Soliloques sur l'Art, octobre 2022

Art 3 F, oct 2022

Evènement sans grand intérêt contrairement à de précédentes manifestations. Je n'ai repéré que deux artistes qui méritent le coup d'oeil et l'attention.

L'un,  Jean Pierre Ruel, avait déjà été remarqué. L'autre, Jean-Pierre Valat est "nouveau" dans ma sélection. 

 

 

Jean-Pierre Ruel

Jean-Pierre Valat

Walter Sickert: au Petit Palais, Peindre et transgresser

 

Les expositions ont besoin de noms flamboyants. C’est qu’il faut faire venir le regardeur. Il est tellement sollicité, il voit tellement n’importe quoi, devant ses yeux défilent si vite des images, des textes, des photographies qu’il finit par éprouver une sorte de tournis. Il faut, si on veut qu’il soutienne son attention pendant quelques minutes, bloquer le défilé qui court comme un délire devant ses yeux. Alors, pour intéresser le regardeur éventuel, on lance un nom, une idée, un pavé, ou une tarte à la crème. Dans le cas présent c’est « peindre et transgresser ». « Peindre » c’est nécessaire puisqu’on ne montrera pas de sculptures et peu de dessins. Le regardeur interpelé ne pourra pas dire qu’on l’a abusé. Il s’agit bien de la peinture de Sickert. « Transgresser ». Ça, franchement, c’est de la pure pub. On ne s’en rend compte qu’une fois l’exposition regardée. Transgresser ?!!! qu’est-ce que ce brave homme de Sickert, soi-disant anglais mais né en Bavière, passionnément britannique mais fasciné par les peintres français, a bien pu transgresser ? On dira qu’en tant que peintre anglais, il n’a pas mordu aux images préraphaélites et mystico mystérieuses de la peinture en vogue en Grande Bretagne durant le XIXème siècle. Il s’est rapproché des Français et, transgression des transgressions, d’un des plus classiques des peintres français modernes : Degas. Non, définitivement, Sickert n’est pas un « transgressif ». Adjoindre ce terme dans l’accroche de cette exposition est du niveau de la « réclame » !

 

Que faut-il alors penser de cette exposition qui est très complète manifestement et rassemble nombre d’œuvres significatives d’une production abondante qui s’est déroulée sur plus d’un demi-siècle ? Je pense qu’il faut aller carrément à la conclusion : Sickert n’est pas un révolutionnaire de la peinture. C’est plutôt un conformiste au sens littéral de ce terme : il s’est conformé aux peintres modernes et en a adopté les façons, la manière, le regard. En ce sens, ce n’est pas un créateur, loin de là, ce n’est pas non plus un « passeur » comme Daniel Arasse pouvait le dire de Masolino par rapport à Masaccio, c’est un suiveur. Ce n’est pas faire injure à un artiste que de lui reconnaître le talent de reconnaître celui des autres, et en particulier des meilleurs, ceux qu’on peut honorer du beau nom de créateurs. Il n’y rien de dégradant à être parmi les passeurs, ceux qui ont compris et ont su voir, qui ont donné à voir ou à entendre, ce que les créateurs ont mis au jour.

 

Sickert n’a absolument rien trouvé, il n’a pas non plus « passé », il a beaucoup « suivi ». « Ennui » est un bel exemple de ce suivisme : on pense immédiatement à Degas et on s’interroge sur un rapport un peu médiocre avec Vallotton. Les scènes de théâtre ou de Music-hall renvoient à la peinture de Degas et de Toulouse-Lautrec. Les nus, que quelques commentaires qualifient de « provoquants », sont bien dans le sillage des œuvres de Vuillard et de Bonnard. Enfin, notre artiste « transgressif » offre de belles cathédrales « à la » Monet aux regardeurs. Dieppois d’adoption, on verra même des scènes de plage, et des ciels en mer, mais, ici, il est bien loin du brave Boudin.

