Soliloques sur le vaste monde, avril 2025

Et si le dollar ne nous était plus compté

 

Les décisions de Donal Trump peuvent paraître excessives, incongrues, choquantes. Pourtant, à bien y regarder, on devrait relever que dans bon nombre de cas, elles s’appuient sur des considérations économiques qui ne sont pas sans valeur et souvent s’appuient sur des leçons du passé.

 

Il serait oiseux de reprendre la multitude de décisions les unes après les autres pour en faire l’analyse : on se contentera de prendre quelques exemples clairement définis.

Pour commencer, la fameuse question des droits de douane « démentiels » imposés par les Etats-Unis aux importations en provenance de ses partenaires économiques. Fameuse est la question car elle a été soulevée à plusieurs reprises par les Etats-Unis eux-mêmes mais aussi par l’Europe et a été à l’origine d’une théorie économique réputée jusque à la seconde guerre mondiale.

 

Cette question peut être formulée ainsi : « Les pays dont la balance commerciale est structurellement positive sont-ils responsables des désordres monétaires internationaux ». Ce sujet je l’ai connu pour avoir planché dessus en 1969 !!! A l’époque la question était soulevée par les Etats-Unis à l’encontre de l’ancienne Allemagne de l’Ouest. Laquelle, fort gênée de sa balance excédentaire, se fit pardonner en achetant des dizaines d’avions de chasse américains.

 

Ces cas ont été largement inspirés par des théories protectionnistes et se sont traduits par des politiques du même ordre, tout particulièrement aux Etats-Unis pendant l’entre-deux guerres.

Dans le même esprit, les autorités de l’Union Européenne ont épinglé l’Allemagne quant à son absence de respect des Engagements Européens : La législation européenne prévoit un seuil de 7% du PIB pour les excédents commerciaux. L'Allemagne a souvent dépassé ce seuil, ce qui a conduit à des appels pour qu'elle augmente sa demande intérieure afin de réduire ces excédents.

 

Que tirer de ces observations ? Simplement cette conclusion, un pays ne peut pas laisser se détériorer sa balance commerciale sans réagir ! Or, la Balance commerciale des Etats-Unis ne cesse de se dégrader et atteint des niveaux impressionnants. Or, les Etats-Unis ont une forte tradition protectionniste.  Donc…

 

Une autre question pointe à l’horizon économique et monétaire : les Etats-Unis ont-ils vraiment intérêt au maintien du dollar comme monnaie nationale et internationale ? De fait, en raison des déficits multiples de l’économie US, le dollar est sous une pression incessante. Déjà, en 1971, les autorités américaines abandonnaient la convertibilité du dollar en or. Le secrétaire américain au trésor, John Connaly, lançait alors la fameuse interpellation : « le dollar est notre monnaie et maintenant c’est votre problème ». Pourquoi ne pas franchir un pas de plus : l’abandon du dollar au profit des monnaies numériques ?

 

Ainsi aurait-on réglé deux déficits sur les trois: déficit de la balance commerciale, déficit de la balance des paiements, il ne resterait plus qu’à traiter le déficit budgétaire ! C’est en cours! Vite fait, bien fait !!!

 

Tout ceci s’accomplit selon un timing brutal et fort peu diplomatique ? L’affaire du Groenland en est témoin. Faut-il ici aussi pousser de hauts-cris et dénoncer les atteintes à la démocratie et au droit des peuples etc…. ? Peut-être devrait-on rappeler quelques évènements du même genre ? La Louisiane par exemple : les Etats-Unis pensaient pouvoir en faire quelque chose, au contraire des Français. Ils commencèrent à imaginer de déclarer la guerre à la France, pour finalement procéder suivant les règles du « doux commerce » : dédommager les Français. C’était une bonne idée : Napoléon avait compris qu’il aurait du mal à faire respecter l’autorité de la France dans une zone où on ne trouvait quasiment plus de Français. Un peu plus tard, les Américains avaient sorti leur porte-monnaie pour acheter l’Alaska au Tsar qui avait donné son accord, suivant en cela les raisonnements napoléoniens. Alors, pourquoi tant de buzz pour le Groenland, plus de 2200000 km2, 45 000 habitants, 0 Danois ! Ce ne serait qu’un deal de plus. Le tout est de bien négocier pour l’honneur et la richesse du Danemark et d’intéresser les indigènes à l’opération. Cela vaut mieux que de voir débarquer les Russes dans ces parages!

 

Dans ces trois cas, la méthode est discutable, mais les principes sont solides.

