José Maria Sert au Petit Palais

Le 9 mars 2012. 

Petit Palais, José Maria Sert, du 8 mars au 5 août .

Vous avez le temps, inutile de se presser. 

 

« On voyage dans un omnibus à côté d’un petit monsieur très ordinaire qui vous passe vos six sous aimablement au conducteur et vous ne savez pas qui c’est. Eh bien, c’est Michel-Ange! » aurait dit Degas en 1906. Voilà une exposition qui cherche d’emblée à tromper son monde: cette citation n’a aucun sens quant à l’artiste qui est montré. Cela commençait donc mal !

 

« Je veux être peintre décorateur! » se serait écrié José Maria Sert(cela résonne comme « j’aurais voulu être un artiste »).

Monsieur Sert fut un peintre catalan à Paris. Que n’était-il resté en Catalogne ! Nous aurions évité cette exposition totalement déprimante ? Faire face au néant. Un néant coûteux, semble-t-il.  Les gens se l’arrachait comprend-on ! Surtout les américains de l’après guerre (première) et de l’avant-crise (1929). Les petits cartons posés ici et là ont l’honnêteté (ou l’inconscience) de prévenir : « les nouvelles grandes fortunes issues de la Première guerre mondiale sont conquises par les décors du Catalan ».

 

Il faut aller jusqu’au bout du dicible, qui nous est resservi  par les pancartes de l’exposition : « Sert, et sa peinture cosmopolite et néanmoins catalane …» Ah ! ce « néanmoins »! On a envie s’écrier comme une célèbre banque britannique « think global, act local ».  Au fond, Monsieur Sert, c’était une sorte de banquier. Il faisait croire (fiduciaire) à la valeur de sa peinture (sous-jacent) ce qui lui permettait d’en tirer monnaie (currency school).

Allons, il faut quitter les généralités et entrer dans le vif du sujet. Pour se donner du courage, on citera Coco Chanel qui disait de Sert « une personnalité, bien plus grande que sa peinture…. ».

 

José Maria Sert s’est voulu peintre décorateur. Cela signifie qu’il s’était destiné à couvrir les murs de ses fantaisies picturales. Y compris, même, des Eglises, des cathédrales etc. Il a décoré des salles à manger, des salles de bals, des croisées de transepts; il a couvert des chapelles, des nefs entières et des boudoirs. Il savait tout décorer. Il a fait des paravents, il a dû aussi faire des éventails pour aller avec les paravents.  Il a finalement proposé à des clients très fortunés de les mettre en scène. Il a confectionné des écrins de prière pour des congrégations religieuses soutenues par de riches mècénes. Il proposait à tous, sa passion «être peintre décorateur ».  Ce qui n’est pas "peintre en bâtiment". Il faut être précis sur ce point, même si finalement cela revient au même : poser de la couleur sur un bâtiment, « en un certain ordre agencé » comme le disait finement Maurice Denis.

 

Alors, Sert peignait les bâtiments, leur intérieur en général. Il faut être concret, prenons un exemple :  une salle à manger, au hasard, celle d’Arthur Capel, où José Maria nous donne une version kitsch des quatre saisons . Sur fond verdâtre, des figures façon goyesques batifolent et dansent avec les pierrots qu’un Watteau complètement pèté aurait pu commettre. S’y ajoutent quelques venisienneries de pacotilles (Sert connait son monde artistique et n’a pas oublié que les grandes fresques, élégantes, drôles et décoratives sont toutes vénitiennes) qui font penser à des grands moments de la peinture de Chirico quand il avait (mal) tourné baroque maniériste. (cf Naïades au bain).

 

Là, nous avons des audaces de mirliton et de reportages sportifs. On est ému de voir les gratte-ciels dans le ciel en train de gratter (c’est leur job) sur un certain panneau et les canaux de Venise canotant dans un autre. Et surtout, à mourir de rire, des patineurs en train de rouler des patins et de faire trembler de rage, le bon Breughel qui, lui, en connaissait un rayon (en patins et en pantins).

Et par-dessus tout, les couleurs criardes criaillent.

 

Et tout est comme ça. Quand il y a grisaille, c’est pour mettre en scène des pittoresques de supermarchés. Quand c’est un carrousel qu’on veut vendre au Roi d’Espagne, on met du rouge partout, sur les joues, sur les fesses, sur les chapeaux, par terre. Ça ne dégouline même pas rouge-sang. On ne peut même pas se lancer dans des considérations sur le coté « viva la muerte » qu'on associe toujours avec les ibériques, les espagnols et catalans (qui doivent le dire en catalan) réunis.

Et encore : un monde de paysans catalans qui farandolent, dans tous les sens. Ce qui arrive dit-on, en Catalogne, dés que les bonnes gens voient un monsieur Sert pointer le bout de son pinceau.

 

Le peintre catalan, il faut le reconnaître connait ses classiques ! On a cité ses goyesqueries, ses emprunts à Watteau, à Véronèse, à Chirico même (pas sûr qu'il en connaissait l'existence... nous supposons là une espèce de discours vauclusien qui voudrait que les artistes soient tous, souterrainement et mystérieusement, liés entre eux).  Il faut aussi citer Michel-Ange. C’est que l’animal vous referait des chapelles Sixtine revisitée 500 ans après le maître….on en voit un exemple en projet.

On dit souvent que c’est dans les esquisses que le vrai talent se dévoile. Au fond, si les organisateurs de cette exposition avaient voulu simplifier la vie des « regardeurs », ils auraient été inspirés de les mettre au début de l’exposition et non à la fin. Les esquisses disent tout ce qui vient d’être dit.

 

Ah ! Oui ! Au fait ! Pourquoi faire cas de cette exposition sur une œuvre manifestement désastreuse ? S’agit-il de laisser aller la plume et de reposer un peu les neurones après la tension «  Erwin Olaf », après les déchirures d’Anouk Grinberg et après Martin Chambi ? La vérité est qu’elle est intéressante cette exposition tant elle témoigne d’un type de goût, tant elle questionne la nature du beau !  Elle fait partie de l’histoire des idées en peinture. Il y a eu dans l’histoire de la pensée et de l’art, et des sciences, des bourgeonnements, des lancées et des ratés, des impasses, des fausses poussées dans de mauvaises directions. Il y a, dans l’histoire des sciences, des exemples nombreux de chercheurs qui sont passés juste à coté de la bonne idée. C’est en ce sens, comme support de la réflexion sur ce type de questionnement, que la visite vaut d’être faite. Comme je ne me suis pas interdit d’aller voir une exposition des œuvres maniéristes de Chirico.

 

Un peu plus tard, ayant eu un aperçu du laid, peut-être pourra-t-on se lancer dans le dire du beau.


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