Soliloques sur l'Art, janvier 2020

Chez Christian Berst, Jacqueline b, l’indomptée

 

Je me répéterai et cela ne me gênera pas : j’aime beaucoup la galerie éponyme (comme disent les journalistes) . Ce qu’elle expose est toujours intéressant et mérite qu’on s’arrête là où elle se cache, dans le passage des Gravilliers, reliquat d’un temps ancien où les rues étaient cisaillées de percées et de chemins qui serpentaient à l’intérieur des cours et de maisons entrelacées. C’est là souvent que s’étalaient ateliers, magasins et entrepôts. Le passage des Gravilliers, décoré sur sa partie sous porche d’un décor street art de la plus belle espèce, a conservé ses baraques mal fagotées, ses portes de guingois et parfois ses éclairages zénithaux.

 

Donc, Christian Berst expose Jacqueline b, jeune femme indomptée dont on nous dit qu’elle fut en proie à de grandes souffrances psychologiques et qu’elle ne dut son salut qu’à la découverte du dessin et de la peinture.

 

Nous y sommes, Christian Berst, c’est le galeriste le plus impliqué dans l’exposition de l’art des fous. Evidemment pareille formulation est discutable. Justement, je m’en suis expliqué à plusieurs reprises. Je ne reprendrai pas tout ce que j’ai déjà dit. Il suffit de suivre ces liens pour en connaître. Je me contenterai d’évoquer Jacqueline b. en ses œuvres tout en rappelant ma profonde conviction : tout dessin, toute sculpture et, pourquoi pas, toute musique, est l’œuvre d’un peintre, dessinateur, sculpteur ou musicien. Tautologie ? Non, conviction que ce qui importe est l’œuvre et non pas l’auteur de l’œuvre. Pourquoi a-t-il peint, dessiné, sculpté ? Cette question n’a de sens que s’il y a une œuvre, c’est donc prendre le problème à l’envers que de parler de l’œuvre d’un fou, s’il y a œuvre.... Cela a moins de sens que d’évoquer le fou d’une œuvre…Creusons encore un peu: un fou qui sait peindre est un peintre et ça se vérifie à ses œuvres. Si le produit du peintre n'est pas une oeuvre, ce n'est qu'un fou avec un pinceau .

 

Dans le cas de Jacqueline b, on approche la vraie question : y-a-t-il œuvre ? Ou dis autrement, les travaux de Jacqueline méritent-ils qu’on les accroche à une cimaise ? Ou, pire, auraient-ils été accrochés à une cimaise si Jacqueline avait été une charmante jeune (ou moins jeune) femme, fantasque peut-être, amoureuse pourquoi pas, passionnée sûrement ? J'opte pour l'hypothèse que Jacqueline b était talentueuse et que son travail mérite d'être vu. 

 

Ma conviction est qu’à considérer le travail de Jacqueline b, on croise les grandes tendances d’une époque. On va trouver chez cette peintresse (ou peintreuse, je ne sais plus très bien) tout ce qui a fait la force de renouvellement et de rupture du mouvement Cobra ainsi que du mouvement dit de l’Art brut, animé par Jean Dubuffet. On y trouve aussi ces magnifiques moments de couleurs qu’a livrés l’école de Paris avant son extinction sous les tirs groupés de l’art et des marchands américains. On pense à Estève pour quelques tableaux de colorisme abstrait dont les équilibres de couleurs et de formes sont remarquablement maîtrises. On trouve des graphismes « à la Dubuffet », de cette période, une des premières, où les portraits sont des graffitis et donnent le sentiment d’avoir été décalqués directement sur la pierre ou gravés comme on le fait sur un mur, dans l’obscurité. Mais aussi Chaissac n’est pas loin et lui tend la main et Corneille, et plus loin, moins évident, Miro ?

 

C’est une peinture, ce sont des dessins bien faits, bien composés sans faute d’équilibre ni de couleurs ni de formes. Petits formats en général, mais ce n’est pas gênant : que de peintres ont hésité avant de se lancer dans les grands formats!

 

C’est donc un vrai peintre dans le sens le plus sympathique du terme, baignant dans une ambiance de peinture et dont l’œuvre est très homogène tout en ayant beaucoup évolué.

 

 

Belle exposition malheureusement finie. Il y a dans la galerie de beaux livres dont un sur l’œuvre de Jacqueline b. 

