aux plus jeunes. Une source de joie profonde. L’annonce du plaisir de propager « la parole ».


J’aimais avec passion écouter notre vieux « philosophe » comme nous aimions le nommer. Il était venu d’Orient et  parlait les langues du monde entier : le grec, le latin, l’hébreu. Il était venu pour les idées nouvelles. A la belle saison, je le savais, je      les copierais. Il faudrait faire vite pour conquérir le monde. Jeter les nouvelles idées dans les crânes comme le paysan jette le grain dans le sillon qu’il vient d’ouvrir et de fumer. Il faudrait beaucoup écrire sur beaucoup de feuilles ou de peaux. Cet hiver, comme les autres, je préparais ce qu’il me faudrait pour écrire beaucoup. Je grattais, je polissais, je passais la pierre ponce qui permet de nettoyer sans déchirer.


Parfois, le vieux philosophe venait m’encourager. Il m’incitait à la patience du sage qui sait faire place nette dans son esprit et pacifier son âme, en effaçant sans hâte, mais avec méthode, tout ce qui entrave la marche de sa pensée. Un jour que j’achevais de nettoyer un vieux parchemin, ivoire à force d’âge, comme j’allais passer la pierre sur un groupe de lettres qui devaient être grecques, il saisit ma main et, retenant mon mouvement, promenant son doigt sur les lettres, lut lentement : « Epicure », puis « De la connaissance »… Il relâcha ma main. Ce soir, j’aurai tout effacé.

 

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