Panorama, une exposition à Beaubourg 3

Méditation critique sur l’exposition Panorama Gerhard Richter à Beaubourg.

3 Gehrard Richter.


Producteur d'Art.

Tous styles, tous supports, tous sujets.

Peinture historique, de paysage, ou peinture abstraite.

Grands et petits formats.

 

 

 

 

 

 

 

La critique de l’exposition dite « panorama » portant sur les œuvres de G.Richter (GR) à Beaubourg (le TGM) s’est achevée sur une déclaration un peu troublante. Volontairement troublante. Les mots ne volent pas quand ils ont été inscrits en mode binaire. Ils restent coincés dans la puce. Les voici dans leur pureté de mots numérisés.


« Je pense que GR est surtout un grand fabricant d’images artistiques. Il n’a rien inventé. Son rapport entre peinture et photo est aussi vieux que la naissance de la photo. Lorsqu’il photographie la mer pour la reproduire en peinture on ne voit qu’une seule chose, Courbet qui a peint la vague après que la vague a été dûment photographiée.

En tant que producteur d’image, c’est un grand reproducteur. Et son talent est là. C’est là aussi ce qui en fait une valeur solide à la bourse mondiale des valeurs de l’art. Il produit de l’art identifiable, de la rupture figée et annonce clairement qu’il n’y aura pas de vision ».


Au nom de l’Art avec un grand A, au nom de la création artistique, au nom enfin des regardeurs qui viennent par milliers admirer l’œuvre de GR, comment peut-on dire de lui qu’il est un producteur d’art et pas un artiste ? Qu’est-ce qu’un artiste si ce n’est un producteur d’art ? N’y a-t-il pas là, une espèce de pirouette d’un critique qui se serait rendu compte en fin de page, en fin de critique qu’il y  est allé un peu fort. Qu’il a voulu faire le bel esprit, l’esprit fort et porter la critique contre une vraie valeur sûre du monde de l’art. Voilà maintenant qu’il se reprendrait. Qu’il dirait non pas « je me suis trompé », mais « distinguo ! ». Question d’amour propre.


Donc, il faut que je m’explique.


GR est apprécié par un grand nombre de gens. Dans tous les sens du terme. Il est apprécié à sa juste valeur, dira-t-on un peu méchamment, montrant par là qu’il est bien coté donc qu’il est bien aimé. On m’a opposé mes excès sur la culture allemande, on m’a montré que justement il était le produit comme Bazelitz, comme Fetting et comme tant d’autres de cette culture de l’Allemagne de l’après-guerre. Beaucoup de mes critiques m’ont fait simplement remarquer que je n’avais pas été aussi acide à l’égard de Baselitz ou de Kieffer, dont les œuvres ne sont pas davantage connues en France que celles de GR. Pourquoi alors s’en prendre à GR dont les audaces ont au moins le mérite d’éviter les travers scato, sado et autres sexo-machins qui caractérisent une bonne partie de l’art contemporain actuel ? Il est vrai qu’aucune œuvre de GR ne montre un corps nu dans des attitudes équivoques, pas de photos de beaux gars avec des casquettes nazies et la seule femme déshabillée, vraiment déshabillée de l’exposition est celle qui descend l’escalier. Donc, GR est un artiste propre, sinon prude et ça fait du bien dans une société qui fait du porno un axe de comportement et de pensée banalisée. Mais, ce n’est pas ça le critère de la création artistique.


J’ai dit que GR est un Producteur d’art, parce que je ne le vois pas comme un artiste au sens que je donne à ce mot : créateur. Je n’ajoute pas créateur d’art, car cela n’aurait pas de sens. Sa dextérité, la souplesse dont il fait montre, passant d’une œuvre où il transpose des photos, à celle où il produit de grandes toiles abstraites, passant de la peinture à l’huile au copié collé pure et simple, ne font pas de lui un créateur. Pas un seul instant n’éprouve-t-on le frisson devant l’œuvre d’un artiste qui a une vision. On lit dans l’opuscule remis à tous les visiteurs, (qui est un recueil innommable de poncifs incultes) ces propos de l’auteur « je n’obéis à aucune intention, à aucun système, à aucune tendance… ». Combien de fois ce genre de déclaration d’indépendance a-t-il été fait ?  Combien d’écoles artistiques se sont instaurées libres de toutes les autres. Combien d’écrivains, de poètes, de peintres se sont exclamés qu’ils voulaient voler de leur propres ailes. Radotage de l’époque révolue de la querelle des Anciens et des Modernes  qui n’est pas rattrapée par cette autre déclaration : « J’aime l’incertitude… »


