Soliloques sur le Vaste Monde, octobre 2015

Les chroniques du mois d'octobre


- La ruée vers l'Allemagne, version moderne de la ruée vers l'or

- les derniers mètres

- que faire des hommes inutiles

- Faut-il continuer la production des logiciels qui disent non

- L'affaire VW et le paradoxe du Vitrier


La ruée vers l’Allemagne, version moderne de la Ruée vers l’Or.



Angela a-t-elle eu tort d’enrôler les Syriens? A-t-elle ouvert les portes de l’Allemagne par pure compassion chrétienne? A-t-elle suivie les recommandations de Deutschland Gesellschaft et lancé une campagne de recrutement massive: on se souviendra qu’il y a peu, moins de 25 ans, le Mur ayant chu, venant de «toutes les Russies», un million et demi de descendants d’Allemands sont venus retrouver leurs frères. Ils ne parlaient pas un mot d’allemand, mais un descendant d’Allemand est un Allemand comme l’ami de mon ami est mon ami.

 

Les industriels auraient convaincu Angela qu’un million et demi de Syriens venus du chaud valaient bien un million et demi d’Allemands venus du froid?

C’est une belle idée. Trop belle pour être honnête. La vérité est ailleurs : elle aurait relu Keynes. Celui-ci avait beaucoup réfléchi sur les mouvements de population et leurs conséquences économiques. Il avait été très marqué par les deux ruées vers l’or, l’américaine de Californie et la canadienne du Klondike.

 

L’annonce que de l’or avait été découvert dans ces deux régions avait provoqué des ruées de migrants. Ils étaient venus de tous les pays du monde, surtout européens, abandonnant tout pour chercher fortune dans l’Ouest (où, à cette époque au moins, tout était nouveau). Keynes, économiste attentif avait cherché à comprendre comment il était possible que des milliers de gens traversassent des océans hostiles et des territoires plein d’indiens féroces pour arriver dans des contrées inconnues dans le seul but de ramasser des paillettes d’or. Il n’avait pas trouvé. Les « économistes classiques » avaient voulu lui expliquer. Comme il ne les aimait pas, il leur avait sombrement prédit «qu’à long terme, ils seraient tous morts».

 

En revanche, il avait tiré beaucoup de profit de l’observation des conséquences des «Runs». Les «pionniers» arrivaient avec des ressources, ils achetaient de quoi vivre, ils s’équipaient en pelles, pioches, tentes, barattes. Les marchands, pour les fournir faisaient appel à des fabricants qui devaient recruter et investir pour pouvoir livrer. Les ouvriers, à leur tour dépensaient l’argent etc….

 

Et voilà, vous avez compris: c’est le fameux «multiplicateur» de Keynes! Il en était venu à proclamer: «Pour relancer une économie, criez sur tous les toits qu’il y a de l’or dans la montagne là-bas dont on voit le sommet enneigé, des milliers de gens se précipiteront et, investissant, dépensant, creusant, se nourrissant, relanceront l’économie».

 

Quel rapport avec les Syriens et Angela? La Chancelière, on le sait, est divisée. Elle ne veut pas contrarier Wolfgang Schäuble, son ministre des finances et, moins encore, le sémillant Jens Weidmann, le patron de la Bundesbank. Ils ne veulent pas de relance keynésienne «classique» (par les dépenses publiques). Alors, elle a décidé de recourir à la technique du Run des migrants. Elle a clamé sur tous les toits que l’Allemagne, c’était cocagne. Elle a été entendue. Les migrants sont arrivés par milliers.

 

Mais voilà où le bât blesse: il n’y a pas d’or en Allemagne sauf l’épargne des Allemands. 

Que faire des hommes inutiles ?


On connaissait l’homme invisible, l’homme illustré et l’homo sapiens, on vient de découvrir une nouvelle espèce : «l’homme inutile». Dans une économie moderne comme l’économie française, le taux de chômage est inscrit durablement au-dessus de 10% de la population active (euphémisme ou erreur sémantique?). Elle n’est pas la seule! Des économies qui, sans être flamboyantes, ne sont pas non plus régressives. Si une société peut fonctionner avec autant de «sans-travail» ne faut-il pas en conclure qu’il est des gens dont l’économie n’a pas absolument besoin? Cela coûterait assez cher à la longue. Mais, inciter à trouver du travail coûte cher en formation, stages, déductions fiscales etc.


