Narcisse est fâché

 
C’est devenu un lieu commun. La société française est violente. Est devenue ? a toujours été ? Je ne sais pas, bien qu’on recense dans le passé, récent ou antique, une multitude d’attentats contre des gens de pouvoir, des journalistes, des rois etc. Pourquoi les Français sont-ils violents ? N’ont-ils pas inventé la liberté, l’égalité et, la fraternité, surtout la fraternité ? Comment peut-on passer d’un idéal rousseauiste à une violence à la Drumont, faire du doux Brasillach un atroce Torquemada et muer le charmant Péguy en un sinistre Savonarole ?

Considérons que c’est « comme ça » ? Ou la faute à …. l’enseignement peut-être ? En cause son culte de la république montagnarde, de la vengeance populaire qui s’abat sur les riches, les puissants, les rois et les présidents ? Nos leçons sur la belle histoire de France et ses héros agités n’y sont pas pour rien sûrement, entre l’émeute fondatrice et ses décapitations républicaines, celle de 1830 qui expulse le roi, celle de 1848 qui glorifie la démocratie et celle de 1871, quand on prétendait que « demain sera le genre humain » ? Les jeunes français sont bercés de ces comptines où on chante le peuple qui se lève et se soulève, casse et chasse, puis, lassé, s’apaise quelques temps plus tard ne pesant toujours pas grand-chose. Peu importe ! On recommencera, et finalement, « demain sera le genre humain ». Après les leçons des professeurs, il y aura le relai des parents, des grands-parents : « je vais vous raconter comme on les a butés tous ces salauds de rois et de riches… »

Il ne faut donc pas s’étonner de ces flambées de violence qui s’épanouissent en « Kôlères télévisuelles » et « fureurs de réseaux ».
Il y a cependant, quelque chose de plus étonnant dans la gamme des violences. Quelque chose qui n’a rien à voir avec l’héroïsme de pacotille évoqué plus haut. A tout prendre celui-là serait sympathique comparé avec ce dont il faut parler ici.

Il faut s’intéresser à la micro-information, celle qui ne change pas la face des civilisations, celle qu’autrefois on abandonnait aux « journaux de ruisseaux », aux « chiens écrasés ». Il faut se forcer à suivre une information qui sent encore plus mauvais que celle du « il a sorti son revolver et a tué l’adjudant trucmuche qui s’apprêtait à l’arrêter ». Ce qu’il faut lire c’est « blessé par la procédure de divorce engagée par son épouse, il l’égorge !» ou bien  «la police appelée au secours découvre avec horreur qu’il a tué sa femme et ses deux enfants ! » ou bien « il suit son ex-femme de laquelle il était séparé depuis trois ans et la tue » etc. C’est ce qu’on nomme des féminicides. Un phénomène de violence d’un genre nouveau. 

Pourquoi cette explosion de crimes qu’on dira « passionnels » avec réticence , car, bien souvent, il n’y a pas d’amant destructeur de foyer, il n’y a pas "d’autre homme", mais une femme excédée qui a voulu s'éloigner de ce qui n’était pas un amour, de liens qui étaient devenus un emprisonnement, qui n’a cherché qu’à se libérer finalement et vivre enfin sans peur, sans violence, sans autre souci que celui d’être heureuse.

J’en viens à me demander si cette explosion de folie meurtrière n’est pas la conséquence de la tendance à la dévirilisation de l’homme dans nos sociétés au sens où dans son rapport avec la femme, son égo ne prime plus. Il est vrai qu’insensiblement le lent travail de libération de la femme, dans la vie de tous les jours, mais aussi dans les études, l’accès au travail, aux promotions, réduit les supériorités masculines séculaires. Le roi se sent déchoir. Or, cette mutation radicale se déroule à ce moment critique où les sociétés « occidentales » produisent des individus à tendances égotiques pour ne pas dire narcissiques. Narcissisme des réseaux où on peut rouler des mécaniques sans risquer le coup de poing dans la figure, narcissisme de la consommation où les médias ne cessent de seriner  « qu’il faut se faire plaisir », « que les marques font tout pour coller à vos exigences les plus fines », ou narcissisme social « vous ne pouvez pas vous laisser noyer dans la masse » etc.

Et voici le drame, le narcissisme en perte de vitesse se résout en dévirilisation et conduit naturellement à la violence : comment surmonter cette contradiction quand le descendant des héros révolutionnaires se voit contrarié par la liberté des femmes ? Quand l’injonction à l’épopée est détournée par le narcissisme des « tartines de nutella et pizzas livrées à domicile » ?

La violence de l’homme dans la société française serait alors amplifiée par ce simple phénomène : un roi nu qui confond violence et volonté, qui trépigne d’impatience et de contrariété, qui pourrait casser ses jouets, y compris sa femme, tout se plaignant douloureusement de la méchanceté des temps.

Le ridicule ne tue plus

En témoigne la sculpture commémorant un héros français, né aux antilles, le Général Dumas (voir le portrait ci-dessus).

On ne le sait pas assez, l’homme, né des amours d’un noble français, marquis, propriétaire d’une plantation et d’une esclave, Cessette Dumas, fut élevé par son père comme un gentilhomme dans le maniement des armes et celui des lettres. Puis engagé dans les dragons, il sera de toutes les batailles et sur tous les fronts de la République qui le fera Général.

On lui érigea une statue à Paris, place Malesherbes, devenue place du Général Catroux ; fondue pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle a été récemment remplacée par une énorme installation, pataude, lourdingue et grotesque : des « fers » d’esclave brisés. Le Général devenait le symbole de la souffrance des esclaves dont il n’avait jamais fait partie.

