Diane Arbus à l'Orangerie

Une chance : pouvoir profiter d’une exposition de photo sans entassements de corps et de têtes, sans bousculades et sans gêneurs. Il faut ce calme et un minimum de liberté de mouvement. La chance : voir l’exposition de Diane Arbus, au Jeu de Paume dans ces conditions-là.

Car, en face des photos de Diane, il faut pouvoir prendre le temps de réfléchir. De regarder attentivement ce qui s’y passe. S’il s’y passe quelque chose. Et s’il ne se passe rien comprendre pourquoi. Et comment il ne se passe rien du tout.

Symbolique de toute l’exposition, la photo de la maison sur la colline : « house on a hill ». Tout en haut d’une colline photographiée depuis un contrebas, une maison dans le crépuscule. Tout, façade, colline, herbes, est presque noir. La nuit est déjà là. A l’horizon pourtant, les dernières lueurs avant que l’obscurité recouvre tout. Tout est presque noir. La façade massive appartient à la terre et à la nuit.

Mais la façade n’est qu’une façade, un décor tenu par des échafaudages, comme on en voyait à CineCitta. Ou à Hollywood dans les studios … La colline est-elle une vraie colline et les nuages qui passent, magnifiant la lumière déclinante, sont-ils là pour que le décor soit sincère?

Diane Arbus ne laisse pas d’alternatives.

Ses photos parlent toutes de façades. Visages, regards, silhouettes, sourires, grimaces, ne sont que façades et parfois façades sur façades. Derrière la photo de la façade « décor » de la maison, il n’y a rien. Y-a-t-il quelque chose derrière les visages en façade que la photographe enregistre.

"Veteran with flag" : celui auquel je pense est un homme sans marque distinctive, chaire molle, regard vide, drapeau pendant. « post turbam, omne animal triste ». Il ne se passe plus rien. Sans la foule de la manifestation, il se tient là, désarticulé. Renvoyé à lui-même. A rien.

On cherche parfois, dans un regard, s’il y a un regard, dans une attitude, quand elle n’est ni ridicule ni surfaite, ou mimée, s’il y a une intention, un signe. Et il n’y a rien. On se prend à penser qu’il n’y a pas que la beauté extérieure. On se souvient de Kenneth Clark chantant les grecs pour avoir créé le concept de beauté, de toutes pièces puisqu’il serait peine perdue de le rechercher dans la nature. Toute la série des « nudistes » ne dit pas autre chose. Ce n’est pas parce que les nudistes paraissent contents de leur nudité que la laideur est transformée. Diane Arbus a laissé tomber la tentative de la beauté. La beauté vraie est ailleurs n’est-ce pas ? Sauf, que les photos de Diane, montrent bien qu’ailleurs, derrière la façade, il n’y a rien. Alors, il n’y aura pas non plus de beauté intérieure….

Les fous ou les anormaux ne sont pas plus laids que les autres. Déguisés pour une fête, ils ne sont pas changés. Ils sont normalisés grâce aux masques et aux loups et rendus à la laideur et à la vacuité des gens ordinaires. Les vêtements déguisent les formes. Les masques et les déguisements ne dissimulent vraiment rien, puisqu’il n’y a rien à cacher. Puisqu’il n’y a rien.

Il y a les masques qui en disent plus long que les visages ou qui parlent pour des visages qui n’ont rien à dire. « Masked man in wheel chair » : La vacuité jusqu’au bout ? Si on lui retirait le masque, resterait-il un visage ? Il y a aussi ces vêtements qui se sont trompés de forme à mettre en valeur. Ou bien de corps qui s’est trompé de vêtements. (« Girl en her circus costume ».)

Ce rien qui plane autour des êtres peut-être malheureusement involontaire et injuste aussi. "Flower girl at a wedding » où le brouillard en toile de fond barre tout horizon et vide le paysage, un parc, de tout contenu, dissolvant la nature dans une bruine grise. La petite fille avec ses fleurs, très nette en premier plan, isolée absolument, se découpe sur rien.

« girl sitting in bed with her boyfriend » parle très fort du rien auquel conduit la solitude. Et le regard vide du drag queen qui danse.

Les déguisements de la vie quotidienne s’efforcent de détourner l’attention en créant du contenu là où ils le peuvent, afin de détourner les regards portés sur leurs regards sans vie et leurs chairs sans consistance. Déploiements incroyables de chapeaux impossibles, de coiffures monstrueuses, de masques hideux objets disposés en substituts du sujet. « Bartender Lady », « woman in a floppy hat ».

Y a-t-il pourtant chez Diane Arbus, des moments où on dira que ce n’est pas vrai, qu’il n’y a pas que du rien et que les regards ne sont pas tous vides ?

Ils existent ces moments là, mais pas pour rassurer. « Feminist in her hotel room » lance un regard attristé, une pensée inaboutie, espoir déçu et lassitude. « Superstar », à moitié nue, lance en arrière ses yeux révulsés. Ne sommes-nous pas, nous-mêmes vides comme elle ?

Il y a bien Helene Weigel, mais, elle est bien seule entourée d’un grand vide.

Une belle exposition ? Très belle, car justement, c’est cela le rôle du photographe. Par delà, les surfaces, les façades, les apparences, aller traquer le sens s’il y en a un. Et s’il n’y en a pas savoir débusquer ce rien et le montrer au grand jour.

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