 

Ils ont bonne mine les minerais

 

Je me souviens de ces grands moments de l’urgence énergétique quand à la suite de deux chocs pétroliers, la France s’est découverte toute nue. Toute nue ? non, bien sûr que non, la France ne venait pas de plus de 2000 ans d’histoire (au moins) traversés avec bosses et blessures pour se retrouver coincée au motif que le pétrole manquerait ou qu’il serait trop cher. La preuve fut fournie de façon éclatante par la célèbre formule « la France n’a pas de pétrole, mais elle a des idées ».
 
Nous revoilà cependant devant une nouvelle problématique du « manque de ». Cette fois-ci, le pétrole n’est pas en cause, le sujet, ce sont les terres rares, les métaux du même nom. Ce sont 17 éléments : Lanthane ; Cérium ; Praséodyme ; Néodyme ; Prométhium ; Samarium ; Europium ; Gadolinium ; Terbium ; Dysprosium ; Holmium ; Erbium ; Thulium ; Ytterbium ; Lutécium ; Scandium et Yttrium.

Tout ceci est essentiel pour les aimants, les batteries, les semi-conducteurs, les puces, le quantique, l’intelligence artificielle etc. Quand on dit « essentiel » on ne plaisante pas. Si on n’a pas de ces métaux rares, on ne peut pas fabriquer des tas de choses qui sont devenues essentielles, les puces et tous les objets qui en contiennent et qui ne fonctionnent qu’avec ces métaux intégrés dans les éléments qui les constituent, les téléphones portables, les ordinateurs portables ou pas, les écouteurs etc. .

Les Chinois sont en tête dans la production mondiale et le raffinage de métaux rares. Or, depuis que le Président Trump a lancé son opération « droits de douane » dans le monde entier, les Chinois ont annoncé qu’ils restreindraient les échanges sur les métaux rares dont, il faut le marteler, ils sont les premiers producteurs-exportateurs du monde : qui plus est, ils sont le seul pays qui réalise toutes les étapes de la transformation du minerai en métal soit 85 % des terres rares légères purifiées utilisées au niveau mondial, et 100 % des terres rares lourdes.
 
Comment lutter ? Durant ces dernières années, la France a multiplié les découvertes de pétrole et de gaz (heureusement, il n’y a pas que des choses difficiles en France !), ces dernières années, des gisements de métaux rares tels que le lithium, le cobalt et les terres rares ont été découverts dans diverses régions de France. Parmi les sites les plus prometteurs, on trouve la région de l'Auvergne qui pourrait devenir un centre majeur d'extraction de ces matériaux essentiels pour les technologies vertes et les énergies renouvelables.

Sur fond d’optimisme retrouvé, même les fausses nouvelles ont proliféré. Des fakes news n’ont-ils pas fait du gisement lorrain de l’hydrogène vert une huitième merveille du monde avec 2,8 milliards de tonnes à extraire (1.300 ans de pétrole) ? En fait ce serait plutôt …46 millions de tonnes. En vérité, tous les jours que le BRGM fait, un gisement est découvert en France, du Lithium dans l’Allier, trois usines de raffinage de métaux rares sont lancées à Lacq etc.

Alors, va-t-on pouvoir faire un pied de nez aux Chinois ? les Américains vont-ils être obligés de quémander nos produits rares la corde au cou comme les bourgeois de calais ? Pourra-t-on enfin se faire plaisir et nous enrichir en vendant de bonnes et concrètes richesses naturelles ?

On ne penserait donc pas aux drames vécus par les mineurs de fond ? Veut-on renvoyer sous la terre de nouvelles gueules noires fatalement victimes de maladies professionnelles atroces ? Faut-il sacrifier des vies d’aujourd’hui pour qu’on vive demain dans l’opulence et l’irresponsabilité ? Le spectacle des mines à ciel ouvert est-il si réjouissant ?

Halte là ! « On ne va pas détruire la forêt pour faire voler des avions ! ». Halte là, tout le monde le sait : les mines et usines de raffinage portent en elles la destruction des paysages. Pour quoi ? Pour quelles futilités ? Il faut écouter Sandrine Rousseau : « L’aérien n’a pas d’avenir » sous-entendu « Stop les métaux rares ! Allez les chercher ailleurs ! ». Lorsque des informations ont laissé à penser que la France serait le deuxième producteur mondial de lithium, le parti communiste s’est levé comme un seul homme pour empêcher ce qui ne pourrait que conduire à un désastre environnemental.

