James Nachtwey, memoria

Memoria,

Photographies de James Nachtwey à la Maison Européenne de la photographie. Jusqu'au 29 juillet.

 

Comment qualifier cette exposition si ce n’est de "monumentale"? Deux étages entiers de la Maison Européenne de la photographie, cela fait beaucoup. Une scénographie impeccable. Des images « grands formats » pour la plupart. La guerre, la misère, la terreur, les déchirures, le vivant sans cesse au risque de l’éclatement, de la volatilisation et de la pourriture, exposées et admirablement accrochées.

 

C’est une très belle exposition. Par esprit de contradiction, dira-t-on que c’est une trop belle exposition ? Ce que j’ai trouvé gênant : un besoin immodéré de mise en scène, de mise en page et en lumière. Des spots trop bien orientés, de ces spots qui n’éclaire que ce qu’il faut et qui font émerger des images de lumière sur fonds obscurs, des spots qui magnifient les images, mais qui aussi parfois, souvent, leur confèrent une valeur spectaculaire : spectacle, voilà ce qui est parfois gênant parce qu'on arrive très vite au risque d’esthétisme.

 

Le mot est lâché: certaines photos, terribles, sont belles. Pas sur le registre de Baudelaire, « belle hideusement… ». Elles sont belles parce que nous renvoyant à des accents de tragédie grecque, à des postures de défenseurs des Thermopyles ou à l’épouvante qui saisit Antigone. Certaines de ces photos sont tellement belles et tellement puissantes qu’elles ont fait le tour du monde : elles sont devenues des mythes, synthèses puissantes d’une pensée, messages si fortement cristallisés qu’ils paraissent en avoir acquis une forme d’éternité.

 

Pourra-t-on jamais regarder distraitement, jaugeant du cadrage et jugeant de l’authenticité de la photo, cette forme, une femme, à Kaboul, en 1996, tout entière cachée sous une burka, plus grise que la pierre tombale grise à laquelle elle s’accroche, plus poussiéreuse que ce qui reste de l’homme ou de l'enfant disparus. On aurait raison de la croire pierre, figée dans une attitude pareille à une montagne effondrée.

 

Comment ne pas être saisi par cette scène au Darfour, en 2003 qui répond à toutes les descentes de croix. Un nuage blanc, fait de rideaux emmêlés plane au-dessus des protagonistes. L’âme qui n’aurait pas encore décidé de s’en aller et qui resterait accrochée, lumineuse, au-dessus d’un corps alité, sans espoir.  

 

Noir comme il ne fait pas bon l’être aux Etats-Unis, dans l’Alabama, en 1996, massif : le corps noir remplit l’espace de la photo, la tête est baissée, soumise, malgré la puissance et la force qui se dégagent.

 

A Sarajevo, à Mostar ou ailleurs, en Bosnie, en Serbie et en Croatie, les corps paraissent se fondre progressivement dans le sol, s’y imprimer, ombre qui reste d’un corps parti en fumée à Gjakové, au Kosovo.

 

Noir et blanc, mais aussi, des couleurs qui ne doivent rien à la vie, au soleil et aux accents chaleureux de la nature. A Haïti, une silhouette, ombre sinistre armée d’un fusil se détache sur un mur ocre où s’appuie, tremblant, un garçon revêtu d’une couverture orange. A Port au Prince, en 1994, en premier plan un enfant qui ressemble à une ombre, se détache sur une rue à la sinistre luminosité.

 

On voudrait pouvoir commenter chacune de ces photos, car toutes sont d’une puissance d’autant plus forte qu’au travers du travail de James Natchway sont convoqués d’autres photographes du drame absolu, de la mort habituelle et des souffrances sans fin. J’ai beaucoup pensé à Stanley Greene et à ses photos du conflit yougoslave. Mais aussi à Laurence Leblanc et à ses photos, fortes comme des pensées, dans le Darfour.

 

Parmi les photos emblématiques, deux soldats, affalés, dos au mur, armes sous la main, le regard d’un des deux hommes est perdu, devant lui, affolé et absent comme le célèbre GI de Don Mccullin.

 

Les tragédies antiques, lumineuses et sombres, à la fois, sont venues jusqu’à nous et continuent à nous parler de l’homme dans toute son éternité. Et nous les trouvons belles. Pourtant, Antigone affronte la décomposition de son frère et les vautours qui rôdent autour du cadavre. Pourtant, l’horreur a frappé Œdipe et tout ce qu’il touchait...

 

La puissance de ces photos vient de là : elles ne sont pas belles pour des effets charmants, des cadrages réussis, des couleurs harmonieusement disposées, elles le sont pour leur capacité à redire, répéter et clamer sans cesse l’injustice de la haine et des passions. Belles parce qu’elles disent des pensées anciennes comme l'homme, malgré les abandons, les lâchetés et les calculs cyniques, et qui viennent à nouveau, pures et simples. 

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