L’autre solution qui serait d’expédier les « sans travail » dans des pays où manque la main d’œuvre n’est pas tenable. En d’autres temps, on l’aurait qualifié de déportation ou d’émigration. Et puis, est-ce une réponse à la question des sans-travail que de les exiler? Ils ne méritent en rien l’opprobre de leurs concitoyens : ils n’y peuvent rien et les organismes destinés à les sortir de leur situation pataugent complètement.


Il y aurait donc des «hommes inutiles» qui resteraient sur le bas-côté de la route économique. Ils n’auraient rien à faire de leurs dix doigts si ce n’est les recompter pour s’assurer qu’ils pourraient en faire quelque chose si on le voulait bien. Viennent alors des idées nouvelles. Ils sont «inutiles » mais ils sont là: qu’ils n’aient pas de travail est ennuyeux mais pas mortel, qu’ils n’aient pas de revenus, en revanche, peut être mortel dans deux sens au moins : pour les sans-travail eux-mêmes et presque aussi sûrement pour les victimes des révolutions que cela ne manquerait pas d’engendrer.


C’est pourquoi on voit surgir des propositions qui, il y a peu, faisaient figure d’absurdités. Il s’agit de rémunérer les sans-travail et leur reconnaître un revenu pour la simple raison qu’ils sont parties prenantes à une vie sociale qu’elle soit nationale ou locale et, qu’à ce titre, ils doivent y tenir un rang comme tout autre citoyen. Ainsi naissent des propositions publiques ou privées qui tendent à proposer un revenu indépendant du travail, sans même l’obligation d’en chercher. Un revenu de citoyenneté sans autre condition que d’être citoyen.


Dans ces conditions ne devrait-on pas inventer une façon «d’être dans la société» autre que par le fait brut et simple de travailler? Ne devrait-on pas accepter que le travail ne soit pas seulement destiné à remplir les vies et qu’il ne se déroule pas selon les mêmes régularités que les saisons et les travaux des champs? Ne faut-il concevoir la vie sociale autour des couples travail et non-travail, régularité et non-régularité des activités, éducation et formation professionnelle. Ils viendraient rompre les vieilles fatalités du travail par qui tout vient et d’où tout va arriver, de l’effort à durée indéterminée et de la promotion à l’ancienneté et, enfin, de la consommation promise à ceux qui «gagnent leur vie» et de la fortune qui se concentre inéluctablement.


L’Affaire VW et le paradoxe du vitrier


Faut-il se plaindre des frasques de VW ? N’y a-t-il pas là quelque chose dont on pourra tirer profit dans les années à venir. Des millions de voitures à remplacer par exemple. Voilà qui pourrait relancer l’activité industrielle au sens large, puis, par effet d’entraînement l’économie Mondiale.

Autre exemple : la catastrophe de Fukushima, les millions de tonnes de déchets, détritus, décombres à déblayer puis les milliers de logements, de routes, d’écoles etc. à construire : un gigantesque processus économique de relance !

C’est à l’économiste français Basquiat (1801- 1850) qu’on doit la formulation du «Paradoxe du Vitrier». Economiste libéral passionné de vulgarisation, il n’hésitait jamais à démolir les idées convenues ou fausses diffuses dans l’univers politique, social et journalistique.

Bastiat part de l’histoire du fils de «Jacques Bonhomme» qui casse un carreau de vitre et de la réaction des badauds : «À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l'industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cassait jamais de vitre?».  C’est, selon l’auteur, «ce qu’on voit». II est vrai, écrit-il, que grâce à cet accident le vitrier va travailler, le fabricant de verre et de vitres va écouler sa production, les ouvriers de l’un et l’autre vont pouvoir profiter des effets de la loi des débouchés de Monsieur Say. Donc, le dommage causé, le bris de vitre, toute destruction se traduisent par une relance de la dépense.