Et pourtant, il s’instaure comme artiste ! Légitimement, d’ailleurs : le premier acte d’un artiste est bien de se proclamer, d’agir et de se penser tel. On ne peint pas, on ne trace pas ou ne transpose rien sur des formats qui font plus de deux mètres sur deux sans être convaincu qu’on est un artiste et qu’on est peut-être un grand, un visionnaire ! Si ce n’est pas une certitude, on se demande bien ce que cela peut-être ! Et, évidemment rien de ce que fait GR n’est incertain.  C’est même tout l’inverse.  Et pourtant, il se refuse à se proclamer artiste, y compris par ses œuvres. La question est que ses œuvres et leur soi-disant diversité, son auto-proclamation d’un art sans but, sans intention et sans pensée tournent en rond et bouclent sur un art sans importance et, finalement, sur une production artistique. Comme on trouve des directeurs et des producteurs artistiques au cinéma. Si on devait utiliser la terminologie cinématographique on dirait qu’il producteur d’art et non pas réalisateur.


Les preuves ? Chacune de ses œuvres énonce que c’est bien de cette action de production qu’elle vient. Bien sûr, on me dira qu’on ne devrait pas découper son œuvre. On ne devrait pas montrer ce statut de producteur artistique en détachant une œuvre de la série qui l’accompagne ou de l’ensemble auquel elle s’oppose. C’est caricaturer que de prendre les œuvres les unes après les autres pour leur faire perdre contenance. Ce serait même les brutaliser. Et pourtant, il faut bien le faire.


C’est ainsi, exemple à l’appui que je ne peux pas considérer le fameux « classicisme » de GR comme de l’art au sens de la création. « Chinon » ou « l’iceberg « ne sont que les remugles d’une peinture qu’on pouvait aimer au milieu du XIXème siècle. Ce n’est pas parce qu’on fait du Barbizon Flouté qu’on a revisité les classiques ! Quand on pense au nombre de peintres qui continuent l’impressionnisme de nos jours, tous les dimanches au bord de la Seine, on ne peut qu’être atterré de voir des commentaires élogieux sur une forme qui date à ce point, sans même l’ironie d’un détournement. Je reprends ici ma comparaison avec Chirico. « Repentir du génie ». Le renégat qui revient à la vraie foi. On croit entendre Rimbaud, se justifiant de cesser de créer « Et puis c'était mal !».

A l'inverse, quand Kieffer peint des champs couverts de cicatrices, sillons fonçant vers une perspective caricaturale, on n’a pas envie de penser aux labours d’un Théodore Rousseau ou aux fenaisons d’un Millet. On pense aux rails qui conduisent à Auschwitz. GR, lui, retrouve le classicisme et, nous dit-on, le « revisite ».  En fait de « visitation », c’est de re-production qu’il faut parler. Pas d’une copie qu’on pourrait imaginer en dizaines d’exemplaires. Non, il produit à nouveau et se dépense, le geste s’alliant à la matière. Il produit à nouveau comme on peut dire « il produit encore une fois ! ». On se demande ce que le passé lui a fait pour qu’il en fasse cette sorte de brouet indigeste.


