Lucas Foglia, la photo parfaite

La petite galerie que j’avais signalée, dans le rue Quincampoix est l’antichambre de la galerie principale: Galerie du Jour-Agnes B, qui expose tout au fond d’une cour dans un espace impressionnant par son ampleur et  ses cimaises.

Le thème de l’exposition : Natural Order, de Lucas Foglia. Photos parfaites, photos étranges. Qu’est-ce qu’une photo parfaite ? Je la définirais par sa qualité de reproduction.  J’entends par là une technique où compte le moindre pixel que le sujet photographié comporte. Où s’opère la restitution la plus fidèle de ce qui paraît dans le champ de vision du photographe, corrigé, c’est une évidence mais il faut le dire, par les conditions techniques d’acquisition de données de l’appareil qu’il utilise. Où par restitution, il faut entendre, montrer ce qu’on a décidé de voir, rien que cela, faisant de l’œil et de son aptitude à organiser l’environnement dans lequel il plonge, la clef de la prise de photo. Ce que j’ai décidé de voir est ce qu’il fallait restituer nous dit en substance le photographe qui s’oriente vers la photo parfaite.

Rien n’interdit la mise en scène. Rien n’interdit l’artifice. La photo parfaite est prise au risque même que cette perfection soit au service d’un artefact absolu. Pierre et Gilles, Lachapelle et Erwin Olaf pour prendre des exemples aux antipodes de Lucas Foglia font partie des représentants de cette photo parfaite. Est-ce d’une photo « trompe l’œil » qu’il s’agit, ou, pour reprendre une expression moins connotée « vieux siècle » une photo hyperréaliste ? Comme il y a eu, un peu moins aujourd’hui, une peinture « hyperréaliste ». Ou bien est-ce de la photo « grand genre », comme on pouvait il y a plus d’un siècle qualifier une peinture acharnée à rendre le moindre détail, y compris celui qui parait le plus futile. Après tout, Bouguereau, moins bien noté de nos jours avait recueilli les suffrages de la République. Et Thomas Couture et Bouguereau. Ou bien encore faut-il rattacher ce courant de la photo à celui de la peinture Hollandaise d’il y a trois ou quatre siècles, celle-là même qui nous livrait des intérieurs d’église et d’appartement dans leurs détails les plus fins? S’agit-il d’un courant de style, d’une technique de regard qui est incrustée dans notre culture de la représentation et qui, nolens volens, persistera quoiqu’il en soit des modernités, des avant-gardes et des révolutions picturales. On a dit à un moment que la photographie avait tué une certaine peinture de la justesse du ton et de la restitution. Il faudrait dire qu’en de certains moments, par l’office de quelques artistes, la photographie a su prendre la relève de la peinture…

Ici, la précision de la photo est absolue. Et le malaise s’installe ! Lucas Foglia dépeint, c’est le meilleur terme, des communautés, des familles qui vivent « à l’état naturel » dans le monde d’aujourd’hui. Evidemment ce sont des familles qui vivent près de la nature, qui en tirent subsistance, outils et ressources diverses. Il les photographie en groupes ou individuellement. Dans leurs activités de tous les jours comme dans leurs loisirs. Ses photos sont fantastiquement précises. On croirait y être, on y est, on vit avec ces gens-là, ce sont nos voisins, nos contemporains, nos proches…

La nature est généralement ensoleillée. (Je n’ai pas vu dans l’exposition qu’il puisse pleuvoir ou neiger). Il y a de l’eau qui semble pure et belle et bonne, dans laquelle on peut se baigner. Sur le plan de la photo, Lucas Foglia, nous offre du bon. Du parfait. Les brins d’herbe sont tous là. Le lait qui sort du pis de la chèvre, d’un trait, direct dans la bouche d’un enfant qui passait par là, est manifestement formé de particules élémentaires qui ne trichent pas. C’est vraiment du lait. Il y a des clins d’œil monumentaux, Kolossaux ! Photo d’un monsieur en train de flotter dans une eau claire et accueillante. A moitié submergé. Sauf son nez et un peu de sa tête (il faut bien qu’il respire). Sur son ventre, est installé une enfant (a priori ce n’est pas un mâle). Un peu plus bas (dans le corps) le sommet de son sexe, émerge. Wouaaahhhh ! hyper-vachement symbolique. Là on se dit que « ces américains…ils sont… allez !… on se lâche !…incroyables !!! ».

Une autre photo, montre à quel point le malaise peut s’installer. En matière de malaise, il y a deux façons de s’exprimer. La façon directe et la façon indirecte. Ici on a droit à un malaise « direct ». Une petite fille sur le point de pénétrer une écurie ou un truc de ce genre parce qu’il y a plein de paille par terre. Du soleil inonde la paille et lui donne un côté doré (sur tranche ?). Nous voyons la petite fille de face. Devant elle, sur la paille, se découpe une ombre. Très ombreuse. Apparemment, quelqu’un (un homme) appuyé sur un chambranle ou un mur ou on ne sait pas très bien .C’est tout. Malaise. Le regard de la petite fille n’exprime évidemment ni joie, ni reconnaissance, ni rien.

Il n’y a pas que de l’inquiétude ou du malaise. Ces gens près de la nature, ils sont souvent naturels, je veux dire qu’on les voit au naturel, je veux dire … Enfin, on a quelques photos, charmantes, de dames toutes nues perdues dans la contemplation d’une nature qui est, elle aussi, au naturel, comme les yaourts. On voit aussi une famille entière toute proche de la nature, habillée en gens qui sont près de la nature, c’est-à-dire dans le style Amish, mais pauvre. On y voit des gens qui ressemblent à de nombreuses peintures de l’ouest américain et de ses cultivateurs. On n’y voit rien qui pourrait faire penser à Dorothea Lange. Ses paysans à elle n’avaient pas choisi de n’avoir rien à se mettre sous la dent.

Bon… le défaut de ce commentaire, c’est qu’on ironise non pas sur les photos mais sur ce qu’elles représentent… Les photos, pour revenir à elles, sont parfaites. Admirablement mises en page. Couleurs et contrastes sont exactement ce qu’on trouve dans la nature quand on veut bien la regarder en face, sans se prendre la tête. Le photographe ne trahit rien, ne traduit rien, il montre tout. Ne rajoute rien. S’il y a excès dans son travail, il réside dans cette recherche de la restitution parfaite de ce qu’il voit. De tout ce qu’il veut voir évidemment. Mais rien que ça. Les sous-entendus que j’ai multipliés, il ne peut pas les avoir vus, car cela supposerait que ses photos ne sont pas parfaites et ne montrent pas tout de la réalité visible et évidente.

La question qu’on pourrait se poser : voit-il ce qu’il veut voir ou ce qu’on lui demande de donner à voir? Exécute-t-il un « contrat » passé avec les regardeurs, certains d’entre eux en tout cas? Il aurait alors photographié ce que les gens aiment voir? Ce n’est pas de lui que Daniel Arasse aurait pu dire « on n’y voit rien». 

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