«Ce que l’on ne voit pas» : en réalité, on est en face d’un  paradoxe car «si la vitre n'avait pas été brisée, on aurait pu consacrer l’argent pour la remplacer à l'achat d’outils, de vêtements ou de chaussures.  Ainsi, non seulement on aurait eu une vitre, mais aussi un outil, un vêtement etc. !».

Il en concluait que «la société perd la valeur des objets inutilement détruits» et résumait sa pensée en un dicton «destruction n'est pas profit.» A fortiori, imaginer que la guerre est un bon moyen pour sortir de la crise est totalement contreproductif ! C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. On s’en doutait un peu…mais il n’est pas mauvais d’en voir la preuve rapportée.

Le paradoxe du vitrier est plus riche que la simple condamnation des destructions qu’elles soient d’origine naturelle ou humaine. Le mésusage des choses, des biens et des services est une forme de destruction de valeur alors même qu’elle peut se traduire par une progression statistique du PNB. Les indices ne disent pas toujours la vérité ! C’est le cas des embouteillages dont on démontra à une époque qu’ils pouvaient se traduire par une progression du PNB marchand du fait de l’augmentation de la consommation d’essence.  C’est le cas de la mauvaise utilisation de ressources communes comme l’eau ou l’électricité. Le paradoxe du vitrier est aussi une invitation à ne pas se laisser-aller aux effets faciles et au déni de réalité.

Définitivement, on ne tirera rien de bon de l’affaire VW.



Les derniers mètres.

 


Il y a quelques jours ou quelques semaines, je me lançai dans un achat à distance. Autrefois, on aurait dit «par correspondance». Autrefois, on aurait utilisé des formulaires types, fournis via le catalogue d’achats à distance distribué tous les ans. Autrefois, on aurait risqué un saut technologique révolutionnaire : la vente par téléphone. Au lieu de remplir le formulaire, le téléphone!

On nous aurait dit : «livraison, dans une semaine, dix jours». On aurait tenté: «un peu plus tôt c’est possible». Sans insister.

C’était autrefois.

Aujourd’hui? On se demande comment on a fait pour vivre dans un monde où tout était atrocement lent. Aujourd’hui, on a internet. Ça va très vite. On commande à partir de chez soi. Ça vient des Etats-Unis, ou bien du Pakistan ou du fin fond de la Corrèze? Pas de problème! Vous l’aurez sous 48h. Et même demain.

Le colis que j’avais commandé devait me parvenir sous les 24 heures. Le lendemain, rien ! Avais-je bien compris? Le surlendemain rien. Au téléphone (surtaxé) on me dit : «ce n’est pas possible parce que l’ordinateur dit que c’est livré». La preuve : le camion est déjà parti du côté de Marseille pour continuer ses livraisons. Puis viennent les discussions, les affirmations, les nouveaux rendez-vous, les camions qui sont déjà passés mais vous n’étiez pas là…

Finalement, je suis livré. Au bout de dix jours. Autrefois …

Oublions autrefois: la vraie question aujourd’hui ce sont ces foutus «derniers mètres». Internet a tout réglé : la commande à distance avec l’ordinateur qui va chercher automatiquement le produit dans les stocks, le chariot dirigé automatiquement et qui sait lire les codes-barres dans l’entrepôt, l’ordinateur qui programme les livraisons par géolocalisations successives, le camion qui arrive «juste à temps» mais ne peut pas prendre l’escalier. Il faut que le livreur sorte de son camion. Il fait un froid épouvantable ou il pleut. Il n’a pas emporté de parapluie. Il craque et zappe la livraison. Alors qu’il porte sur ses épaules l’enjeu des « derniers mètres »! Ou bien, et c’est pire, il a mis plus de temps que l’ordinateur l’avait prévu pour dérouler sa tournée de livraison. L’ordinateur se serait trompé ! A d’autres…! C’est surtout le picon-bière éclusé avec un copain pas vu depuis 10 ans qui passait par là.

