Soliloques sur l'Art, décembre 2016

 

- Harry Callaghan : French Archives

- Brassaï : Graffitis

- Christian Maillard: Visages du Bénin

Harry Callahan-French archives

 

Maison européenne de la photo

 

J’avais chroniqué quelques photos de Callahan découvertes chez Camera Obscura. Ce n’était cependant pas une exposition « pour Callahan ».

Mais elles étaient suffisamment impressionnantes.(suivre ce lien)

Cette fois-ci, nous indique-t-on, il s’agit de photos prises par l’artiste américain à qui avait été offert la possibilité de passer un an en résidence en France. Il s’était installé à Aix en Provence. Ce qui est montré vient de son activité photographique pendant son séjour. Photos de format moyen. Noir et blanc.

 

Résumons l’exposition : les photos sont exceptionnelles et passionnantes. Il y a chez Callahan une remarquable maîtrise du monde du Noir et du Blanc et de la façon d’utiliser ces deux « couleurs ». La plupart des photos jouent sur ce registre, sur le jeu entre l’ombre et la lumière, sur l’importance du sombre et l’utilisation du lumineux pour mettre en valeur la profondeur des ombres. Les photos d’Aix sont remarquables sur ce plan-là. La ville avec son charme intrinsèque, sa capacité d’attraction voire de détournement du regard artistique est utilisée comme prétexte à constructions , à mises en scènes et au jeu de l’abstraction des formes citadines par la simplification qu’induisent blanc qui hurle et noir qui s’enfonce.

 

Lorsque des personnages surgissent, par hasard ou parce que le photographe les a placés là où il les voulait, le jeu du semblant, vrai ou faux, continue à jouer. Ils émergent de l’ombre et se trouvent, comme si c’était d’une scène de théâtre ou de tréteaux de foire, saisis dans un décor d’ombre que percent parfois des rayons comme on voit sur la scène d’un théâtre les projecteurs isoler un acteur, souligner sa présence et animer ses gestes. Et à nouveau, entre noir et blanc, lumière brute et ombres noires, le photographe équilibre des masses, les transperce de soleil et joue des passants.

 

Et il y a ces photographies comme s’il s’agissait de miniatures, personnages qui passent au loin, infimes silhouettes parfois, mais pourtant si présentes, si « là » qu’on se penche pour mieux voir et comprendre. Peut-être encore une fois mon propre goût pour la lecture, pour les livres ou pour le dessin et la gravure viennent-ils subvertir mon commentaire. Cependant c’est bien ce sentiment d’intimité que procurent ces photos où le minuscule parle aussi fort que les représentations habituelles. Photos de précision. Horlogères. Mécaniques fines et sensibles.

 

Harry Callahan a-t-il eu une perception « chamanique » de la nature qu’il s’agisse de celle des villes ou de celle des campagnes, des lacs et des forêts ? Il est certain, conviction spirituelle ou non, qu’il n’a eu de cesse de photographier sa femme, de l’inclure en superposition dans des photos de paysage ou de rues, nues, en buste ou en pied, sous toutes ses formes. Eleanor n’est pas un sujet de photographie, elle habite l’œuvre de Harry, elle l’anime et lui donne une bonne part de son sens. L’exposition met clairement en valeur ce qui ressort d’une véritable dimension spirituelle.

 

Ce n’est pas une très vaste et complète exposition du travail de Harry Callahan, mais une belle introduction à son œuvre.

 

Christian Maillard , Visages du Bénin

 

 

 

Exposition du 1er au 31 décembre 2016

 

Central Dupon Image, en partenariat avec la Galerie Françoise Paviot

 

 

 

J’avais déjà chroniqué une exposition de Christian Maillard : des dizaines de photos qui racontaient des dizaines de voyages. Grand voyageur, musicien plus qu’averti, Christian Maillard fait partie de ces photographes anonymes qui se promènent au milieu de foules qui ne sont pas solitaires mais bien vivantes, vibrant de cultures que nous ne connaissons pas, éclatantes de couleurs que nous ne savons plus assortir.

Christian Maillard propose de nouvelles images dans un espace un peu plus vaste qui permet de montrer des formats de plus grandes tailles. Rassurez-vous, les formats sont en général classiques. Pas de grandes machines qui couvrent des murs entiers et qui montrent en énorme ce qui se voit bien en petit !

 

L’auteur n’est pas un professionnel. Mais c’est un passionné des gens, des hommes, des sociétés, de l’inconfort, du choc, de l’étrange. On ne trouve aucune recherche de la sensation forte, de la souffrance qui s’expose, de la détresse qui est si belle si la couleur est locale. Mais dans le même temps, on ne trouve aucune distance froide, de type « géo » ou pire, de type « GO ». On dira, pour simplifier que les photos qu’il saisit, celles ensuite qu’il choisit d’exposer ne sont pas des photos d’art, ni du photo-journalisme. Ce sont des photos de rencontre et peut-être d’étonnement. Celles-là qui font l’essentiel de l’exposition sont africaines, précisément « Béninoises ». Rien à voir avec ces photos d’ethnologue, rien à voir avec une recherche un peu hautaine de l’homme civilisé qui vient voir les sauvages et leurs exhibitions encore dans leur jus. Des rencontres.