Pire, les gigantesques fers installés sur du gazon à deux pas de la statue de son fils, l’auteur des trois mousquetaires, sont maintenant entourés d’une espèce de petit cordon riquiqui écrasé par la masse d’acier. Il fallait protéger « le monument » des gamins du quartier qui s’y installaient pour batifoler, déjeuner ou dormir!

Le grotesque ne suffisait pas, on y a instillé du ridicule : l’énorme installation (en acier corten comme il se doit) est environnée d’un tapis de petites fleurettes, de violettes, de bleuets et autres jonquilles. Le grotesque des « fers brisés » entourée de son fragile filet protecteur est ainsi délicatement mis en valeur !

Ceci rejoint dans le ridicule, les fontaines de la place Franklin Roosevelt avec ses jets qui dégoulinent vers le bas… mollement, avec peine. Loin des jets glorieux des fontaines d’autrefois. On y a mis aussi de petites fleurettes.

Hidalgo, mairesse inspirée aime à cultiver les parterres.

NB : sur la même place que les fers du Général Dumas de la Pailleterie on a érigé la statue d’une dame enceinte dénommée Solitude qui tend un rouleau de papier dans la direction des gigantesques menottes du Général. La statue de la dame n’est pas en acier corten mais d’un métal doré du plus ridicule effet. (indiquons que le Général n’a jamais eu de relation de quelque nature que ce soit avec ladite dame Solitude ). Le style de la statue n’a rien d’allégorique, il est d’un genre réaliste dans le style des statues commémoratives de la guerre de 14.

En résumé, une statue qu’on pourrait renommer platitude pour honorer la dame solitude. On insinue qu’Hidalgo, mairesse de Paris aurait fait modèle pour la statue.

Décidément, le jour où on a dit que le mot « vite » caractérisait l’univers internet, on ne s’est pas trompé. Mais on n’avait pas imaginé que « vite » nous précipiterait dans … la précipitation, dans l’urgence permanente, dans le « tout de suite », immédiatement etc. 

On s’en est rendu compte finalement assez vite : il n’a pas fallu longtemps pour que vite « ma commande de Pizza », vite « mon virement bancaire », vite « la réparation de ma voiture »….. vite toujours plus vite, tout tourne autour de moi comme une sorte de farandole, mes désirs, mes passions, mon repas mitonné, mon crédit, mon voyage….a toute vitesse !

Vite, le nouveau truc informatique, vite le métavers, il faut aller vite, d’autres aussi sont sur le coup, il faut aller plus vite qu’eux. Réunir vite des compétences, des capitaux ; communiquer vite sur nos conquêtes dans ce nouveau monde ; parsemons les NFT et habillons les avatars pour qu’ils aient figure humaine.

Les champions du « vite » s’étale dans la presse et s’annoncent inventeurs de biens virtuels, vite mis sur le marché, vite aux enchères et vite des profits qui pleuvent et font des ruisseaux de dollars.

Il est tentant de faire vite, mais ça ne marche pas à tout coup ! Facebook qui s’est vite transformé en Meta, pour vite faire oublier être allé trop vite dans le lancement d’une monnaie universelle avec un énorme flop à la sortie ! Très vite ce flop. Contrariant, alors que très vite, Facebook pensait en tirer des profits colossaux. A la place, vite le métavers, même au prix d’avatar coupés en deux, sans jambes, volant de place en place faute de pouvoir y aller à pied… vite, c’est neuf. Si on ne va pas vite, ce sera bientôt trop vieux, et lent par conséquent.

Mais voilà qu’on est allés trop vite. En langage « business », trop vite, se traduit par « des milliards de dollars cramés ». les flambeurs ne se consument pas lentement. Avec les milliards qui partent en fumée, des milliers d’hommes et de femmes qu’on sort vite des effectifs.

Pourquoi ce massacre d’or et de gens ? C’est simple et ça va vite : voilà que GPT est arrivé. Sans prévenir. Ou peut-être si vite que les messages n’ont pas eu le temps d’arriver. GPT nous a vite montré que « vite » doit choisir. On ne peut pas aller vite avec l’un et vite avec l’autre. On l’a montré plus haut : c’est pourquoi Meta, le premier, est allé à toute vitesse pour débander le projet métavers et foncer sur le projet GPT. On peut parler à GPT. On peut lui demander, d’aller plus vite. Il saura répondre que c’est possible sous une contrainte limite : la vitesse de la lumière. Si on lui demande s’il est possible d’aller moins vite, il répondra sûrement qu’il n’a rien demandé et que c’est aux hommes d’en décider.

GPT a une force, il s’est vite mis au service de la décision des hommes. Ils n’ont qu’à vite demander, il répondra vite. On ne sera pas gêné par des lunettes trop lourdes, des avatars patauds et des publicités pour des sacs dans lesquels on ne peut même pas mettre son porte-monnaie (avec de la monnaie dedans).

Alors, pour savoir s’il faut se précipiter sur le sage électronique qui a si vite éclipsé le métavers et ses rêveurs, j’ai voulu tester la sagesse de GPT. Je lui demandé quelle question il fallait que je pose au menteur pour savoir s’il ment. Il m’a répondu « Il n'y a pas de question spécifique qui peut garantir qu'une personne ment ou dit la vérité… donc utilisez votre discernement ».

A ce moment même, je me suis souvenu avoir recommandé « la vigilance » à l’égard de tout ce qui surgit et qui est « nouveau ».
Discernement, Vigilance…
Pour que GPT, soit utile, il faudra prendre son temps ; peser les questions ;  ne pas se précipiter sur les réponses.