Autrefois, les derniers mètres étaient faits par les clients. Ils allaient dans les boutiques chercher leurs achats. Il y avait des lieux dits «dépôts» pour le cas des commerçants éloignés. Aujourd’hui, les boutiques ont disparu et les clients ne veulent plus bouger. Ils restent chez eux, au chaud : les produits se déplacent vers le client. Les produits sont en risque. Il faut qu’ils arrivent. Il faut franchir les «derniers mètres» : voilà un marché colossal qui s’ouvre. Un marché de livreurs. Qui déplacent les produits. Un combat titanesque. Celui des derniers mètres mené par des armées de livreurs. Tous livreurs grâce aux derniers mètres! Le chômage qui baisse et les rues qui redeviennent si vivantes.


Faut-il continuer la production de logiciels «qui disent non»?



L’affaire des logiciels «nonnistes» mérite qu’on investigue plus avant. De quoi s’agit-il ? C’est un logiciel qui fait et dit «non, non, non etc.» comme la poupée d’une célèbre chanson française. On était bien innocent de croire que les logiciels et même les progiciels ressortaient du domaine du positif, du faire et du vouloir. D’où est venue l’idée d’une intelligence informatique pure, belle et simple? Du jeu si pur et si simple des «0 » et des «1», chiffres arithmétiquement «positifs» ? Aurait-on pu imaginer un langage-machine à base de « -0» et de «-1»? D’où l’égarement qu’il nous faut maintenant combattre. Oui, il en est des logiciels comme de l’Etre, comme il en est de la matière, comme il en est aussi des forces dans la nature. A l’un qui est dit «positif», il y a l’autre qui est dit «négatif» comme non-être, («néant» par rapport à «étant» comme le faisait remarquer judicieusement Heidegger), comme «antimatière», «force noire» et aussi comme «face cachée de la Force» (ceux qui n’ont pas vu la fameuse force, longtemps dissimulée, sont des néandertaliens post-modernistes).


Tout ceci pour en venir à cela: les Allemands, qui comprennent tout avant tout le monde, se sont lancés dans la création de logiciels négatifs. Des logiciels qui empêchent, qui gênent ou qui interdisent. Ainsi de l’appareil photo «camera restricta» décrit dans de précédentes chroniques. Ainsi du logiciel «Volkswagen». L’un et l’autre interdisent les comportements normaux. Le photographe du dimanche ne peut plus photographier les châteaux de Louis II de Bavière, le logiciel ne le lui permet pas. Le Logiciel Volkswagen ne permet pas au moteur de se montrer aussi polluant qu’il en est capable. Au moment où on veut vérifier qu’il va défoncer toutes les normes, le logiciel bride le moteur, l’empêche d’émettre des fumées toxiques et lui fait diffuser «pour un homme» de Diorérmès. D’autres sont à venir: celui qui interdira l’usage de certains mots, par exemple. En France, il est bien avancé : aucun instrument numérique à écrire, dicter ou lire ne pourra user du mot «race».


La création de logiciels «nonnistes» devra suivre des règles strictes. On ne peut pas interdire de faire ou de dire n’importe comment. Les Allemands (encore eux !) ont beaucoup avancé dans la résolution du problème de la conception des logiciels «nonnistes» : ils se sont aperçus que les créateurs de logiciels bienveillants ou malveillants fonctionnent par équipes. C’est ainsi qu’il est maintenant sûr que les logiciels «VW» n’ont été le fait ni d’une génération spontanée, ni d’un grand nombre d’ingénieurs. On sait qu’il s’agit d’une petite équipe de quelques ingénieurs. Ils ont tout fait en cachette (les logiciels «nonnistes» n’ont d’efficacité que si on les tient dissimulés). Personne chez VW n’était au courant, les patrons comme la grande masse du personnel. Une nouvelle fois l’Allemagne est frappée! Déjà, entre 1934 et 1944, personne ne savait. Un mal Allemand?


C’est pourquoi, il faut, beaucoup plus sévèrement que pour les logiciels positifs, serrer de près les concepteurs de logiciels «nonnistes».  


 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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