Le pire se trouvant dans sa « bougie » et « Betty se retournant », et aussi dans cette « liseuse » insipide qui sont à la création artistique ce que sont les boules de cristal où il neige sur un chalet tyrolien ou sur le Sacré-Cœur à Montmartre. Ce n’est pas, en effet parce qu’on mime les œuvres des géants qu’on quitte son statut d’homme ordinaire. On ne peut même pas être « kitsch » à ce compte, tant on est sérieux dans ce qu’on fait. Le regardeur ne peut pas se tromper car il n’est jamais trompé: il en voit pour ce qu’il lui est offert à voir, pas plus, pas troublant, rassurant, comme on aime quand on se retrouve entre amis pour se dire les mêmes choses et s’assurer que chacun tiendra bien son rôle dans la survie des bonnes habitudes et des pensées acquises.

 

voir aussi Panorama 1 et Panorama 2


Alors producteur d’art ? Mais bien sûr! Les formes qu’il propose sont si sûres, si peu nouvelles, si conformes aux habitudes des regardeurs. GR fait des choses qui sont agréables à voir et parfois intéressantes. La série familiale est empreinte de tendresse, on ne peut pas le lui retirer et c’est ce qui attire le regardeur. Franchement, comment ne pas aimer l'image de la « liseuse » ? On connait si bien celle de Vermeer. on en oublie presque que ce n'est pas une image, mais une peinture!!! Elle fait partie de la famille, cette liseuse. Peu ou prou, les liseuses hollandaises des suiveurs ont créé et conforté les canons. Vermeer, mais un peu plus tard Chardin ont créé non pas des images mais un corps de sens et d’idées complètement nouveaux. Ils ont été ensuite acclimatés, installés dans le « décor » des gens de tous les jours. Ils sont devenus des références absolues. Si, moi, occidental, je dis que le noir est sinistre et couleur de deuil, c’est que je le tiens d’une haute tradition. Si j’aime le paysage à Chinon, et même les meules et les cathédrales floutées, c’est que j’ai reçu cela de longue date, ces visions sont devenues des vues parce que les ayant reçu, je les vois sans autre effort que de porter mon regard et que je les tiens pour bon car rien dans ce qu’il voit ne le rebute.


Le producteur d’art est celui qui tient compte de son marché. GR, protestant de son indépendance, produit bien de l’art balisé, référencé, normé. Il n’étonne pas, ni ne détonne. Lorsqu’il est abstrait il est encore un producteur d’art assermenté, comme on en avait dans les guildes autrefois. Il fabrique du bon art abstrait, supportable, dans les coloris que les regardeurs attendent et avec ces grands mouvements de peinture, ces grands gestes qui renvoient à toute l’imagerie d’Epinal de l’art gestuel, du lyrisme en couleur, du romantisme si on veut y trouver du sentiment.


Producteur d’art est un métier tout à fait respectable. Et même reproducteur. Tout le monde n’est pas obligé de vivre l’art comme une bataille de tous les instants, ni l’artiste comme un géant portant les piliers du monde ou les renversant pour tout réinventer. Il est naturel que des regardeurs aient envie de retrouver sur leurs murs des œuvres qui font penser à … des formes qui leur rappellent tel auteur… des couleurs si proches de tel mouvement. Producteur d’art est un métier estimable même s’il est loin de la création. 

 

 Dans la bataille des monnaies numériques souveraines, la Chine fait la course en tête

 

 

 

Il vous suffira de tendre la main, vers les librairies du net,

Babelio, Amazon, Fnac, books.google, BOD librairie et l'éditeur: Arnaud Franel Editions

 

 

 

Quelques ouvrages de Pascal Ordonneau

Panthéon au Carré est disponible aux éditions de la Route de la Soie.

Promotion est disponible chez Numeriklivre et dans toutes les librairies "digitales"

Au Pays de l'Eau et des Dieux est disponible chez Jacques Flament Editeur ainsi que

La Désillusion, le retour de l'Empire allemand, le Bunker et "Survivre dans un monde de Cons".

"La bataille mondiale des matières premières", "le crédit à moyen et long terme" et "Les multinationales contre les Etats" sont épuisés. 

En collaboration: Institut de l'Iconomie

S'inscrire 

 chaque semaine "La" newsletter (tous les lundis)

et "Humeur" (tous les jeudis)

 

Il vous suffit de transmettre vos coordonnées "Mel" à l'adresse suivante

pordonneau@gmail.com