Seydou Keita, l'ouverture au monde

Seydou Keita

Grand Palais

Jusqu’au 11 juillet

 

Je n’aime pas l’art Africain. Je le trouve sans âme. Poussiéreux. Triste dans les gris et les cendres, faisant le pitre pour amuser les collecteurs. Combien de fois ai-je lu, dans les petits cartouches qui racontent « les œuvres » : « récolté en tel année », « collecté »… pourquoi ne pas dire « ramassé » ou tout autre expression qui veut bien dire simplement que l’artiste n’a pas à être connu, qu’il n’y a peut-être pas eu d’artiste et qu’on a trouvé des choses qui n’avaient pas de valeur, qu’on était trop bon de débarrasser du terrain.

 

Je n’aime pas l’art Africain parce que, inconsciemment, je lui reproche d’avoir été vidé de l’essentiel, d’être comme une sorte d’emballage vide de tout contenu, boîtes jetées après usage, morceaux de bois qui ont servi suffisamment et qu’on a balancé à la décharge.

 

L’essentiel serait les génies qui habitaient les statues, les vœux qu’incarnaient des pieux sculptés, les esprits qui avaient revécu dans les masques. A la poubelle, les objets dont on a épuisé la richesse spirituelle et chamanique. A la poubelle, les vaisselles des cultes trop usées d’avoir bien servi, mais trop vieilles maintenant pour retenir une âme ou la rassasier.

 

Voilà pourquoi je n’aime pas l’art Africain, un des derniers arts totalement religieux du monde ! Cela n’a rien à voir avec Seydou Keita ? Sûrement, mais c’était une occasion de le dire et aussi, une façon d’introduire un art nouveau dans l’univers des arts africains. C’est contradictoire ? Tant pis ! Il y a des cas où les choses et les gens sont pétris de contradiction et l’Afrique doit en faire partie !

 

L’exposition qui met en valeur le travail de Seydou Keita est de toute beauté. Pour une fois, je ne lui opposerai pas ce reproche de l’anomalie qui consiste à tirer des photos XL quand les formats de l’époque n’excédaient pas L dans le meilleur des cas. Les photos sont issues du fonds des plaques et négatifs de Seydou Keita et ont été tirées avec son accord et selon son désir.

 

Pour une fois aussi (ça fait deux fois !!!) je conseillerai de lire autre chose que ce texte et en particulier le magnifique texte de Youssouf Tata Cissé qui introduit le livre sur l’œuvre de Seydou Keita produit par Actes Sud.

 

Après tant de prolégomènes que dire sur l’œuvre de Seydou Keita ?

 

Dans un premier temps, on dira que ce n’est pas une œuvre au sens que l’on donne usuellement aux productions artistiques. C’est un travail et le produit d’un travail, comme on parle d’un artisanat. Un fantastique travail qui s’inscrit dans un basculement sociétal, qui l’exprime et qui y participe.

Seydou Keita photographe de grande ville, installé photographe, réputé photographe n’a pas fait autre chose que des portraits, sous toutes tailles, pour un seul ou toute une famille, pour des potes ou pour des amoureux, pour des pères de famille et leurs deux ou trois co-épouses et leurs enfants, pour ceux qui voulaient faire modernes et ceux qui étaient modernes.

 

Or, prendre une photo dans l’inconscient social de cette époque, au Mali, c’est prendre quelque chose de l’âme d’une personne. Un photographe est un être dangereux. Etre photographié c’est abdiquer de quelque chose de soi. Mais, c’est aussi participer à un grand mouvement celui de la modernité, celui du regard qu’on peut poser sur soi-même, celui enfin, qui, papiers d’identité aidant, fait que l’image confère l’essence !!!

 

Ce sont tous ces mouvements contradictoires et confluents qui donnent à la photo de Seydou Keita sa puissance expressive et lui confère une dimension si particulière dans l’univers de la photo. On sait que le photographe n’hésitait pas à se faire metteur en scène, proposant des vêtements, des accessoires, des poses, des attitudes afin de mettre en valeur ses « sujets » et de leur donner la dimension qu’ils attendaient de la photo qui serait faite. Mais on sait aussi que ses sujets venaient avec les parures, ornements, vêtements, tissus dont leur quotidien était fait et aussi les moments exceptionnels.

Et le résultat est impressionnant d’homogénéité, de richesse et de liberté. Oui ! La plupart du temps les héros de la fête sont figés. Leurs regards sont aussi inquiets : ne vient-on pas leur prendre quelque chose dont ils pressentent qu’ils ne pourront peut-être pas le récupérer. Ou bien, leur inquiétude est faite de leur désir de pouvoir montrer quelque chose qu’ils ne sont pas et qu’ils voudraient afficher comme s’il s’agissait d’inscrire un vœu, un souhait de vie, de statut, d’avenir.

 

Ainsi, Seydou Keyta ne montre pas une galerie de personnages dans leurs métiers ou leurs statuts comme le fit en Allemagne, un August Sander. Il montre des gens inquiets et ravis, au plein sens du terme : ravis à leurs statuts originels et ravis de se trouver eux-mêmes dans de nouvelles attitudes, de nouveaux vêtements voire de nouvelles relations sociales.

 

 

Je ne raconterai pas les photos de Seydou Keita, elles parlent très forts et même si les sujets paraissent contraints, taiseux et empruntés, leur discours est fort et lourd. En revanche, il est un univers que le photographe a inventé de A à Z. En a-t-il eu conscience ? Sûrement, parce qu’il ne s’agit plus d’un moment volé et inscrit dans une plaque ou un négatif, il s’agit de codes définis par des tissus. Il a inventé une pose et une forme d’être. Il a sculpté les apparitions de l’homme et surtout de la femme africaine dans des assemblages de tissus à forme géométriques, où décors, vêtements, couvertures se combinent pour engoncer les corps et les visages et aussi leur donner une dimension qui n’est plus celle de la société de tous les jours. Ce ne sont pas des sculptures ou des groupes figés qui sont inventés par le photographe, ce sont des êtres dont il salue et officialise l’apparition. Des figures hautement africaines. Une idée de l’Afrique. Une image qu’il a fait jaillir, nouvelle réalité qui dit un monde nouveau. 

 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

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