 

Faut-il en conclure qu’il ne vaut pas le déplacement ? En aucun cas : cet artiste, né en 1860 et disparu en 1942, a vécu au milieu d’une véritable révolution, celle qui, de 1863 à 1940, a complètement renversé les découvertes de la Renaissance, 5 siècles auparavant. Son œuvre en dit bien la puissance et comment, un peintre pouvait la vivre.

 

 

Füssli, entre rêve et fantastique

Musée Jacquemart-André

Füssli entre rêve et fantastique

 

En matière de critique, je persiste dans l’idée que l’œuvre vaut mieux que l’artiste. Si elle est sublime on peut être sûr que la vie de l’auteur n’atteindra pas ce niveau, autant l’oublier, si elle ne l’est pas, pourquoi parler de l'auteur qui l'a commise !

 

D’après quelques commentaires trouvés dans des journaux présentant l’œuvre de Füssli, bon nombre de déviations de l’instinct sexuel auraient été à mettre à son actif. Il n’aurait pas hésité à documenter ces pulsions sous la forme de dessins suggestifs ou démonstratifs. Certains tableaux auraient permis à un public d’amateurs de vibrer au rythme de leurs perversions. Il serait tentant et facile d’exploiter ses obsessions, ses tendances sexuelles, ses déviances, pour interpréter "un projet artistique".

 

Une bonne part de ces œuvres auraient été détruites, Madame Fûssli les ayant jetées au feu. Les autres, les œuvres convenables, sont demeurées visibles. Il nous manquerait donc la face inavouable pour commenter le travail de l’artiste. Dans ces conditions, peut-on en juger vraiment ?  On peut essayer puisque le musée Jacquemart-André offre une exposition assez complète.

 

Donc, on oubliera les turpitudes de la vie d’ici-bas pour s’attacher à l’œuvre en tant que construction artistique. 

Füssli, auteur germanique, à une époque où il n’y avait à la place de l’Allemagne que des confettis de principautés et où le « la » en art était donné par l’Empire devenu austro-hongrois, serait techniquement une sorte de David tourmenté par des obsessions mentales et théâtrales. Ou encore, un Michel Ange revu et corrigé par des séances de musculation. Ou, pourquoi pas, un émule du Caravage en sa manière sanglante.

 

La technique qu’il emploie est d’un classicisme absolu au service d’une thématique qui l’est moins. Ses héroïnes sont dotées de longs bras qui ondulent  au gré des émotions. Ils appartiennent à l’ordre des textiles qui s’enroulent, se déploient, enveloppent, cachent et révèlent. Ils sont au service de l’émotion, de la trahison, de la luxure comme des grands sentiments. Ils sont secondés par des yeux qui savent s’exorbiter, rouler et jaillir des orbites dans des moments de fureur, d’horreur et de désespoir. Et quand les bras, ni les yeux, ne sont en mesure d’exprimer une émotion, une peur ou un sentiment atroce, alors les corps s’alanguissent et expriment ce qui reste à dire. C’est ainsi que se réduit à un corps abandonné la jeune fille (ou femme) du célèbre "cauchemar", dans sa demi-nudité, surmontée d’un monstre et regardée par un cheval.

 

L’œuvre de Füssli est finalement plus théâtrale que pictoriale. A force d’illustrer les grandes scènes du théâtre shakespearien, les contes et légendes germaniques et nordiques et quelques aventures de la Grèce antique, la peinture de Füssli a contribué à inventer ce qui deviendra une rengaine de la peinture « Mittel Europa »: la peinture romantique allemande qui, pendant tout le XIXème siècle, exploitera "ad nauseam" le pathétique, les pleurs et les grands sentiments. Il faudra attendre la fin du XIXème siècle, pour que l’art « germanique » en soit débarrassé quand émergeront les mouvements de la "Sécession" et de "Die Brûcke" et du " Blaue Reiter" .

 

Fûssli mérite cette belle exposition : il est un des fondateurs de cette peinture qui durera un siècle et un de ceux qui marqueront le plus clairement ses thèmes.

 

 

 


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