A la galerie Felli, Katarina Axelsson

 

La galerie Felli présente très souvent de bons auteurs. Ce sont plutôt des peintures où le regard se perd et où les rêveries commencent.

 

Dans le vaste monde de la peinture, certaines œuvres sont propices à la méditation. Les unes propulsent le regardeur dans d’autres mondes. Je pose leurs auteurs comme des passeurs et parmi eux, se trouvent les plus grands. Ils ouvrent des portes et laissent leurs regardeurs se fondre, puis se plonger dans un au-delà, pareil à celui-là que Lewis Carrol symbolisa par son « beyond the looking glass ». D’autres, ne vont pas jusqu’à subvertir ces regardeurs mais, ils leur proposent de se perdre volontairement, de se laisser emporter sur un chemin, sans danger mais plein de charmes, sans risques mais plein de souvenirs.

 

Katarina Axelsson fait partie de ces peintres (peintresses ?) qui prennent le regardeur par la main et l’invitent à se fondre dans une nature sans réserve et sans danger. Nature ? Verra-t-on des vaches comme chez Rousseau ou des paysans comme chez Millet. Non, de la nature simplement. Peut-être cette simplicité vient-elle des origines scandinaves de l’auteur. Ou peut-être de ces lieux qu’elle affectionne, la Creuse.

 

Un Parisien à qui on dirait que « la Creuse inspire » recherchera sûrement, à toute vitesse, sur google probablement où la Creuse se trouve. Tout en s’enquérant, lui trottera dans la tête comme une vieille ritournelle venant directement d’études classiques « savez-vous ce que c’est que la Creuse ». Mais, au fond, on s’en fiche un peu de la localisation de la Creuse ! La seule chose qui compte est qu’elle compte des bois et des forêts et que Katarina en a fait un thème de prédilection.

 

Ces bois sont des mousses de peinture, des feuilles comme si elles étaient liquides, des arbres qui auraient pu se refléter dans l’eau d’une mare ou les méandres herbeux d’un sage cours d’eau. Le vert domine, en nuances subtiles, en filament qui se dissolvent dans des formes douces.

 

Je n’aime pas trop comparer ou renvoyer une œuvre à d’autres œuvres sauf lorsqu’il est clair qu’un artiste a voulu s’inspirer d’un autre. Ne dit-on pas que les artistes ne discutent pas avec la nature mais avec tous ceux qui les ont précédés ? Pourtant, face à un grand tableau qu’on aurait pu décider abstrait, j’ai pensé aux couleurs, au vert un peu austère et pourtant si juste de Corot. L’école de Barbizon aurait été de retour ?

 

Ils sont très émouvants ces arbres qui rythment la toile de Katarina Axelsson, à la fois barrière qui contraint le regard et invitation à poursuivre le chemin, comme des rideaux qui s’imposeraient et aussitôt s’écarteraient, ouvrant sur les lueurs bleutées d’un brouillard léger ou sur des impressions de soleil couchant.

 

Katarina aime aussi photographier et saisir les esprits qui habitent les arbres. Les scandinaves sont toujours en harmonie avec les habitants des forêts et elle sait les débusquer, saisissant tel ou tel, dans son état le plus proche de l’humain. Serait-elle plutôt chamane que peintre ?

 

 

 

Musée Jacquemart-André, fané et poussiéreux

 

Une grosse déception… Mais non, il n’a pas changé. Mais oui, il a toujours cet air, commun à tous les vrais hôtels particuliers du XIXème siècle, quand les riches se moquaient totalement de savoir si, dans la société, existaient d’autres gens que des riches. Mais non, on ne lui a pas retiré ses quelques primitifs italiens, ni les Nattier, ni les Boucher qui enchantent toujours ses murs. Mais oui, la fresque de Tiepolo est toujours là.

 

Mais elle devient fadasse au fil des ans. Mais l’hôtel ne fait plus « belle endormie ». Il fait vieux, un peu poussiéreux. Il fait « maison d’antiquaire » avec ses plâtres aux murs et ses vieux brûle-parfums chinois derrière des canapés en tapisserie rouge. Les primitifs italiens font vraiment primitifs et ce n’est pas le « petit Uccello » qui vient tout rattraper. Il est nul.

 

 

Peut-être suis-je allé trop souvent rendre visite aux Jacquemart-André ?  Maintenant qu’ils sont depuis si longtemps partis, leur hôtel sentirait la naphtaline ?

 


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