Ne sommes-nous pas le pays qui a bloqué une autoroute ? Laisserons-nous les prédateurs s’empiffrer ?

Voilà un beau sujet de débats et surtout « très dans l’air du temps ».

 

« De l'avenir, peut-on faire table rase ? »

Quand Atlas hausse les épaules

Atlas Shrugged

 

On pourrait imaginer que Donald Trump a trompé son monde, à commencer par ses électeurs, en ne leur annonçant pas à l’avance ce qu’il allait faire. En ce sens, si vraiment on pouvait tomber dans cette erreur de jugement, on pourrait dire que Donald Trump est l’exact contraire d’Adolphe Hitler qui, dans un épais bouquin avait clamé haut et fort ce qu’il avait vraiment l’intention de faire et qui, dès le début de sa prise de pouvoir avait lancé la mise en œuvre du programme complaisamment décrit dans « Mein Kampf ».

En revanche, il est dommage que les signes avant-coureurs de l’arrivée d’un « Trump » joueur de poker et renverseur de tables et de chaises n’aient pas été identifiés. Il n’est pas question de passer ici en revue la « geste trumpienne » pour lui faire dire ce qu’on aurait dû comprendre depuis une dizaine d’années. En revanche, il est des signaux qui, malgré leurs jaillissements de lumière, malgré leur apparentement avec des phares, n’ont pas été pris en compte. Il est des pensées qui cheminaient tout à la fois de façon souterraine et au vu et au su de tout le monde qui ont été négligées. Ces pensées, au moins aux Etats-Unis, travaillaient tranquillement une société qui se pensait à l’abri des agitations pour avoir justement conquis les agités, les marginaux, les incertains du sexe etc et pour les avoir introduits dans le fonctionnement de la société.

Vous n’avez peut-être pas aimé « Brahms », mais au moins avez-vous lu, « Atlas Shrugged ? ». « Selon une étude de la bibliothèque du Congrès américain et du Book of the month club menée dans les années 1990, ce livre est aux États-Unis le livre le plus influent sur les sondés, après la Bible ». Avez-vous fait partie des 10 millions de personnes (au moins) qui se sont plongées dans cette œuvre monumentale et en sont ressorties changées à jamais.

Donald Trump, changeant brutalement la donne des droits de douane, et, accessoirement, décidant que la masse des employés fédéraux inutiles, devaient être licenciée, n’est-il pas exactement l’un des héros de cet ouvrage devenu culte ? « Atlas shrugged ?» : le haussement d’épaule d’Atlas n’exprime-t-il pas un moment de fatigue du dieu grec. Lassé de porter le monde sur ses épaules, il aurait, dans un moment d’énervement, secoué sa charge et ébranlé le monde jusqu’à le menacer de ruines.

Le thème de cet ouvrage d’Aynd Rand n’est-il pas un thème Trumpien ? Laissez travailler les héros de l’économie, rompez les chaînes qui entravent leurs actes, leurs créations et leur conception des rapports sociaux ! Ecartez tous ceux qui profitent de la richesse qu’ils ne créent pas ! Ramenez dans leurs marges les marginaux et tous ceux qui profitent des faiblesses de sociétés ultrariches.

Les Etats-Unis qui s’étaient plus dans le rôle d’un Atlas des temps modernes, qui avaient accepté et même choisi d’être de ceux-là qui portent le monde sur leurs épaules, avaient déjà eu un coup de fatigue sous la présidence de R.Nixon. Les mêmes causes ont les mêmes effets, Atlas aujourd’hui est encore fatigué, plus encore qu’il y a 50 ans, pire il n’a plus les moyens (c’est-à-dire la force), et de porter la démocratie, et de diffuser le bonheur. Atlas est maintenant harcelé par les modernes Erynies ! Elles sont trois et se nomment « déficits » : déficit commercial, déficit budgétaire, déficit des changes. Atlas a découvert que le monde qu’il supporte a changé et qu’il se fait de plus en plus lourd, de moins en moins généreux et finalement hostile même à celui sur qui il pèse.

Il ne faut donc pas se tromper. Trump est porté par les Américains au nom d’une charge trop lourde. Qu’attend-il donc ? Peut-être ne faut-il pas se compliquer la vie : il s’attend à un défilé d’hommages et de signes d’allégeance. Atlas ne veut plus porter le monde « for free ». Si le monde souhaite profiter de la force d’Atlas-USA, il faudra que le monde vienne, avec ses cadeaux et des génuflexions, la solliciter.

This is not economics, stupid! It’s politics!


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