Des rites qui se déroulent devant le photographe et qu’il saisit avec la conscience de sa naïveté, de ce que les images prises ne présentent que la surface des choses. Mais aussi, comment ne pas être frappé de la richesse des symboles, par le maniement des matières, des symboles, par la combinaison d’objets, de semences, de lianes, herbes et racines. La symbolique des jumeaux, portés embryons devenus enfants mais encore embryons. Comment, alors que le photographe, impressionne sa pellicule d’une impressionnante figure chamanique, ne pas voir que l’impressionnante figure n’est pas un sujet d’étonnement et de surprise : tous les gens rassemblés derrière la "forme et ses infans", regardent à côté, on ne sait quoi, mais sûrement quelque chose de plus étonnant. Peut-être regardent-ils le spectacle dans le bon ordre d’apparition des « phénomènes » !

 

Une belle photo aussi de trois « masque s» ou « costumes » où la couleur et la matière s’imposent. Et bien d’autres photos en couleur, dont une a « mérité » le grand format avec raison, les formes et les couleurs, transcendant le sujet avec force.

 

Et aussi des photos « noir et blanc ». On a envie de les dire « classiques » au sens où la photo noir et blanc est celle qui interdit la distraction du regard. C’est devenu un mode d’expression qui a ses codes. Elle irait plus naturellement à l’essentiel. Elle proposerait un sujet, un thème, une expression avec plus de netteté que la photo en couleur, comme parfois on le dit du dessin comparé à la peinture. Photos dans la rue. Véhicules qui viennent du fond des âges ! Regards lourds, intenses ! Et puis ce personnage au chapeau qui se détourne. Très belles photos qui ne marquent plus l’étonnement face à l’exubérance des fêtes traditionnelles mais la banalité, lourde à porter, de la vie de tous les jours, celle qu’il faut bien faire avancer, celle dans laquelle fêtes ou pas, rites ou pas, surnaturel ou pas, il faut bien s’inscrire et vivre.  

 

Belles photos. Belle expo.

 

Brassaï - Graffiti

 

Galerie de photographies - Centre pompidou, Paris, 9 novembre 2016 - 30 janvier 2017

Il y avait eu une exposition à l’Hotel de ville de Paris qui montrait Brassaï dans ses œuvres et, parmi elles, ses recherches en graffitis. (suivre ce lien)

 Voilà, au centre Pompidou, une belle exposition, dans la salle maintenant un peu mieux connue du sous-sol, à l’écart de tout, presqu’inquiétante à force d’être en-dessous et à l’écart ! Enfin une belle exposition.

 

Brassaï a aimé scruter la pierre de Paris, les murs, les ponts, la chaussée, les encadrements de boutiques. Il a aimé écouter la pierre parler. Il l’a aussi regardée. Attentivement. Sous les lumières de la nuit, celles du jour, sous la lumière des jours plombés par les nuages. Et il n’a cessé de photographier, les signes, les traits, les dessins, les détournements que, rapidement ou patiemment, désinvoltes ou intentionnés, les hommes de la capitale ont grattés, creusés, sculptés, déchirés.

 

S’agit-il de messages comme les prisonniers en laissent derrière eux sur les murs de leurs prisons ? Messages lancés à leurs successeurs ou messages lancés à tous ceux qui sortiront et qui pourrons, peut-être, s’en faire les porteurs. Ou imprécations lancées à la face des cieux, des politiques, des hommes comme on en trouve dans ses prisons pour hommes libres que sont les bunkers, les casemates, les fortins ?

Paris, dans ces conditions serait une prison à porte ouverte ? Une forteresse sans canon ? Emprisonnés dans l’indifférence de la rue, des condamnés à rien auraient grattés les murs faute de pouvoir parler à des oreilles. Ou bien, parce que Paris a de ces aspects de désert habité, pareilles à des tribus primitives, des bandes d’indigènes auraient laissé des indications sur le chemin à suivre : faute de forêt, faute d’arbres pour inscrire leurs messages, ils se seraient contentés des pierres de taille ou des murs décrépis rencontrés tout au long de leurs déplacements.

 

Paris aurait donc été tout aussi bien qu’une prison, une caverne à ciel ouvert ! Un Lascaux ouvert à tous les vents, à toutes les pluies, aux frimas et aux canicules. Les dessins auraient montré ce qu’on peut chasser dans pareil univers : des soleils grisâtres, extraits de fissures et de plâtre écaillé, des figures inhumaines aux grimaces d’enfants, des enfants malhabiles obstinés à faire des dessins criards.

Toute caverne, qu’elle soit fermée ou ouverte contient une part d’éternité. On le voit bien quand certains dessins montrent des croix ou des signes plus étranges. Paris, à ce compte, est aussi un univers chamanique où les grands immeubles parleraient aux hommes comme les grands arbres dans les forêts, où des pans de murs armoriés diraient les temps qui passent aux hommes qui vieillissent et où les signes seraient tantôt invocations tantôt damnations, tantôt messages. Chamanique ou envoûté ? Ces signes ne sont-ils pas aussi les moyens par lesquels des cohortes de succubes se signalent et déterminent leurs territoires ?

 

Les organisateurs de cette mini-exposition ont su rappeler que cet univers n’était pas loin de l’art Brut cher à Dubuffet. Les texturologies et les graffitis se trouvent sur un même niveau du regard. Bien sûr, Prévert est aussi convoqué. On nous épargne Breton et c’est tant mieux.

Les formats sont sympathiques : pas trop grands, ils permettent aux regardeurs de redevenir des lecteurs construisant des images, laissant courir l’imagination, lisant les signes et inventant des phrases.

 


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