Robert Mapplethorpe au Grand Palais Canova?

 

Aprés une introduction en forme d'uppercut, voici deux chroniques où, entre Grand Palais et Musée Rodin, on a envie de tenter que Robert Mapplethorpe est entre Canova et Michel Ange. Ce serait trop d’honneur pour ce jeune américain ! Il n’aurait pour point commun avec les grands artistes de la renaissance que d’avoir été fauché trop vite par la mort. Comme eux, il a vécu l’art, l’amour et le sexe. Lui auront été épargnées les autres morts, duels, assassinats, haines politiques et folies religieuses !

 

Mapplethorpe au Grand Palais, ou le retour de Canova ?

 

Sa passion pour la forme classique est incroyablement présente durant toute l’exposition du Grand palais. N’est-il pas naturel dans ces conditions de rattacher le photographe à tous ceux qui ont retrouvé, transporté, diffusé le grand art classique celui qui nous est venu des grecs et des romains ? Faut-il l’ancrer dans les figures d’athlètes grecs ? Le Cupidon photographié par Robert Mapplethorpe oppose son marbre blanc à l’image de Fabrice (1978) qui parait surgir des ciseaux d’un sculpteur italien. Le corps sculpté de Lysa Lyon aux formes et à la musculature hiératiques renvoie aux tensions immobiles du néo-classicisme transfiguré de Canova. L’italien savait si bien rendre dans la pierre la ferme texture d’une hanche, la béance délicate des lèvres en attente de baiser. Il savait restituer le temps en faisant tourner les statues. Tête noire, tête blanche, emblématique opposition toute faite de complémentarité entre les crânes glabres de Ken Moody et de de Robert Sherman ; double médaillon ou ronde-bosse ? Le photographe nous fait oublier que la photo ne s’inscrit pas dans trois dimensions. Comme Canova parvenait à nous faire croire au déroulement d’une histoire.

 

Pour une fois, comparaison est raison, RM ne dit-il pas « If I had been born one or two hundred years ago, I might have been a sculptor but photography is a very quick way to see, to make scupture ».

 

Et de fait, le mérite de l’exposition du grand Palais est de mettre en valeur la façon dont Robert Mapplethorpe restitue les splendeurs du corps, allant au plus droit, au plus près, usant des traits les plus économes pour annoncer et faire surgir la beauté. Il n’est pas le seul que l’obsession de la beauté des corps a conduit à produire des chefs-d’œuvre. On pense aux corps illuminés d’E.Weston dont je préfère l’esthétique inspirée et qui a lancé une vision du corps féminin qui est maintenant incontournable.  Mapplethorpe n’est pas davantage le premier à avoir joué de la lumière sur les corps, à les avoir inscrits dans des jeux d’ombres et de clarté. Il a cependant été le premier photographe à élever le corps masculin à ce degré de la beauté formelle et à faire du corps noir un degré ultime de la beauté des corps masculins. Alors qu’il n’hésitait pas à se photographier dans des scènes de cul, il a exorcisé la vision porno du corps masculin ou, pire, la vision ridicule.

 

Il a rompu cet étrange ostracisme à l’encontre du nu masculin, dont Kenneth Clark a si bien décrit l’inéluctabilité à partir du XVIème siècle, qui s’est poursuivie jusque dans la fin du XXème et n’a été rompu que par des artistes contemporains. Je ne sais si ce détail est « signifiant », mais, toujours, et encore de nos jours, représenter un sexe masculin passe par une contrainte de verticalité ! Comme si, inconsciemment, l’artiste, qu’il soit extrême ou non, devait payer un tribut aux convenances et rappeler fermement que l’érection verticale (sans jeu de mot !) des phallus était comme une évidence inscrite dans les sociétés grecques et romaines. Comme si les artistes se devaient de rappeler aux regardeurs que se dressaient à tous les coins de rue, dans Pompéi, comme dans Herculanum ou partout ailleurs dans l’antiquité païenne, des phallus de grandes tailles toujours et gigantesques parfois et bien droits, des « emblèmes » phalliques dressés comme des arbres mythiques ou comme des « axes du monde » (qu’ils étaient depuis des temps immémoriaux) ? Tout ceci expliquerait peut-être qu’aujourd’hui encore, représenter un pénis en érection « horizontale » renvoie à la pornographie !

 

Les corps masculins de Mapplethorpe sont triomphants, telluriques, défiant les marbres les plus blancs ou les plus noirs, les bronzes les plus vibrants. Corps vus de dos, massifs comme des galets, puissants comme des rocs, striés d’ombres et de lumière. Corps éclatants, devenus objets, marbres noirs ou argiles aux fines craquelures posés directement sur le corps de Lysa Lyon transformée en statue transitoire, peaux noires faisant résistance à la lumière, corps de marbre se détachant sur l’ombre, corps noirs et blancs mêlés en d’austères confrontations, corps inscrits dans des cercles, une façon de clin d’œil aux divines proportions du corps selon Vitruve. C’est cela Mapplethorpe.

 

Corps sculptés : Lysa Lyon est-elle aussi « a female torse » en marbre antique ? Son corps peut bien se confondre avec le granit d’une plage. Il est du roc dont on fait les grèves. Les corps de Lysa Lyon ou de Tyrone, ou de Thomas, disent la beauté classique, pure, à l’antique. Peut-on au moment où l’artiste shoote ses modèles revenir une fois encore au monde antique et à ses canons ? Peut-on à nouveau engager la querelle des classiques et des modernes ? C’est au regardeur d’en décider, si ce n’est que le chroniqueur dira qu’il y a une idée de la beauté dans l’œuvre de Mapplethorpe et qu’il la poursuit avec obstination. Ses photos disent qu’il aime la beauté pure des corps classiques et qu’il cherche l’inspiration des Grecs pour chanter le corps des athlètes, des éphèbes et des Kouré. C’est tout Mapplethorpe comme c’était tout Canova que ce culte de la beauté.

 

A l’inverse, ce culte même nuit à ses portraits : très conventionnels, superficiels, à fleur de marbre, a-t-on envie de dire, tant ils paraissent fixés, figés, statufiés. Deux exceptions pourtant :

 

L’une appartient au domaine de l’intime et du sensible, loin de la recherche pure de la forme pure. Ce sont les  autoportraits qu’il tire systématiquement vers l’ambiguïté, «self-portrait à la fourrure» où on voit Lui qui devient Elle. Appartiennent de même à cette exception les photos de l’amitié amoureuse, merveilles de sensibilité, dont Patty Smith est l’héroïne, splendide oiseau à crête noire sur plumage virginal, androgyne au pantalon noir, gamine mal peignée en liquette. Patty Smith n’est pas belle au sens où les photos de Robert Mapplethorpe l’exigent et le montrent. Première exception.

 

La Deuxième : une photo de Katherine Cebrian où mise en scène et psychologie aiguisée donnent une dimension originale au travail de l’artiste. Cette exception-là est foudroyante. Mise en scène complexe, mise en valeur d’une figure taillée à coup de serpe et de ciseaux d’argent; il ne s’agit plus ici de beauté tirée de la contemplation des formes à l’antique, mais d’un regard qui illumine et révèle où se trouve la beauté et comment il faut la rechercher.

 

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