Noémie Goudal au Bal

Noémie Goudal

Cinquième corps

Le Bal, jusqu’au 8 mai

 

Les expositions du Bal sont incontournables. Même quand je ne les trouve pas passionnantes, elles sont étonnantes, intéressantes et … passionnantes. Je serais de parti-pris ? Sûrement. Après tout, par moment, il faut savoir quitter une distance critique, hygiénique et prudente et s’enfoncer dans le tourbillon, les eaux profondes et les violences de la création artistique.

 

Cette fois-ci, encore, une belle exposition. Intéressante, stimulante. Elle en appellera d’autres car l’artiste est jeune. Je me souviens avoir rencontré une de ses œuvres rue de Seine. Elle venait d’obtenir un prix HSBC dans l’esprit « jeune ou nouvelle photographie ». Si ma mémoire est bonne, il s’agissait d’une chute d’eau ou l’eau était, au choix, un voile de mariée, un déferlement de lin vaporeux, une métaphore de l’eau. Peu importe. L’illusion était forte et la photo de très grande taille. Il fallait avoir vraiment le nez sur la photo pour découvrir le moyen illusionniste et son intention.

 

Illusion. Mot trop dit. Mot mal dit ? Maudit ? ou bien, essayer de le retrouver. Dans le sous-sol du Bal, cette gigantesque salle cubique, sans autre ouverture que sa voie d’accès vers/depuis l’escalier, l’illusion qui prend à la gorge. Ou plutôt à l’œil. Pour ce qui me concerne, sidération, perte de référence, le regard divague et va à la recherche d’images-souvenirs, de visions déjà acquises et de visites souvent faites. Connues et répertoriées. Et ce n’est pas possible.

 

Tout en bas, dans le cube, trois gigantesques montages de photos. Trois espaces-volumes-temps. Parmi elles, une nef gothique. La vue est brouillée. Le sentiment de l’équilibre aussi. Un phénomène d’aspiration-attraction. Pourtant cette structure, ces arcs boutants, ces clés de voûtes, cette impression de forêt que les édifices religieux gothiques livrent avec leurs foisonnements de colonnes, les lianes qui jaillissent des nervures, tout cela est connu, reconnu. Or, ici, les souvenirs sont oblitérés. Ils ne jouent plus leur rôle de référents. Un léger décalage temporel ou sensoriel.

 

Peut-être aussi parce que cette photo gigantesque est composée par des photos en pavés. Ou plus sûrement parce que voûtes, nervures, colonnes, nefs et allées semblent émerger d’un temps oublié. Elles font partie d’un ensemble en béton qui les enchâssent. Au-dessus de l’édifice du Moyen-âge, autour de cet édifice, des poutrelles, des piliers énormes de béton brut à peine émergés de planches et des coffrages. Faut-il se reporter dans des temps à venir quand des villes énormes auront recouvert les édifices anciens. On les aura protégés. Ou bien, plutôt que de les détruire, on les aura recouverts.

 

Les deux autres photos perdent le regard dans de fausses visions stéréoscopiques. A de certains moments on pense à Escher et on cherche l’erreur. La fameuse rupture géométrique discrète et illusionniste. Elle n’existe pas dans ces photos-là de Noémie Goudal. L’illusion au Bal n’est pas une farce jouée à nos sens. Ce n’est pas non plus un piège ou un artifice qui nous fait penser que la fiction n’est pas si loin de la réalité. L’illusion réside dans une difficulté d’entrer dans la composition combinée avec une pulsion, celle, justement, de pénétrer dans les édifices et de reprendre le contrôle de la réalité que la photographe propose aux regardeurs. Réalité ? A quelle réalité appartient cette structure géométrique dont les formes, les structures et la représentation pour le regardeur renvoie aux architectures imaginaires, rêvées, voulues du quattrocento. Ce serait la photo du fameux décor du Teatro Olimpo de Palladio à Vicence ou bien, une photo de Sabbionetta, ville imaginaire construite de toutes pièces.

 

Ce sentiment mitigé entre perception immédiate et illusion différée, elle est très clairement présente dans les autres œuvres de la photographe. Edifices d’invocation, d’oraisons, de déclamations ou structures abandonnées dont on a oublié la destination. Monuments à une mémoire perdue ou sculptures posées au milieu d’étendues désolées, naturelles comme on en voit dans les déserts américains, ou artificielles comme le sont certains bunkers de la côte atlantique. Escaliers qui ne mènent nulle part ou ascension chaldéenne pour voir les étoiles de plus près. Leur composition en panneaux multiples n’a rien à voir avec une quelconque contrainte technique, c’est, encore une fois, une façon d’interroger ce que contient le monde entre réalité éclatée et reconstituée et illusion à prendre en un seul bloc.

 

La série des astres solaires par quoi je termine, est placée au tout début de l’exposition. Elle est très belle, non pas pour l’image, qui nous saisit toujours de l’apparition/disparition du Soleil. Qu’on soit moderne ou non, qu’on se situe soi-même à des années lumières du chamanisme ou qu’on s’astreigne à une forte intimité avec les forces du monde, ces images ont toujours un fort impact sur nous. Elles sont d’ailleurs des milliers de fois photographiées, peintes, scénarisées à base de jeune demoiselle émue à la plongée du soleil dans l’océan ou au poète qui se morfond lors d’une sublime éclipse de soleil. Rien de romantique dans les belles photos de Noémie Goudal. De très grandes photos qui restituent notre univers, sa dimension a la fois menaçante et poétique.

 

 

Très belle exposition. Très beau projet photographique. Mettre le regard en déséquilibre, le faire avancer dans un mouvement instable. Difficile pari. Réussi. 

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